Le premier modèle à être apparu c'était la Trident fin 2020, le constructeur anglais nous confie aujourd'hui la Tiger Sport 660 qui doit apporter de la polyvalence et des facultés de roulage en duo à un prix toujours aussi compétitif. Pari impossible ou compromis payant pour une machine à bon potentiel en Suisse ? C'est à cette question qu'il faudra répondre après 250km de roadbook.
Sur ce segment, cette Tiger est la seule à posséder un moteur 3 cylindres et c'est également le plus puissant : 81 chevaux et 64 Nm de couple. 90% du couple est disponible entre 3'600 tr/min et 9'750 tr/min, ce qui en fait un moteur très souple et confortable à utiliser. Sa sonorité caractéristique du 3 cylindres n'est pas en reste, c'est un plaisir à entendre.
Ce moteur 660 cm3, ils le connaissent très bien. Plus de 650'000 unités ont été construites à ce jour, en comptant les moteurs actuellement utilisés en Moto2. Avec 3300 heures de test sur route et plus de 32'000 km d'essai sur circuit, Triumph a su rendre ce bloc particulièrement fiable et endurant. L'intervalle de service est de 16'000km ou une intervention annuelle, gage de confiance de la marque pour sa mécanique. Ils ont également veillé à ce que les pièces à remplacer soient économiques, tout comme leur implantation qui demande le moins de temps possible pour les remplacer. Ainsi sur une durée de 3 ans, il faudrait presque moitié moins de temps que pour le modèle concurrent le plus proche.
Le châssis est sans fioriture, un cadre treillis en acier qui repose sur des suspensions Showa, comme sur la Trident. Les courses de chaque roue atteint 150 mm, tant sur la fourche inversée de ø41mm que sur le mono-amortisseur du bras oscillant. Pour s'accommoder de bagages, d'un passager voir des deux à la fois, une précharge hydraulique réglable a été installée, avec une molette de réglage facile d'accès.
Côté freinage, on trouve de double disque ø310mm à l'avant asservi par un maître-cylindre Nissin et un disque ø265mm à l'arrière supervisé par un ABS conventionnel. Transition de choix pour évoque l'électronique qui se concentre sur deux modes de conduite Rain et Road ainsi qu'un contrôle de traction désactivable facilement au tableau de bord. Et celui-ci est un mélange de LCD et de TFT comme sur la Trident, bien que la forme du boitier diffère. Avec le MyTriumph optionnel, il acquiert la connectivité bluetooth pour la navigation virage par virage ou contrôler une GoPro.
Vous noterez en passant que cette Tiger s'adresse à des voyageurs, les fixations pour les bagages sont intégrées au design de la moto pour ne pas attendre du client de les acheter ensuite. Pour ajouter un top case, il faut cependant remplacer les poignées passagers en plastique par les mêmes en aluminium, qui se prolongent et forment le support. Chaque valise peut ainsi accueillir un casque intégral et le top case peur en engloutir 2. Au total il y a 57 litres sur les côtés et 47 litres à l'arrière.
La journée de roulage commence par 45 minutes de voies rapides et de route à grandes courbes. L'occasion de commencer l'essai par du touring pur. Calé à allure légale, le moteur tourne confortablement en 6ème. Avec la bulle en position basse, je prends le vent jusque sur les épaules. Cette protection est réglable en hauteur d'une main sur 83mm de course. Il me faut plusieurs essais avant de réussir à la déplacer, une certaine force peut être nécessaire. En position haute, j'ai toujours du vent à mi-casque, sachant que je fais 1m85.
En approchant de plusieurs ronds-points, j'en profite pour passer en 2nde, 3ème et même 4ème, et ainsi constater la souplesse du moteur même à bas régime. À environ 40 km/h en 4ème, la moto reprend sans brouter ni vibrer. À mi-régime, le couple plus avantageux offre de bonnes reprises et continue de pousser jusqu'à 10'000 tr/min et s'essouffle peu avant le rupteur. Toute la journée, j'ai profité de ses accélérations franches et mélodieuses, avec une bande son agréable et une boite de vitesse précise.
Au départ, la moto était dans sa configuration de base, c'est à dire avec une précharge à 0. Les ouvreurs de Triumph nous ont indiqué qu'un pilote de 80 à 100kg aurait besoin de 5 à 8 clicks sur la précharge pour un réglage adapté à la situation. Il y a au total 29 clicks, pour accueillir un passager et des bagages on pourra tourner davantage la molette.
On aborde maintenant les routes sinueuses où je commence à rouler à un rythme détendu. Les Michelin Pilot Road 5 ont déjà chauffé, ne reste qu'à trouver ses marques sur la Tiger Sport 660. La position de conduite domine bien la route et on se sent bien installé sur une moto de taille normale. L'assise est relativement étroite pour bien poser ses pieds au sol depuis les 835mm de hauteur de selle. Les genoux passent de chaque côté du réservoir de façon naturelle et restent assez ouverts avec les pieds sur les repose-pieds.
La première impression qui me vient, c'est une bonne stabilité en courbe lorsque la moto est inscrite. La moto tient sa ligne alors qu'on maintient un filet de gaz avant d'enrouler pour sortir du virage. Le guidon est fixé sur d'assez longs pontets pour s'élever du T de fourche et s'approcher du pilote qui a le buste assez droit. Surtout les poignées sont exemptes de vibrations, c'est un énorme avantage pour le confort de roulage.
C'est aussi à ce moment-là que je prends la mesure des freins. J'avais un a priori sur les pinces de frein axiales, assumant que le freinage serait moins bon: Triumph m'a donné une leçon. Le freinage est excellent, puissant et endurant. Au terme de la journée, le levier n'est jamais devenu mou. J'ai aussi souvent fait appel au frein arrière pour conduire la Tiger Sport 660.
Un lancement Triumph rime toujours avec ancien pilote comme ouvreur. On comprend alors qu'à un moment donné le groupe se mette à souder. Le moteur, lui, n'attend que ça. Il allonge assez pour que la balade devienne sportive. Cependant, d'autres éléments de la moto révèlent leur limite.
Je pense en premier lieu à la fourche qui, face au mordant du frein et le transfert de masse, plonge lors de chaque freinage. L'effet s'amplifiant en descente, je me suis vite calmé. L'ABS faisait de son mieux mais se déclenchait assez régulièrement, résultat d'un freinage trop appuyé, d'un grip pas optimal ou les deux. En sortie de virage, c'est le contrôle de traction qui s'animait mais plus occasionnellement et de façon moins intrusive.
Sur les bosses et aspérités de la routes, les suspensions suivent jusqu'à une certaine vitesse. Au-delà, le confort et la précision en pâtissent, l'hydraulique est dépassée. J'aurais aimé essayer la moto avec d'avantage de poids, avec des valises chargées par exemple, pour me rendre compte de la marge offerte par le réglage de précharge. Car le ressort reste identique et joue aussi son rôle.
Si on suit la nomenclature Triumph à la lettre, c'est en effet le nom qu'elle doit porter. 660 faisant référence à son moteur, tous les trail portent le nom Tiger et enfin Sport est ajouté pour indiquer un usage 100% routier de ce trail.
En revanche, à l'issue du test le qualificatif Sport me semble difficile à lui apposer. Très à l'aise pour de la balade, elle n'est pas taillée pour arsouiller. Et, à sa décharge, disons qu'elle n'est pas non plus conçue pour ça. Elle s'adresse plus à des motards qui font leurs armes qu'à des pilotes confirmés (apaisés?) qui l'étrenneront sur les routes du continent.
Grâce à sa tarification très agressive sur le marché et ses atouts comme un moteur 3 cylindres inédit et le plus puissant du segment, elle attirera forcément l'attention. Ses supports de valises intégrés et son réservoir de 17.2 litres en font une alliée de la découverte du monde moto. Après 250km nous étions tous sur la réserve, mais avec une cinquantaine de kilomètres restants sur l'autonomie calculée. En plus, les coûts d'entretien sont réduits, un point non négligeable lors de l'achat d'une première moto.
Cette Tiger Sport 660 a de quoi séduire, c'est une certitude, surtout pour moins de 10'000.- Mais il faut savoir que s'il y a Sport dans le nom, elle n'est pas faite pour ça pour autant.