
Rencontre avec le pilote vaudois et son frère Sébastien, qui l'accompagne avec la même passion.
Greg: Alors, je m'appelle Grégory Junod, j'habite à Forel Lavaux, dans le canton de Vaud. Je suis plâtrier-peintre et je fais un peu de moto, quand j'ai le temps! Je cours avec le team Maco Yamaha, basé à Bratislava, en Slovaquie. Avec eux, on participe au championnat UEM Alpe-Adria (championnat d'Europe de l'Est, ndlr.) et au Mondial d'Endurance (EWC).
J'ai fait ma première course de 24 heures au Bol d'Or 2006, avec Boffa Motos, concessionnaire Honda à Morges. Ils voulaient se faire plaisir : ils ont engagé deux motos et j'étais sur l'une d'elles, avec Raphaël Chèvre et Pierry Vuille.
J'ai commencé la moto à 10 ans, en faisant des sorties pour le fun, avec mon père.
C'est en 2003 que j'ai débuté la compétition, avec le Jet Team, de Neuchâtel. Ils roulaient aussi en Endurance, mais je n'avais pas encore l'âge pour en être (ndlr : il faut avoir 18 ans révolus pour rouler en Endurance).
Oui, l'Endurance, depuis tout petit, c'est quelque chose qui m'a plu. On faisait du karting avec mon frère. On faisait même des courses d'Endurance ensemble, c'était une autre ambiance.
Sébastien: « Sauf que là, c'est moi qui allais plus vite! » Rires.
Greg: « Ouais, à l'époque! »
En moto aussi c'est différent. Mais je garde la vitesse à côté, ça permet de garder un bon rythme pour tout ce qui est qualif's, ou pour mettre la moto au point. C'est comme partout: plus on pratique, plus on devient bon. Malheureusement, il n'y a pas beaucoup de courses en Endurance, donc si on se contente de quatre courses dans l'année, c'est pas le top pour aller chercher les places de devant.
Elles sont similaires, mais ce ne sont pas exactement les mêmes. On a deux motos pour l'Endurance et une autre pour le championnat UEM, préparée différemment. Elles restent quand-même assez proches, la moto de vitesse, c'est un peu le « cobaye »!
On essaie plein de choses sur les courses pour nos Endurances, que ce soit en pneus, électronique ou réglages de châssis... elle est tout le temps démontée! Ça coûte moins cher au team de prendre des risques sur ces courses, parce que quand on part sur une course d'Endurance, on est attendus à l'arrivée. Si on n'y arrive pas parce qu'on a essayé des pièces, ça ne fait pas forcément une bonne pub pour l'équipe...
Oui, je ne monte pas souvent à Bratislava. Généralement, on se retrouve pour les courses. Comme l'Alpe Adria se court le plus souvent dans les pays de l'Est, on fait le crochet par le garage de temps en temps.
Ils sont comme partout! (Sourire.)
Brno, c'est le même qu'en GP, il y a le Hungaroring de Budapest, où roulent les F1. Il y a aussi un nouveau circuit qui a été fait à Bratislava, le Slovakiaring. C'est très bien entretenu, malgré ce qu'on pourrait penser des pays de l'Est. C'est bien, c'est vraiment bien.
Et le championnat est relevé! Il y a des anciennes gloires du Superbike, de la 500, qui roulent dans ces championnats, quelques pilotes d'Endurance et des pilotes locaux, qui roulent vite aussi!
Honnêtement? C'est une histoire d'argent! (Rires.)
En Suisse, on est très aidés... on a pu le remarquer! Bon, il y a le championnat suisse, qui a un bon niveau, mais quand on te donne le choix de faire une saison qui te coûte très cher ou une saison qui ne coûte rien du tout, en ayant à peu près les mêmes circuits et peut-être un peu plus de niveau... le choix est vite fait!
Alors j'avais le record du circuit. Je l'ai fait en 2010, refait en 2011, mais je me le suis fait piquer le tour d'après, pendant la course.
Oui, c'est clair que c'est un petit plus de savoir qu'on est dans les temps du record. Ça donne une certaine confiance. On a quand-même certains problèmes, que ce soit sur moi ou sur la moto, et il faut les régler. On a encore perdu du temps à la dernière course, mais on peut faire quelque chose de bien. Le team est motivé, moi aussi, donc il n'y a pas de raisons que ça ne marche pas!
C'est un petit plus qu'on a par rapport aux autres circuits: c'est vrai qu'on est à l'aise, là-bas. Ça permet d'aborder la course un peu plus sereinement...
Non, non... je suis pas serein! (Rires.)
J'ai mes petits rituels avant de partir: je paie toutes mes factures, toujours, je fais le ménage, je range tout mon appartement et ensuite je pars! Comme ça, si jamais... tout est rangé, classé, propre.
(Sourires entendus...)
Non, je n'arrive pas à vivre de la moto.
Par contre, si on calcule à peu près le temps que ça me prend, entre courses et essais, j'arrive presque à compenser mon manque-à-gagner cette année. Ce qui est déjà pas mal en Suisse. On le sait quand on commence, c'est le jeu. Il faut savoir si on le fait pour l'argent ou parce qu'on aime ça. Après, s'il y a le petit plus de l'argent, on ne va pas cracher dessus.
L'intérêt pour la moto, il y en a énormément en Suisse, tout comme pour les sports motorisés en général. Si on avait dix circuits en Suisse, il y aurait plus de potentiel pour nos sports motorisés au niveau des sponsors... Mais on n'a rien pour le sport motorisé, chez nous et les gens ne vont pas forcément investir de l'argent dans quelque chose qui se passe à l'étranger...
Sébastien: C'est pas mal politique, que ce soit difficile pour la moto et même les quatre-roues en Suisse. Il y a des faux arguments, comme l'écologie: je ne sais pas si c'est plus écologique de transporter un bateau jusqu'à Ras-al-Khaimah avec un hélicoptère de l'armée Russe. Je ne sais pas si c'est plus écologique de faire un championnat suisse pour lequel on déplace des semi-remorques en Hongrie au lieu de les laisser sur le territoire.
J'ai de la chance d'avoir découvert le monde de l'Endurance avec Greg, qui est un milieu très sain, très humain, mais malheureusement, la chance n’est pas donnée au public suisse de le découvrir.
Sébastien: Cela a son avantage aussi. Les Suisses qui persévèrent dans la compétition moto sont mieux armés dans la vie que des jeunes footballeurs à qui on prend la main dès l'âge de 13 ans, à qui on explique seulement comment écrire leur nom sans qu'ils s'occupent de tout le reste...
Les pilotes suisses doivent se débrouiller pour trouver et gérer leur budget, entre autres. Très jeunes, ils ont une sorte de PME à gérer. C'est une bonne école de vie, ce qui est à la base une des valeurs qu'on cherche dans le sport. Et ça ne fait que renforcer la passion.
On parlait de Bolliger, avant ta question. En 2010, ils terminent vice-champions du monde d'Endurance et ils ont eu quoi, un encadré dans la Thuner Tagblatt et c'est tout. On ne donne pas la chance au public suisse de vibrer comme il se doit, mais cela n’altère pas leur passion ni leur débrouillardise.
Greg: C'est surtout quand on voit le team de l'intérieur, c'est ça qui est impressionnant! Il y a des gars qui sont là depuis les débuts du team, qui viennent sur chaque course. Ce sont presque tous des bénévoles, c'est la grosse famille. Ils font juste ça avec passion.
En 2010 au Mans, j'étais avec le RAC41 et on jouait le podium, entre autres avec Bolliger et le team des Pompiers. On était les trois dans le même tour, à se tirer la bourre, mais finalement, ils ont cassé un embrayage. Je suis passé devant leur box en fin de course et ai demandé ce qui s'est passé. Le premier truc qu'ils font, c'est qu'ils te regardent avec un grand sourire en te félicitant! Il n'y a pas cette petite haine, cette petite guerre... C'est sain!
L'Endurance, je crois qu'on ne peut pas la comparer au reste de la moto, c'est quand-même un monde à part.
Sébastien: Il y a une anecdote touchante pour illustrer cet état d'esprit de l'Endurance. Début 2011, le team-manager du RAC41, Arnaud Larose, était en visite chez nous avec sa famille et a disparu dans un accident d'avion en Valais. Le manager du Team des Pompiers a tout de suite appelé au RAC 41 pour dire que si c'était juste une question de budget qui allait empêcher la N°41 de rouler, ils donneraient du leur. C'est ça l'Endurance.
Greg: En 2008, j'avais détruit une moto aux essais et mon coéquipier avait chuté deux fois en course. On avait cassé nos deux réservoirs de 24 litres, donc on réfléchissait aux stands, sur ce qu'on allait faire. On allait fermer le rideau et là, le team d'à côté avec qui on était en bagarre, est venu. « Oh, nous on a un deuxième réservoir, tenez-le, faites la course avec ça. »
On ne jouait pas la gagne, mais on était en bagarre avec eux et quand-même, ça reste des concurrents! Il y a cette entraide, tout le temps.
Sébastien: C'est de la saine compétition, on veut gagner parce qu'on est meilleur, pas parce qu'on a eu de la chance.
Greg: Et pourtant en Endurance, on a quand-même besoin de chance, mais on veut la mettre de côté au maximum, c'est « que le meilleur gagne »! Et on verra très rarement quelqu'un sauter de joie dans le box quand une moto abandonne devant. Ça fait une place de gagnée, mais...
Dans les deux championnats, ça a très mal commencé. C'est compliqué de mettre de nouveaux objectifs par rapport à ce qu'on voulait à la base. Finir le mieux possible, on en est là, maintenant.
En Alpe Adria, on commence à prendre un certain retard sur la tête, ça va devenir compliqué d'aller chercher la première place au général. En Endurance, il y a peu de courses, on a abandonné la première, mais on s'est relancé au Qatar en finissant cinquième. On mise plutôt sur une grosse performance aux 24 Heures du Mans ou à Oschersleben au mois d'août.
On vise plus un ou deux coups d'éclat qu'un vrai résultat au classement général.
Ce n'est pas confirmé, mais oui, dans l'idée, ça devrait continuer comme cette année. Ça, on le saura au mois de février, mars... C'est une question de budget pour le team, c'est eux qui vont décider de ce qui va se passer s'ils n'arrivent pas à réunir le budget qu'il faut. Mais le but, c'est de refaire le programme de cette année.
Sébastien: Je suis le grand-frère! (Rires) Ça englobe tout!
Greg: J'ai eu la chance d'avoir un grand-frère qui a fait l'école, qui sait écrire. C'est très bon pour moi, pour faire mes communiqués de presse. Il sait utiliser un ordinateur... chose que je ne sais pas faire! (Rires)
Sébastien: J'ai toujours eu la passion des sports motorisés. J'ai fait pas mal de karting et j'ai eu la chance de me confronter à une génération dorée qui m'a fait comprendre qu'il valait mieux me concentrer sur mes études que d'entretenir un rêve de Formule 1.
C'est une chance de pouvoir garder un pied là-dedans. Faire des communiqués de presse, rechercher des sponsors, aussi... Des fois le bureau des pleurs... (Rires) Je fais agence matrimoniale, aussi, mais je n'ai pas encore réussi!
J'ai fait tous ces kilomètres pour... 25 minutes d'interview?! Non mais... (Rires!)
D'abord...REGARDEZ L'ENDURANCE!
Ensuite, des gens à remercier, il y en a tout plein! C'est ça, en Suisse: c'est compliqué de trouver de gros sponsors, mais on a beaucoup de soutien, pour les soupers ou comme ça. Les gens, les motards, s'investissent beaucoup pour ça.
Merci donc à tous ceux qui me suivent, qui sont là depuis tant d’années. Je remercie le TCS, mon sponsor principal cette année. Yamaha, Dunlop, Arai, Alpinestars et Ixon. Et l'auto-école Junod aussi!
Mon frère, sa copine Maurine, qui prend aussi en charge ce qu'il ne sait pas faire.
Et puis mes parents, mes amis, mon team... le classique! (Rires)