En prenant possession de la bête chez Ducati Genève, on n’ose toujours pas y croire. Les premiers essais sont élogieux, le monde entier semble séduit et, au final, non, elle n’est vraiment pas moche, cette nouvelle Ducati. Ramassé sur lui-même, le Diable semble prêt à bondir sur le moindre véhicule ou passant innocent qui croiserait son chemin.
Le gabarit impressionne, pour une Ducati, mais n’a rien de bien méchant. Sur cette version Carbon du Diavel, on se penche au-dessus d’un réservoir splendide, couvert d’un film mat qui protège et donne un look très sport-chic à la moto. Oui, c’est un beau Diable! Les superbes jantes Marchesini en alliage forgé sautent aux yeux, surtout l’arrière, dévoilée par un monobras oscillant massif. Le pneu arrière, un petit 240 fillette, semble vouloir avaler le support de plaque. Le regard coule ensuite vers l’échappement et ses énormes tubulures, qui disparaissent dans le moteur. Un moteur qu’on devine plus qu’on ne le voit, tant il est masqué par le cadre et des caches en tout genre. Nous voilà arrivés à la face avant, avec l’optique de phare maousse costaud et sa belle rangée de LED, le garde-boue en carbone et la fourche Marzocchi. Deux pas en arrière, on jauge la silhouette du Diavel. Pas de doute, de près comme de loin, elle en jette! On va vraiment monter là-dessus?
Oui, parce qu’admirer la bête et la chevaucher, ce sont deux choses bien différentes. On s’installe au guidon avec respect, un peu comme pour monter sur une Yamaha V-max 1700, autre monstre du genre. La selle, basse et plutôt confortable, crée l’illusion. D’une manipulation sur le coupe circuit, on met le contact (à transpondeur) et tout s’illumine. Le (très) beau compteur joue les sapins de Noël pendant que, sur l’écran digital, deux lasers dessinent la silhouette de la moto. Les informations s’affichent ensuite de façon pléthorique. Rien qu’avec cet ordinateur de bord, il y en a pour des heures d’amusement! Affichage des consommations moyennes, des temps de trajet, réglage de la puissance et du traction control (DTC chez Ducati)… le tout en couleurs! Allez, on la démarre…
Si le Diavel faisait presque illusion moteur coupé, le masque tombe dès les premiers coups de pistons. Alors que le grondement du twin couvre les bruits de la circulation et que son postérieur vibre au rythme des coups de piston du cylindre arrière, un infime frisson remonte le long de la colonne vertébrale du pilote. Quel engin! Deux petits coups de gaz et le moteur racle, gronde un peu plus pour signaler qu’il est prêt à y aller! Un rictus de dément au coin des lèvres, on passe la première et on s’élance dans le flux automobile, qui peut déjà trembler!
Dès les premiers mètres, on est scotché par la réactivité du Diavel. Au vu du gabarit, on s’attendait à quelque-chose de vraiment lourd à manier, mais c’est tout le contraire! Bon, on n’est pas sur un vélo à basses vitesses, mais la faible hauteur de selle et les masses bien centrées rendent les manoeuvres aisées. Les commandes un peu dures sont dans le ton du concept, dirons-nous. Déjà, le 1200 de la Multistrada, gonflé à 162 chevaux, enchante! Conquis par l’ambiance qui règne sur le Diavel, on n’attend qu’une occasion de lâcher la bride au moteur.
Un second grondement se fait entendre alors qu’on arrive en tête de file au feu rouge. Un autre Diavel! Son propriétaire hoche la tête, l’air ravi, et reporte son attention sur le feu rouge. Ça, c’est une bonne occasion! D’un coup de démarreur, on passe en mode Sport et le vert s’allume. GAZ! Le coup de pied aux fesses est magistral dès 4’000 tours et la puissance ne cesse de déferler! Le twin gronde et gronde encore au fil des rapports. Le collègue est derrière et finit par couper à l’approche du carrefour suivant. Sage décision: le Diavel arrache le bitume et vous propulse rapidement à des vitesses folles!
Le besoin de grands espaces se fait rapidement ressentir: il est temps de voir ce que le Diavel a à offrir au niveau du châssis. Son moteur extraordinaire pourra-t-il être exploité dans des routes aux virages et aux revêtements variés? Pour le savoir, direction Martigny et ses jolies montées environnantes. D’abord, passage obligé par l’autoroute. Si l’on s’y lasse vite des performances ahurissantes du moteur, la protection était vraiment inexistante, on ne souffre pas plus que sur d’autres machines du même acabit. Privilégiez toutefois la vitesse légale et les arrêts fréquents pour soulager vos muscles, très sollicités par la pression de l’air.
Arrivé à Martigny, première montée en direction de Champex-Lac! Une mini-route tournicotante et encore humide des pluies de la veille. En mode Touring, avec le DTC au niveau 3, les virages s’enchaînent… sans aucun problème! Et elle en redemande, la Ducati! Si les micro-épingles mettent à mal son agilité, les autres courbes sont avalées sans aucun complexe. Quoi? Ah, oui, vous avez bien lu: le Diavel est agile! Secondé par le moteur, toujours disponible au-dessus de 3’000 tours, le châssis est un pur régal! Si l’on avait jusque là positionné la Ducat’ dans le segment des cruisers, on commence sérieusement à hésiter! Le comportement est homogène et on manie l’engin au doigt et à l’oeil.
Le colossal pneu arrière semble perdre le tiers de sa taille, laissant virer la moto d’une pichenette sur le guidon! L’énorme train avant encaisse la puissance du freinage Brembo comme qui rigole, alors que l’amortisseur arrière (placé horizontalement à l’arrière du moteur, dans l’axe du bras oscillant) sourcille à peine sous la charge des 162 chevaux, au sortir des courbes. Le Diavel est surprenant d’efficacité!
Après une pause ravitaillement bien méritée (avec 240 kilomètres au compteur avant réserve, chapeau), on attaque deux cols sympathiques: le col de la Forclaz et celui des Montets, en direction de Genève, via Chamonix. Là, c’est la garde au sol du Diavel qui finit par abdiquer. C’est d’ailleurs presque heureux, tant on attaque sans retenue à son guidon! Le poids de la moto rassure: on peut lui rentrer dans le lard sans problème, elle encaisse. On préfèrera toutefois tracer de belles trajectoires et jouir des accélérations démentielles dont le Diavel est capable.
De plus, à chaque arrêt, les curieux arrivent en masse. On ne passe pas inaperçu au guidon d’un tel engin! La plupart des amateurs de moto étaient surpris que Ducati ait produit un tel engin: « Mais, dites, ça se comporte bien, dans les virages? ». Avec un grand sourire, le coeur encore dans les tours, la réponse fut simple… Oui!
Les kilomètres défilent vite et, finalement, on arrive devant la porte du garage, à la maison. Déjà? Hé oui, le weekend touche à sa fin et demain, le Diavel retrouvera son logis carougeois chez Ducati Genève. Du début à la fin de l’essai, ce diable vêtu de carbone aura été une véritable surprise et un gros, gros coup de coeur. Son moteur démoniaque et son châssis surprenant se complètent magnifiquement à l’attaque! Au quotidien, l’ensemble s’avère confortable à rouler, apte à se gaver de kilomètres et toujours partant pour une virée en ville. Finalement, le Diavel ne semble pas si diabolique que ça.
Hum… redémarre juste un coup, pour voir?