Chez AcidMoto.ch, on a immédiatement accroché au concept. De plus, ça nous a donné une excellente excuse pour tester la nouvelle Triumph Tiger Explorer 1200 XCa.
Je débarque chez Motos Vionnet à Vuadens (FR) sur le coup des 09h00 pour récupérer la Tiger Explorer 1200 XCa que Triumph Suisse a bien voulu mettre à disposition pour l’événement. Montée avec un train des tous nouveaux Michelin Anakee Wild et une paire de valises en alu, il ne me reste qu’à brancher mon GPS et y charger mes affaires. La XCa, c’est la version avec jantes à rayons, sabot-moteur en aluminium, repose-pieds usinés dans la masse, feux anti-brouillard et arceaux de protection-moteur. C’est la même que j’ai testée lors du lancement au Portugal, à la différence que cette fois, j’ai des vrais pneus tout-terrain (lisez mon article-essai).
Les 600km qui me séparent de Paris se feront sous la pluie. Du coup, malgré moi, je commence directement par tester l’étanchéité de mon nouvel équipement Klim Badlands. Une fois arrivé à Paname et débarrassé de mon équipement, le verdict est sans appel, je suis sec ; Klim a rempli ses promesses pour l’instant. Contre toute attente, mes fidèles bottes TCX ont pris l’eau. Elles étaient pourtant étanches l’année passée. Tant pis, demain, je roulerai avec des sacs à poubelle sur mes chaussettes.
Le rendez-vous est donné ce vendredi matin à 07h30 devant la tour Eiffel. C’est près de 200 participants, soit 70 de plus que l’année précédente, qui arrivent de France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne et Suisse. On est accueilli avec du café et des pains au chocolat dans le froid et la brume qui cache en partie la Tour Eiffel...
Comme pour l’édition 2015, les organisateurs ont eu la bonne idée de faire appel à Laurie Bernard de l’émission "Laurie Moto Club", derrière le micro et devant la caméra pour les vidéos du week-end.
Dans le rang des participants, on notera la présence du mythique Lolo Cochet venu pour l’occasion en Ducati Scrambler et des quatre Parisiennes de l’Equipée qui font un gros buzz en ce moment en France. Une mention spéciale encore à un trio belge en Vespa !
La météo est maussade et la température ne dépasse guère les 11°C quand on prend le départ sur le coup des 09h00. Une fois sortis de Paris, on attaque le premier chemin et, là, c’est la surprise... Enfin, avec tout ce qu’il a plu la veille, on pouvait s’y attendre. De la terre et de la pluie, ça donne... de la boue !
L’organisateur a prévu pour chaque jour deux tracés ; le premier qui s’appelle "Aventure" et le second qui s’appelle "Extrême", ce dernier comportant plus de difficultés. Chacun est libre de choisir la trace qui lui convient le mieux, il n’y a rien d’autre à gagner que de la satisfaction personnelle. La navigation se fait au GPS.
Confiant, après mes dix jours de raid au Maroc de la semaine précédente, je choisis l’itinéraire "Extrême" et je me retrouve en l’espace de quelques secondes à rouler à 15km/h, assis avec les pieds à terre comme un débutant et en serrant très fort les fesses comme si ça allait m’aider... Autant vous dire, les 11°C semblent tout à coup de la vieille histoire et j’ai aussi chaud que dans le désert marocain... Oulala, la moto est ultra lourde, je n’arrête pas de perdre l’avant dans la boue, c’est un cauchemar !
Histoire d’en rajouter une couche, je me fais dépasser comme une merde par un groupe d’Allemands en GS Adventure... 100 mètres plus loin, trois sur quatre sont couchés dans la boue et je m’arrête pour leur donner un coup de main à relever leur grosse bécanes. Mon estime s’en porte un peu mieux du coup...
Voilà qui annonce assez bien le topo de la journée qui continuera plus ou moins de la sorte pour la majorité des participants. Entre éviter les chutes comme on peut, aider ceux qui sont tombés à relever leur moto ou se faire aider à relever la sienne. Dans la boue, il n’y a pas la moindre adhérence et, avec une moto qui avoisine les 300kg tous pleins faits, la moindre erreur ne pardonne pas.
Pour corser le tout, les nombreux chemins entre les champs ont des ornières très profondes, si profondes que, parfois, je sens les valises qui touchent. Une fois engagé dans une ornière, il est bien entendu impossible d’en ressortir. Les gars en GS ont touché les cylindres à plusieurs reprises... La meilleure tactique consiste à essayer de rouler sur l’herbe entre les ornières, mais c’est glissant et parfois en dévers...
Malgré les conditions difficiles, les gens sont de bonne humeur et tout le monde est prêt à aider. Lors de mes trois chutes de la journée, j’ai toujours été aidé spontanément sans même demander. La moto est tellement lourde que, même à deux, il n’est pas évident de la relever. Heureusement, la présence des valises limite l’angle d’inclinaison en cas de chute et la rend plus facile à relever.
En milieu d’après-midi, le ciel se fait menaçant et il commence à pleuvoir quelques gouttes. Avec quelques gars qui roulaient devant moi, on décide de quitter l’itinéraire "extrême" pour finir les derniers 90km sur l’itinéraire "aventure" qui comporte moins de bourbiers. Au final, la pluie s’est rapidement arrêtée, laissant même le soleil percer timidement, mais l’envie de continuer sur la piste "extrême" n’y était plus. J’ai déjà cassé un rétroviseur, je ne veux pas pousser le bouchon trop loin non plus.
Aucune difficulté particulière sur le dernier tronçon, on traverse de magnifiques paysages et de temps à autre de petits villages déserts où le temps semble s’être arrêté il y a bien longtemps.
En fin d’après-midi, j’atteins l’emplacement de notre premier bivouac, à Beauchamps. Situé au bord d’un petit lac, l’endroit est charmant et, à ma grande surprise, je fais partie des premiers à arriver. J’ai le temps de planter ma tente, de prendre une douche tiède et même de savourer une bonne bière au soleil alors que les participants continuent d’arriver tout au long de la soirée. Une mention d’honneur pour les trois Belges en Vespa qui arrivent plusieurs heures après tout le monde.
Après un repas convivial à l’extérieur où je fais quelques connaissances, c’est direction la tente pour essayer de me réchauffer dans mon sac de couchage. Il fait vraiment froid !
Alors que certains ont déjà commencé à plier leur tente à 07h00, moi, comme à l’armée, je suis à la traîne et je prends le petit-déjeuner et plie ma tente au dernier moment. Aujourd’hui, je pars avec Michel, un motard belge que j’ai rencontré hier. Comme il est encore plus à la bourre que moi, on se retrouve quasiment à partir en dernier. En plus, je n’avais pas fait le plein hier soir en arrivant. Du coup, on doit commencer par chercher une station...
La météo s’annonce meilleure et donc on repart pour l’itinéraire "extrême", pas d’excuses ! Les chemins s’enchaînent, tantôt dans des forêts, mais surtout entre les champs, des chemins d’herbe, de terre ou de gravier et bien entendu, des ornières, dont certaines nous réservent quelques bonnes sections boueuses bien casse-cou(illes). On est très loin de la France touristique que tout le monde connaît. Ici, entre les champs et les fermes, ces petits patelins n’ont souvent même pas de station-service ni de magasins. De nombreux villages possèdent des monuments en hommage aux soldats morts pendant les première et deuxième Guerres mondiales, chose que je n’avais encore jamais vu en France...
Michel, qui compte plus d’un million de kilomètres à son actif, roule bien et c’est non sans mal que je suis son rythme. Heureusement, il m’attend et, aussi, de temps en temps, il tombe, ce qui me permet de rattraper mon retard !
Dans le courant de la journée, on tombe sur un sympathique couple de Genevois, Thomas et Renate, et on continue la route en leur compagnie.
De mon côté, pas de chutes aujourd’hui ni de difficultés insurmontables, je prends juste beaucoup de plaisir au guidon de ma grosse tigresse anglaise !
On arrive dans les premiers au bivouac à Bertangles, probablement parce qu’on n’a pas vraiment fait de pause pour manger à midi. Il fait froid et je m’empresse de courir à la douche afin de profiter de l’eau chaude tant qu’il y en a encore... Malheurs et désolation, il n’y en a pas ! Une fois mon acte héroïque accompli, j’apprends que dans l’autre container il y en avait...
Je me retrouve rapidement avec tous mes habits devant les grills pour tenter de me réchauffer en attendant le souper.
Alors qu’on a déjà quasiment fini de manger, le trio belge en Vespa arrive seulement au camp sur le coup des 21h00 ! Malgré le handicap de leurs petites roues et surtout leurs nombreuses pannes, ils ne baissent pas les bras et rejoignent chaque soir le bivouac bien après tout le monde. Autant pour l’originalité de leur idée, leur look et surtout leur authenticité, c’est vraiment les stars de cette édition du Paris-Dunkerque.
On apprend également qu’un malheureux s’est fracturé le tibia et le péroné, écrasé par sa valise lors d’une chute alors qu’il traversait un gué avec la moto de quelqu’un pour donner un coup de main...
Après le souper, personne ne s’éternise, il fait tellement froid que chacun essaie tant bien de mal de se réchauffer dans son sac de couchage. Il semblerait que je ne sois pas le seul à être venu avec un sac de couchage pour l’été, donc autant vous dire que j’ai eu froid, même en dormant dans mon sac avec tous mes habits, veste y compris !
Le réveil est difficile. La tente pleine d’humidité goutte de partout. Toutes mes affaires sont mouillées à cause de la condensation. A 08h20, je jette un œil au thermomètre qui indique seulement 6°C et j’ai encore du givre sur la selle de ma moto. Je peux donc décemment dire que je me les suis gelé cette nuit !
Vers 09h00, on prend la route avec Thomas, Renate et Michel. Il fait froid, mais dès qu’on commence à rouler en tout-terrain, on se réchauffe vite. Et, comme hier, je n’ai qu’un t-shirt technique à longues manches sous ma veste et c’est suffisant.
Pour moi qui suis un fervent défenseur des monocylindres légers, je dois bien avouer que je suis surpris de constater que ces maxi-trails s’en sortent en fait bien mieux que je pensais sur les pistes. Le poids conséquent impose des meilleures capacités de pilotage que sur un mono, mais la moto, elle, assure. Il faut par contre absolument éviter de tomber, parce que pour la relever, il faut des sacrés biscoteaux.
Les suspensions WP de la Triumph sont impressionnantes en mode off-road. On a l’impression d’être sur un tapis volant tant elles gomment toutes les aspérités du terrain. Son autre point fort est l’incroyable souplesse de son moulin. A 40km/h, je peux sans autre rouler sur un filet de gaz en quatrième sans le moindre à-coup. Ce moteur, comme celui de la 800, ne va jamais vous surprendre sur un coup de piston. En tout-terrain, c’est un gros avantage.
La position debout est également très bonne grâce aux larges repose-pieds usinés dans la masse. Pour ma taille (1.82m), le guidon gagnerait à être encore 2-3 cm plus haut.
Une journée sans gros accros, ou presque... A 60km de l’arrivée, je me prends une grosse pierre. Ma Tiger valse sur le côté de l’ornière et finit dans le champ... Ouf, moi j’ai rien, mais il y a des dégâts ! La valise gauche est enfoncée, le sélecteur de vitesse sectionné et tordu...
Les autres doivent certainement penser que je suis en train de prendre des photos. Du coup, après avoir repris mes esprits, j’essaie de relever le monstre, en faisant comme sur les vidéos que j’ai vu sur internet, c’est-à-dire en la prenant par derrière en me mettant dos contre la selle. C’est lourd, mais ça fonctionne, je l’ai relevée tout seul !
Avec le bout du sélecteur de vitesse restant, j’arrive à passer les vitesses et donc je peux continuer ma route et rejoindre les autres qui m’attendaient pendant que Thomas avait déjà fait demi-tour.
En fin d’après-midi, on boucle les quelques 230km de l’itinéraire extrême et on rejoint l’arrivée à Gravelines.
Celle-ci est située à l’espace Tourville, sur le chantier de construction d’un projet très intéressant : une réplique d’un bateau du XVIIe siècle construit dans des conditions d’époque. Le projet commencé en 2002 devrait durer près de 20ans.
Pour nous, c’est l’occasion de prendre un dernier repas ensemble et d’échanger nos impressions et anecdotes sur cet incroyable week-end.
On a eu de la boue, on a parfois eu froid, mais surtout, on s’est bien amusés, on a bien mangé, on a fait de chouettes rencontres et découvert des endroits magnifiques que nous n’aurions jamais visités en dehors d’un événement tel que le Paris-Dunkerque.
Ce matin, c’est départ pour 830km de route pour ramener la moto à Vuadens... J’ai traversé quasiment toute la France par l’autoroute, avec le cruise control réglé à 140km/h, selle et poignée chauffantes à fond, bulle en position haute. Seule la traversée de la frontière par le Jura rompra la monotonie de l’autoroute et me permettra de me faire plaisir sur une petite centaine de kilomètres avec ce fabuleux moteur.
Après 2’300km à son guidon, c’est à contrecœur que je laisse la Triumph. Une moto qui te permet de t’amuser en tout-terrain, d’envoyer la sauce sur les petites routes mais également de faire 800km d’autoroute en une journée sans nécessiter une greffe des fesses à l’arrivée, c’est quand même sympa !
Les tarifs comprennent le petit-déjeuner et le souper. Pour les accompagnants, l’accès à l’espace bivouac coûte € 35.- par personne et par nuit (souper inclus). Il est également possible de louer un Tripy pour l’événement.