ENFIN ! Fini le blabla, on peut aller s'équiper et prendre la piste ! En parlant d'équipement, le mien et celui de Claude, notre confrère du Matin Dimanche, font un tour du côté d'Abu-Dhabi pendant cette présentation. C'est donc avec du matériel très vintage prêté par l'organisateur que nous prendrons la piste. Logos Honda à outrance, grosse aile dans le dos, visière claire et bottes de touring toutes neuves : on est trop hipsters et on se marre comme des gosses. Tout en exprimant une grande gratitude au staff, qui nous permet de rouler dans des conditions exceptionnelles... et de rouler tout court !
Surtout que l'encadrement du roulage s'annonce plutôt enviable, puisque nos trois marshalls se nomment John McGuinness, Leon Haslam et Ron Haslam. Wikipédia t'offrira le palmarès exhaustif de ces trois pilotes, qui se sont révélés être de joyeux compères lors de cette journée, ouverts, spontanés, riches de petits conseils et pleins de bonne humeur. Et bien sûr dotés d'une qualité de pilotage qu'on leur enviera toujours !
On prend connaissance de la démesurée piste de Losail avec eux, lors de premiers tours à un rythme enjoué. Agrippé au dosseret de McGuinness, je prends la mesure d'un changement simplissime mais déterminant : la position de conduite de la CBR est incroyablement mieux adaptée au circuit ! Le ressenti de l'avant est bien meilleur qu'auparavant, on sent très bien le travail de la fourche dans toutes les phases de pilotage, étant plus basculé sur l'avant. La colonne s'étire à mesure que Leon Haslam augmente le rythme, avec une progressivité à faire saliver l'amateur de pilotage précis.
La précision, c'est l'un des points forts de cette Fireblade SP, principalement dû à la fourche Öhlins qui magnifie le meilleur ressenti de l'avant. On commence à gentiment se doubler entre collègues et à trouver ses marques sur une piste très large, rapide et manquant de repères visuels. Dans les changements d'angle, on apprécie l'agilité bien connue de la Honda, qui prend une nouvelle dimension sur la SP avec une stabilité difficile à mettre en défaut. Il n'y a qu'à vitesse réduite, en tentant d'aller chercher l'angle maxi, que je ressent un léger flou de l'avant. Pneus, ABS intervenant pendant le freinage sur l'angle, réglages de suspension ou simplement mauvais régime ? Une interrogation qui ne viendra pas entacher une matinée exceptionnelle et qui se résolvera dans l'après-midi, comme nous le verrons.
Histoire d'encore gâter les enfants terribles que sont les journalistes moto, Honda et Pirelli nous ont monté des Supercorsa SC, plus performants, pour les sessions de l'après-midi. Parfait, car la motricité offerte par le SP arrière avait souffert pendant la deuxième session, surtout dans deux accélérations sur l'angle après deux gauches serrés. Et l'avant cachait encore son jeu en termes de précision et de vivacité, après une très bonne première impression.
Je partais également avec une petite réserve concernant l'ABS et de son freinage « by wire », géré électroniquement, qui n'avait pas fait preuve d'un feeling extraordinaire pendant la matinée. Ayant discuté avec l'ingénieur responsable du freinage, Kurahashi-san, qui m'avait encouragé à pousser encore sur les freinages pour me faire une vraie opinion, je tentai de faire la nique à un petit paquet de collègues au bout de la ligne droite des stands, à plus de 290km/h... et regrettai immédiatement ma décision. Pendant la conférence, on nous avait expliqué avoir travaillé sur l'intervention de l'ABS et la réduction de son impact sur le freinage. J'avais juste zappé leur volonté d'offrir un freinage plus doux en attaque de levier... ce qui se traduit par un freinage très stable, mais qui semble se moduler « tout seul » malgré une pression constante sur le levier. On est perturbé par l'impression de ne plus avoir de frein, alors que le système fait le boulot. Chat échaudé craignant l'eau froide, j'ai préféré ne pas tenter le diable et ai reculé mon repère en bout de ligne droite. Oui, lecteur, j'ai honte de moi.
J'aurais pu, après la session, demander l'avis des ingénieurs et des pilotes présents sur la question et analyser plus finement le phénomène dans la dernière session. J'avoue que, totalement conquis par les qualités de la CBR, j'ai tout simplement oublié et suis retourné punir les excellents Pirelli Supercorsa SC.
Car dans dans toutes les phases de pilotage, la SP travaille mieux que jamais et procure un plaisir fou ! D'abord, l'apport des suspensions Öhlins permet de pointer du doigt ses propres faiblesses. L'avant retransmet l'imprécision induite par une mauvaise position, offrant des informations utiles pour s'améliorer dans chaque virage. Réagissant d'un bloc, la moto remue lors des brusques transferts de masse et nous force à rendre les déplacements sur la selle pluis fluides et rapides. La SP réclame un pilotage plus précis pour se révéler et s'avère plus équilibrée que jamais lorsqu'on la pousse dans ses retranchements. Le moteur est toujours aussi... fonctionnel et se passe donc sans problème de contrôle de traction. Sur une piste aussi large et rapide que Losail, on ne s'aperçoit que peu de son très bon rendement et de sa puissance. La différence avec le précédent millésime ne saute pas aux yeux, mais on dispose toujours d'une réponse à la poignée vraiment agréable et qu'on ne ressent pas de réel manque de puissance. La CBR est faite pour marcher et elle marche extrêmement bien !