Reste que le rythme est élevé et que ce léger flou sur la prise d'angle a disparu une fois la vitesse de passage suffisante : l'amortisseur de direction électronique, qui durcit ou libère la direction en fonction de la vitesse, permettait sans doute trop de mouvement et ma légère crispation au guidon engendrait des mouvements intempestifs à basse vitesse. Problème résolu, il suffit d'attaquer ! En haussant encore et encore le rythme pour continuer le baston avec mes confrères, je ressens la philosophie originelle de cette CBR : un contrôle total ! Sans vous permettre de régler tel ou tel paramètre de gestion de sa puissance, la Fireblade vous permet de vous régler vous-même de façon surprenante. Le moteur est exploitable sans arrière-pensée tant la « connexion » entre la poignée de gaz et la roue arrière est réussie (mais je me répète), le châssis obéit au doigt et à l'oeil et la moto réussit à se faire complètement oublier pour vous faire laisser vous concentrer sur votre pilotage. Des qualités que j'avais déjà notées lors de l'essai du millésime précédent et qui ressortent encore plus aujourd'hui.
Avec une capacité à changer d'angle très rapidement, la CBR donne l'impression de piloter une 600, toutefois nuancée lorsque la vitesse de passage est trop élevée et qu'on dérive loin de la corde, entraîné par l'inertie du moteur. Quelques mouvements sur les grosses accélérations sur l'angle mériteraient un petit réglage de la suspension, l'ABS demeure une énigme pour moi, mais pour tout le reste, j'ai simplement pu me lâcher, pencher à outrance, entrer comme une balle dans les courbes, accélérer toujours plus fort et plus tôt, faire coucou aux photographes plein angle et sans quitter la traj'... le tout dans un équipement peu adapté (mais hipster à mort). Bon, 'faut dire que rouler juste devant McGuinness, le coude parterre, avec Leon Haslam à quelques mètres devant, ça motive ! Même quand le premier cité te double à l'accel' en faisant coucou et que le second te met 2 virages dans la vue sans avoir l'air de bouger le petit doigt sur la bécane. Le genre de moment où tu prends cher et où tu as conscience que prendre cher comme ça est un privilège que beaucoup n'auront jamais !
Deux questions se posent au sortir de cet essai extrêmement satisfaisant de la CBR 1000 RR SP : ces améliorations valent-elles le prix auquel on devra les acheter. Estimé par Honda Suisse à 21'000 et 22'000 francs sans ABS et entre 23'000 et 23'800 francs pour la version ABS, elle est chère. Mais l'aboutissement de cette version spéciale justifie l'investissement. Avant de voir ce qu'elle donne face à ses rivales.
Enfin, on a évidemment demandé à tous les Japonais présents quand la marque Honda allait proposer un traction-control (sans parler d'une CBR entièrement nouvelle). Goto-san, leader du projet Fireblade SP, nous a fièrement répondu pendant le repas, en tirant sur son polo : « Nous n'avons pas encore développé de traction-control assez performant pour la CBR, donc nous ne le proposons pas. Si l'on veut proposer aux gens un produit qui ne soit pas parfait, nous pouvons arracher ce logo que nous portons ». Toujours faire mieux, toujours tutoyer son idée de la perfection, c'est la philosophie de Honda depuis toujours. On comprend maintenant ce que peuvent représenter, pour Honda, ces 5 mètres d'avance sur l'ancien modèle, au bout d'une ligne droite. Une simple mesure qui atteste d'un travail long et minutieux qui a porté ses fruits, qui embrase la fierté de ces irréductibles japonais.
En ajoutant à cet excellent package de base des suspensions exceptionnelles et un freinage au diapason (en déconnectant l'ABS), Honda est en effet parvenu à la quintessence et aux limites de sa CBR1000 RR actuelle. Une sportive extrêmement exploitable et efficace sur piste, qui peut regarder ses concurrentes droit dans les phares et les pistards droit dans les yeux sans rougir. Beaucoup pouvaient voir la Fireblade comme une moto « banale » et peu sensationnelle. Dans sa version SP, qui réhausse encore le niveau de ses qualités naturelles, l'hypersportive Honda nous rappelle qu'elle est elle aussi une machine exceptionnelle.