Certains ont immédiatement senti le vent tourner, mais dans le mauvais sens, d'autres ont tout simplement esquissé un sourire en se disant que BMW n'avait pas le savoir-faire pour réussir à sortir quelque chose de potable. D'autres ont encore imaginé une moto arrivant avec des cylindres sortant du carénage. Bref, on a entendu toutes les remarques.
Mais lorsque la S1000RR a été dévoilée à la presse, BMW a ébranlé le monde des Supersports. L'apocalypse pour bon nombre de grosses marques (surtout japonaises) qui avaient pignon sur rue dans la catégorie reine des Supersports.
Au premier coup d'oeil, pas besoin d'être devin pour reconnaître une S1000RR parmi d'autres. La face avant reprend les feux asymétriques, signature caractéristique de la marque à l'hélice (R1200GS, K1300R...).
Les lignes sont taillées à la serpe, arrêtes vives, apparence cossue, ... La couleur est annoncée, l'objectif est de faire mal aux nippones. La moto semble être idéale pour les grands gabarits dont je fais partie - eh oui, difficile de caser 188cm sur une sportive.
D'ailleurs, si vous regardez mon essai de la RSV4R, vous vous apercevrez immédiatement que l'Aprilia est faite pour les mangeurs de Pasta ; on pourrait croire que je suis sur une pocket-bike. Alors que la BMW a été faite et imaginée par des nageurs de l'Allemagne de l'Est. Ces mêmes nageurs ont dû voir beaucoup de requins dans leur bassin d'entrainement, car, si vous regardez le côté du carénage, vous constaterez que les aérations ressemblent fortement à des branchies de squale.
L'arrière, quant à lui, se pare d'un magnifique feu arrière formant deux pointes. Vu du bas, je laisse le soin à votre imagination afin de trouver ce à quoi il peut ressembler.
Ma version d'essai est parée de la plus belle couleur à mes yeux, la version Replica Motorsport. Le catalogue propose différents coloris : Mineral Silver Metallic, Thunder Grey Metallic et Acid Green Metallic.
La première impression en enfourchant mon destrier est que la selle est haute. 820mm exactement, certes ce n'est pas la plus haute, car la Triumph Daytona fait mieux avec ses 830mm, mais c'est déjà pas mal. L'assise n'est pas aussi agressive que sur certaines motos de la catégorie : votre corps garde une position assez droite, point de basculement exagéré sur l'avant, vos poignets et dos vous remercieront lors de balade prolongée.
La finition de l'ensemble des commandes est de haut vol. La qualité des matériaux utilisés y est certainement pour beaucoup. La première chose qui frappe et surprend (en bien) est la présence de graduation de 1 à 10 sur les têtes de fourche. Fini de compter le nombre de clics qu'il faut faire pour régler sa fourche, ici, rien de plus simple, le réglage se fait avec une facilité déconcertante. On reconnaît bien la rigueur allemande.
Le bloc compteur se veut très lisible et ce, quelque soit le temps : soleil, pluie, neige pour les plus audacieux. Les informations sont au complet : indicateur de rapport engagé, deux trips, shift light, témoin de warning, des chronos, témoin d'ABS, témoin du DTC, témoin de réserve, température moteur, le choix entre quatre modes de cartographies (Rain, Sport, Race, Slick) ainsi qu'un superbe compte-tours analogique à fond blanc.
L'ensemble des informations et choix se gère depuis des commodos fixés aux poignées, rien de plus efficace et rapide. Fini donc les lâchers de guidon pour les réglages, un bon point pour la sécurité. BMW a enfin adopté pour ses clignotants un commodo simple, il était temps. Le levier de frein est réglable via une molette, celui de l'embrayage mécanique reste plus traditionnelle, dommage. Sur une moto de cette trempe, on s'attendait à avoir des leviers réglables à droite comme à gauche. Enfin, cela n'enlève rien au plaisir de conduite.
Descendons du côté du réservoir d'essence. Le bouchon est très bien intégré, aucune vis n'est apparente ; cela limitera l'adjonction d'une sacoche de réservoir vissée ou d'une poignée passager Vinxxgrip. La fermeture se fait en un clic : il suffit d'appuyer sur le bouchon pour le fermer. Seul l'adoption de plastique noir inesthétique vient gâcher le tableau, on se demande bien pourquoi BMW n'a pas plus travaillé cette partie. Les plastiques en espèce de nid d'abeilles font vraiment bon marché, va comprendre pourquoi un tel choix.
La selle conducteur paraît ferme, cette dernière se veut très large ; des douleurs ne devraient pas apparaître rapidement, à confirmer lors du test dynamique. La selle passager - ou devrais-je dire, l'appendice qui servira à promener le SDS - fait mieux que la RSV4R mais moins bien que la référence GSX-R. Le SDS nous donnera ses impressions en fin d'article.
Une pièce inhabituelle logée proche du sélecteur de vitesse fait son apparition; ce n'est autre qu'un Shifter*, pièce incontournable sur les motos de course.
BMW en a doté sa S1000RR, preuve est que les aptitudes de cette machine sont clairement établies.
Je récupère la moto chez le concessionnaire du coin, immédiatement à mon aise, je tente de sortir de la ville - pas évident aux heures de pointe. La moto se faufile facilement, étonnant vu le gabarit. Les rétroviseurs pliables participe à la manoeuvre du slalom. La boîte de vitesses se fait oublier tant elle verrouille facilement. Les gaz se gèrent aisément, le mode actuel est Sport. Comme chaque sportive, la vue par-dessus les caisseux est à oublier. Les bouchons s'allongent, la moto chauffe, à un tel point que mes jambes commencent à sans plaindre ; si l'extraction d'air est agréable en hiver, en été, je déconseillerais la traversée d'une ville. Après tout, la S1000RR n'est pas faite pour rouler en ville.
L'arrivée de la pluie me permet de changer de mode, passage au mode Rain ; la manoeuvre est des plus simples. Le commodo de droite permet de choisir les différents modes sur une simple impulsion. Pour valider votre choix, vous débrayez durant deux ou trois secondes et hop, c'est validé ! Un vrai jeux d'enfants.
Le mode Rain castre la moto et la bride en version 150cv, c'est déjà pas si mal. La différence est nette, le moteur est beaucoup plus linéaire, largement suffisant pour circuler en ville et, de surcroît, sous la pluie. Ne croyez pas pour autant que vous perdez toute la puissance du moteur. Arrivée au-delà des 7'000tr/min, vous serez vite rattrapé par vos vieux démons de soudeur, mais n'oubliez pas que nous sommes sous la pluie et en milieu hostile.
Enfin le bout du tunnel arrive la campagne et la pluie laisse place à un soleil bienvenu.
Exit le mode Rain, il ne pleut plus, nul besoin de garder ce dernier. Comme décrit plus haut, le passage se fait un clin d'oeil, le mode Sport sera mon choix durant une très grande partie de cet essai.
La moto marchait déjà bien avec ses 150cv, mais là, il est tout autre. La S1000RR devient carrément méchante, diabolique, jouissive, bref, les mots me manquent. Les 193cv et les 112Nm de couple sont à nouveau présents et même très présents. Sous 7'000tr/min, le changement n'est pas énorme, mais une fois franchi ce cap, vous oublierez vos précédents essais des dernières productions japonaises.
La moto s'envole jusqu'à 11'000tr/min. Passé ce régime, vous prendrez une claque que vous n'êtes pas prêt d'oublier. Les 14'000tr/min arrivent à vitesse grand V, là où de nombreuses motos s'essoufflent ; ici, aucune baisse de régime, la moto en demande encore. Le Shift Light vous rappelle à l'ordre et vous prie de monter un rapport supplémentaire, mais est-ce bien raisonnable ? Euh oui, mode cerveau OFF, j'écoute donc le Shift Light et monte deux rapports supplémentaires, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, assisté par le Shifter.
Et là, c'est le flash ! Un radar, un photographe embusqué, je suis à fond de trois et le Shift Light vient de m'illuminer le minois. Je ne donnerai pas ma vitesse de passage entre le 3ème et 4ème rapport, ce ne serait pas raisonnable en public. Mais disons que de nombreux roadsters 1'000cc sont à leur vitesse maxi... A titre d'information totalement inutile dans la conjoncture actuelle - répression oblige - certains confrères ont, sur circuit, mesuré la vitesse maximale du quatrième rapport à plus de 269km/h.
Un moteur sans frein, ça ne sert à rien. Le premier virage approche (rappel à fond de troisième), il est temps de serrer les fesses et, surtout, le levier de frein relié aux étriers radiaux Brembo et aux disques de 320mm et 5mm d'épaisseur. Le disque arrière de 220mm ne sert que de ralentisseur, comme tout bon conducteur, vous apprendrez à l'oublier. J'avais oublié de dire que, durant quelques minutes, mon SDS était présent sur la selle arrière.
Le freinage assisté du Race ABS m'a permis de constater que ce dernier est redoutable d'efficacité, puissant et ne perdant jamais de son mordant. A un tel point que mon SDS a eu les fesses décollées de sa selle lors de mon dernier freinage ; une première pour mon SDS qui m'aura valu un petit coup dans les côtes flottantes. Il y a des moments où l'émotion prend le pas sur la raison. Mon SDS débarqué, il est temps de voir ce que cette moto sait faire dans le sinueux.
La route n'est pas toute jeune, des plaques de goudron se décollent et forment de petite ornières. D'habitude, ça passe en secouant et sautillant - pas rassurant du tout. Sur la S1000RR, rien de tout cela ! Pas l'once d'un saut, aucune amorce d'instabilité, ça passe fort. C'est vraiment déconcertant, surtout venant de la part d'une supersport où vous seriez comme sur un prunier lors de la récolte. La moto encaisse sans problème les irrégularités de la chaussée.
La partie-cycle est vraiment au point, saine et affûtée. Le cadre périmétrique en aluminium associé au long bras oscillant participe grandement à cette tenue de route. La fourche inversée (énorme) de 46mm ainsi que l'amortisseur arrière, sont tous deux entièrement réglables. Pour cet essai, les réglages stock ont été conservés et, franchement, sur route, nul besoin d'y toucher. Ensuite, tout est question de feeling.
Les virages s'enchaînent à bon rythme. Le poids contenu de 206.5kg (tous pleins faits) contribue à cette impression d'agilité. Les sorties de virage aidées par le DTC permettent de ressortir fort et sans appréhension - l'électronique veille au grain. La moto ne demande qu'une seule chose, pencher. Toutefois, dans les épingles, il ne faudra pas hésiter à la brutaliser un peu et lui montrer qui est le pilote. Les pneus Continental Sport Attack lui vont comme un gant ; rassurants, ils permettent de prendre de l'angle sans forcer. La chauffe se fait plutôt rapidement malgré les températures assez basses et l'humidité ambiante lors de nos prises de vues (8°C).
Passage rapide en mode Race, la différence se fait sentir uniquement sur les bas régimes. La réponse au gaz est plus rapide et franche. Un test sur circuit aurait certainement permis de mettre plus en évidence ce changement de mode. Je suis donc resté en majorité sur le mode Sport durant mes jours de test.
Une entrée d'autoroute se découvre devant moi ; allez, je m'y lance. La première chose qui me vient en tête est de mettre les gaz en grand, ma conscience me rappellera rapidement à l'ordre. Dommage que l'Allemagne est si loin, j'aurais bien voulu tester les capacités de cet engin sur un long ruban dénué de boîtes à fric.
La protection à haute vitesse est perfectible ; beaucoup de supersports font mieux. Pourtant, la S1000RR possède des petits extracteurs d'air dans sa bulle, ce qui n'empêche pas d'être malmené. La tête subit rapidement les nombreux remous; même en changeant de casque, rien y fait ! Les secousses deviennent vite désagréables. Dommage, car avec une partie-cycle tellement affûtée, il aurait été plaisant d'avoir une meilleure protection afin de pouvoir faire de long trajet à un rythme soutenu.
Bien qu'elle ne soit pas très grande et large, la selle de la BMW est plutôt confortable pour une moto sportive. La position est idéale. Le selle du passager se trouve à une distance optimale du large réservoir. Ce qui permet de bien positionner ses mains afin de prendre un appui sécurisant. J'ai été surprise par le freinage phénoménal de cette moto, à un tel point que mon fessier s'est soulevé !
Les cale-pieds sont très bien placés. On peut se redresser et se maintenir droit sans aucune difficulté à basse vitesse afin de soulager les poignets.
Pour conclure, la S1000RR me paraît être la sportive la plus confortable qui soit pour le passager.
BMW a frappé fort, très fort avec la S1000RR. La moto surclasse la concurrence sur bien des points ; un moteur des plus performants qui en redemande lorsque vous le titillez. Un freinage qui s'associe idéalement à un châssis bien pensé, performant, rassurant. Toutefois, pour être mené correctement, de l'expérience est recommandé, il faut bien garder à l'esprit que vous avez 193cv sous la poignée. 7.6 litres, c'est la consommation moyenne calculée lors de mon essai, il ne me semble pas avoir relevé une consommation aussi basse pour une moto proposant autant de performances. Une moto 100% plaisir que vous pourrez emmener aussi bien sur route que sur circuit et ce sans aucune modification. Proposez à un tarif de CHF 24'400.- avec ABS / DTC, elle se place très bien face aux concurrentes japonaises, ça fait réfléchir. Le Shifter? CHF 490.- de plus. Maintenant que j'y ai goûté, je ne ferai pas l'impasse sur ce dernier.