Et le condor passa…
La piste que nous empruntons n’offre pas de difficulté particulière. Non, le danger viendrait plutôt des camions que l’on croise de temps en temps. Ils roulent vite et manifestent bien peu considération à l’égard des misérables moucherons sur deux roues que nous sommes. Une fois encore, la loi du plus fort s’applique. Du coup quand la place vient à manquer sur la piste, c’est à nous de serrer au maximum sur la droite, quitte à fréquenter d’un peu trop près le fossé…
La nuit est là. Chivay pas encore. Retardée par une crevaison puis une petite chute sans conséquence lors d’une traversée à gué, l’équipe conduite par les accompagnateurs Trail Rando et sécurisée par la présence d’une voiture balais, rejoint son point de chute par la route et à la lumière des phares. Ce ne sont pas les conditions idéales dans ce genre de contrées où animaux sauvages et chauffards constituent de vrais pièges dans la nuit. Mais comme tout le monde a appliqué à la lettre les consignes de sécurité rappelées au briefing du matin, cette superbe journée de moto se conclut sans bobo et avec le sentiment prégnant d’avoir vécu quelque chose d’assez unique... Un verre de Pisco, l’apéritif national, ou une Cusquena bien fraiche (la bière de Lima) viendront ce soir célébrer comme il se doit l’événement.
Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Pour ce 7e jour dans l’ancien royaume inca, c’est à la découverte d’un autre emblème fort du pays que nous partons. Il faut se lever tôt (afin de devancer les hordes de touristes), s’affranchir d’une cinquantaine de kilomètres, traverser quelques champs de quinoa et d’innombrables jardins en terrasses pour enfin gagner le Cruz del Condor et son mirador naturel. Là, aux premières heures de la journée, commence le bal aérien des condors, leurs trois mètres d’envergure portés par les courants ascendants. Ils sont fidèles au rendez-vous, et parfois à quelques mètres seulement au dessus de nos têtes. Impossible de retenir son appareil photo devant ce spectacle unique pour nos yeux d’européens… Et quel décor !
Au nord, une grappe de montagnes (Sepregina, Bomboya, Queshuisha, Mismi…) qui oscillent entre 5 200 et 5 600 mètres d’altitude ; au sud, le clan fermé des « plus de 6 000 » : le Hualca Hualca et l’Ampato, la star du quartier qui crâne avec ses 6 318 mètres. Ces deux géants encerclent le « petit » Sabancaya (5 976 mètres quand même…) qui se distingue toutefois de ses congénères en maintenant une activité volcanique, comme en témoigne sa dernière éruption datée de l’été 2019 !
Retour à la civilisation
La progression vers le sud du pays prend fin à Arequipa, non sans une longue liaison sur l’une des plus belles et vertigineuses route d’altitude de notre séjour. Il y a des volcans et des alpagas un peu partout, des virages à gogo puis de longues droites façon Monument Valley. On n’est pas loin du paradis pour motards… L’arrivée à Arequipa rompt avec le calme et la quiétude des bourgades traversées précédemment. Dans cette ville coloniale grouille une activité intense avec son cortège de joyeusetés : encombrements monstres, fous du volant, pollution, bruit… Pourtant, nous n’arrivons pas à détester cette agglomération. D’abord parce qu’elle est installée à l’ombre du Misti, le plus célèbre volcan du Pérou accompagné de son petit panache de fumée blanche. Ensuite parce la Plaza Mayor parvient à elle seule à faire oublier tout le reste, grâce à sa majestueuse cathédrale à deux tours, ses petites ruelles commerçantes adjacentes pleine de charme et, un peu plus loin, l’imposant monastère Santa Catalina. C’est également dans un des restaurants du centre-ville que le Pérou va nous rappeler qu’il possède une des cuisines les plus variées au monde.
Arequipa marque l’entame du dernier tiers du voyage, moment jugé idéal par l’organisation pour marquer une pause d’une journée propice à la visite de la capitale du sud. Cette journée off arrive a point nommé pour préparer l’équipe à affronter la fin qui circuit, qui s’annonce copieuse. Pour rejoindre Puno, il faut en effet aligner 311 km d’une traite. Mais c’est pour la bonne cause : les paysages sont une fois encore à couper le souffle et au bout de la route, il y a le lac Titicaca. Avec le Machu Picchu, c’est l’autre grande vedette du pays. Que dis-je, un champion du monde ! Nous avons affaire à plus la haute voie navigable du globe, posée à 3 808 mètres d’altitude. Mais derrière le record, il y a surtout un mode de vie traditionnel, parfaitement incarné par le peuple des Uros qui sont les inventeurs des barques en roseaux et des fameuses îles flottantes construites sur un socle de racines aquatiques. Elles ont été créées pour échapper aux Incas, le peuple rival. Aujourd’hui, cette tradition vieille de 2 000 ans est perpétuée par le peuple Aymara sur une quarantaine d’îles flottantes. Ce voyage dans le temps sera vécu par notre équipe à l’occasion d’une nouvelle pause culturelle d’une journée, agrémentée d’une croisière sur le mythique Titicaca. En embarcation traditionnelle en roseaux, s’il vous plait !
Mais même les bonnes choses ont une fin et cette parenthèse sur l’eau vient conclure de belle manière ce voyage hors du commun. Enfin, pas tout à faire car il reste une liaison d’environ 400 km pour relier Puno à Cuzco, là où tout à commencé 12 jours plus tôt. Cette longue remontée n’engendrera pas pour autant la monotonie car elle donnera à notre équipée une nouvelle l’occasion d’apprécier l’activité débordante qui règne le long des routes péruviennes. Comme à Juliaca et son gigantesque marché aux mille couleurs.
En revenant d’un trip au Pérou, on se sent chanceux d’avoir vu de telles merveilles, et plus riche d’une nouvelle expérience qui marquera forcément le parcours personnel de chacun. Car ce tout nouveau circuit a l’immense mérite de proposer un format mixant à bonnes doses balades moto et visites culturelles, le tout avec un tracé taillé dans l’optique d’en profiter aussi en duo. Le Pérou est trop beau et trop immense pour résister à la tentation de partager sa découverte…