Présentée pour la première fois à l’EICMA de Milan en 2019, peu d’information à son égard auront fuitées dans la presse spécialisée. Ce n’est que tout récemment que nous avons découvert les premières images et les spécifications techniques.
Un hommage au passé - Une vision du futur
Les moins jeunes d’entre vous se souviennent certainement du nom Tuareg chez Aprilia. Durant les années 80 jusqu’au début des années 90, Aprilia avait toute une gamme 2 temps et 4 temps de trails orientés tout-terrain. La marque avait même pris part au Dakar en 1989 avec la Tuareg 600.
La nouvelle Tuareg 660 est un hommage à cet héritage mais surtout, elle permet à Aprilia de se positionner sur un nouveau segment du marché qui cartonne; les trails mid-size !
Une moto entièrement nouvelle
La signature visuelle de son éclairage à led, bien que légèrement différente de celle de ses frangines, ne laisse aucun doute quant à son appartenance à la nouvelle famille des bicylindres 660.
Les ressemblances s’arrêtent ici, car la Tuareg ne partage quasiment aucun composant avec les RS et Tuono, si ce n’est son moteur. Celui-ci a été modifié pour favoriser le couple à mi-régime. Avec 80 cv à 9’250 tr/min, elle perd 20 cv par rapport à la RS mais son couple max de 70 Nm est atteint à 6’500 tr/min soit 2’000 tr/min plus tôt. De plus, 75% du couple est déjà disponible dès 3’000 tr/min.
Pour arriver à ce résultat, les arbres à cames, les conduits d’aspiration de la boîte à air et l’échappement ont été modifiés. De par sa vocation tout-terrain, le premier rapport et la transmission secondaire ont été raccourcis.
Le cadre aluminium des 2 routières laisse place ici à un cadre acier en treillis tubulaires où le moteur ne fait plus office d’élément porteur. Celui-ci est vissé au cadre en 6 points et ses cylindres sont positionnés verticalement afin d’améliorer l’agilité de la moto.
Performances avant tout !
Les ingénieurs de Noale ont travaillé d’arrache-pied pendant 2 ans pour réaliser une moto qui soit aussi efficace sur route qu’en tout-terrain. La priorité sur la Tuareg a été de privilégier la fonctionnalité au look. Aucun compromis n’a été fait. On peut s’en rendre compte en observant les caches latéraux minimalistes sous la selle ou le couvercle de réservoir minimaliste en plastique qu’on trouverait sur une enduro. Annoncée à 187 kg à sec (204 kg tous pleins fait), la Tuareg 660 est la moto la plus légère de la catégorie avec la T7.
Son réservoir de 18 litres a été spécifiquement dessiné pour ne pas gêner les jambes en conduite debout. Il descend très bas, jusque derrière l’amortisseur, afin d’abaisser au maximum le centre de gravité.
Sa fourche inversée de 43 mm et son amortisseur à biellette Kayaba sont entièrement réglables et offrent un débattement impressionnant de 240 mm à l’avant comme à l’arrière. C’est le seul trail du marché avec la KTM 890 Adventure R à offrir de telles performances.
Sans grande surprise pour une moto à vocation tout-terrain, les jantes à rayons sont aux sacro-saintes dimensions de 21 et 18 pouces. La bonne nouvelle est qu’elles sont tubeless !
Une hauteur de selle de seulement 860 mm
Un des tour de force d’Aprilia est d’avoir réussi à offrir une débattement digne d’une enduro tout en limitant la hauteur de selle à seulement 860 mm. C’est 15 mm de moins que la T7 (60 mm de moins que la T7 Rally !) et 20 mm de moins que la KTM 890 Adventure R. Sachez qu’il existe en option une selle haute pour les plus grands.
4 modes de conduites paramétrables
En parcourant sa fiche technique, on ne peut s’empêcher de vouloir comparer la Tuareg 660 avec sa concurrente japonaise, la T7, tant elles partagent des caractéristiques similaires. L’italienne a toujours un léger avantage que ce soit au niveau de la puissance, du freinage, du débattement, de la hauteur de selle et de l’autonomie. Les ingénieurs d'Aprilia n'ont par contre pas fait mieux que leurs homologues japonais concernant le positionement de l'échappement . Il est très exposé en cas de chute et risque de frotter contre le bras oscillant.
Toutefois, la différence fondamentale entre les 2 motos se situe au niveau des assistances électroniques. La T7 ne dispose que d’un ABS déconnectable. La Tuareg est équipée de série de tout le package d’assistances électroniques qu’on trouve sur les fleurons du marché (ABS, traction control, cruise control et modes de conduite). Dans cette même optique, elle hérite également de l’écran TFT couleur de 5 pouces de ses sœurettes. Celui-ci est même équipé d’un petit pare-soleil qui permet d’avoir une excellente lisibilité en toute condition.
4 modes de conduites sont accessibles au moyen d’un bouton sur le commodo droit et peuvent être sélectionnés à tout moment en conduisant. Pour les modes « Urban » et « Explore », seul le niveau du traction control est ajustable. Le premier est destiné à une utilisation quotidienne en trafic urbain, en mettant l’accent sur la sécurité avec un ABS qui se déclenche rapidement. Le second est destiné aux grands tours et voyages, en mettant l’accent sur la conduite sportive avec une électronique moins intrusive.
Pour les modes « Off-Road » et « Individual », chaque paramètre est ajustable. La réponse à la poignée de gaz AEM (3 niveaux), le frein moteur AEB (3 niveaux), le traction control ATC (4 niveaux ou désactivé) et l’ABS (3 niveaux). En mode tout-terrain, l’ABS est par défaut désactivé à l’arrière et chose rare, il est même possible de le désactiver complètement à l’avant.
En route!
Nous arrivons à Cagliari en Sardaigne avec une météo pluvieuse qui va se dissiper durant la nuit. Le matin, au moment d’enfourcher la Tuareg, il fait déjà 18 degrés et le soleil pointe le bout de son nez ! Ma première impression est qu’elle est vraiment fine, difficile à croire que le réservoir contient 18 litres. Les finitions sont également très soignés. Une petit bémol pour la déco, en particulier pour les versions rouge et jaune. De simples autocollants collés sur les pièces d’injection plastique noires, ça fait un peu cheap. La version « Indigo Tagelmust » est plus classe, avec son réservoir et le pare-boue avant peint aux couleurs rendant hommage à la Tuareg 600 de 1989. Dommage toutefois qu’elle ne soit pas équipée des jantes noires comme les 2 autres modèles.
La Tuareg est légère et on s’en rend compte dès qu’on la soulève pour enlever la béquille. La selle étroite et d’une hauteur raisonnable pour cette catégorie permet d’avoir bien pieds à terre et donne un supplément de confiance non négligeable lors des manœuvres à basse vitesse.
La première partie de la journée nous enroulons le long de la côte sur des routes sinueuses au revêtement excellent. Au niveau de la position de conduite et l’assise sur la moto, elle sont très naturelles. Avec mon mètre 82, mes genoux sont un peu plus repliés que sur certaines de ses concurrentes mais sans que ça soit inconfortable.
Très souple et linéaire, son bicylindre descend sans brocher en-dessous de 2’000 tr/min. C’est dans la zone des 4’000 à 7’000 tr/min qu’il est le plus efficace, là où l’on peut profiter de son couple max. Des vibrations se font sentir dans les cale-pieds au-dessus de 5’000 tr/min, mais rien de gênant. Si l’échappement est très discret, le bruit d’aspiration de la boite à air dans les montées en régime est assez viril à partir de 5'000 tr/min et vous pousse parfois à aller taquiner le rupteur, qui coupe l’allumage à 10’000 tr/min, juste pour le plaisir.
Cruise control de série
La Tuareg est équipée de série d’un Cruise Control. Le bouton, également utilisé pour sélection les niveaux du Traction Control pourrait être placé plus judicieusement. Pour l’activer, il faut soit lever excessivement le pouce, soit enlever à moitié la main du guidon pour y accéder avec l’index. Quand on voit par exemple comme il est parfaitement positionné chez BMW on se demande pourquoi Aprilia n’a pas simplement fait pareil.
Une partie cycle digne d’Aprilia
Aprilia a toujours été réputé pour ses excellentes parties cycles, et la Tuareg 660 n’est pas une exception à la règle. Elle est très agile et ses suspensions fermes associées à un freinage Brembo sans critique lui donne un côté « roadster » qui inspire confiance sur route. Sur des routes de montagne sinueuses, il ne fait aucun doute que son agilité compense son déficit de puissance par rapport à des routières de plus grosse cylindrée. Les Pirelli Scorpio Rally STR collent parfaitement à son utilisation mixte.
La moto que nous avions en test était équipée du quick shifter optionnel qui permet de passer les rapports à la volée sans toucher à l’embrayage.
Une bulle de protection qui laisse à désirer
La bulle de protection n'est pas très efficace pour les grands. Avec mon mètre 82, mon casque se situe en plein dans la zone de turbulences comme sur la T7 et la 790 et c'est très bruillant sans mettre des protections auditives. Elle est part contre efficace pour enlever la pression du vent sur le buste et on le remarque bien en conduite debout. Il est possible de rouler à plus de 100 km/h debout sans se fatiguer, tout le haut du corps est protégé du vent. Une version haute est également dispo en option.
Le tout-terrain c’est son élément !
Même si la trentaine de kilomètres de piste prévue lors de ce lancement ne nous a donné qu’un bref aperçu de ses capacités en tout-terrain, il est indéniable qu’elle y est aussi à l’aise que sur route.
La selle étroite et plate typée enduro favorise les changements rapides de position sur la moto. Peu d’efforts sont nécessaires pour passer de la position assise à debout. D’ailleurs, la position de conduite debout est exemplaire. Le guidon est exactement à la bonne hauteur, l’étroit réservoir ne gêne aucunement les mouvements et donne l’impression d’être au guidon d’une enduro.
A la fin de la journée, nous avons eu la possibilité de faire quelques tours d’un circuit d’environ 2 km un peu plus varié que les pistes roulantes que nous avons pratiqué durant la journée. Avec deux autres journalistes, j’y vais faire quelques tours. Sans baisser la pression des pneus ni toucher aux réglages des suspensions la moto se comporte de façon très saine. Pour moi qui ne suis pas un crossman, je trouve les réglages des suspensions un peu trop fermes.
Le temps à disposition lors de cet essai ne m’a pas vraiment permis de tester les différentes assistances électronique en tout-terrain pour juger de leur efficacité. J’ai simplement roulé sans traction control et avec l’ABS arrière désactivé.
La Tuareg 660 prête pour partir à l’aventure ?
A son guidon, on s’imagine facilement en train de dévorer de la piste marocaine avec une paire de sacoches souples et quelques bagages. Aprilia annonce 400 à 450 km d’autonomie avec son réservoir de 18 litres, ce qui est suffisant quasiment partout dans le monde aujourd’hui.
A la fin de la journée, l’ordinateur de bord affichait une conso moyenne de 4.5 l/100km en ayant bien tapé dedans. Les 4l/100km en mode voyage me semble envisageable.
Détail pratique important, la batterie est également directement accessible sous la selle qu’on enlève au moyen de la clé de contact. Les intervalles de services sont de 10'000 km pour les vidanges et 20'000 km pour le contrôle des soupapes.
Avant de vous lancer dans l’aventure, il faudra piocher dans les options pour équiper votre Tuareg; Un porte-bagages, des supports de valises, des crashbars, et éventuellement une béquille centrale. Le sabot moteur d’origine en aluminium est relativement léger (2 mm), comme sur toutes ses concurrentes, et il conviendra de l’équiper d’un modèle plus robuste pour ceux qui envisagent une utilisation intensive en tout-terrain.
Je n’ai pas roulé assez de kilomètres à son guidon pour avoir mal au cul, mais ma première impression est que la selle n’est pas vraiment plus confortable que ses rivales directes pour des longs trajets.
Plusieurs packs d’accessoires accompagneront sa sortie début décembre, mais à ce jour nous n’avons pas plus d’information.
La Tuareg sera disponibles en 3 coloris; rouge "Martian Red", jaune "Acid Gold" et "Indigo Tagelmust", hommage à son ancètre de 1989,. Ce dernier sera facturé 700 euro de plus. La connectivité avec votre smartphone sera une option facturée tout comme le quick-shifter.
La nouvelle référence du trail mid-size ?
Avec la Tuareg 660, Aprilia nous démontre son savoir-faire dans un segment que la marque avait délaissé depuis 2016 avec l’arrêt de la production de la Caponord 1200.
Cette moto est clairement une réussite. Moderne, légère et polyvalente, elle est surtout vraiment fun à rouler.
Quand on voit que la cylindrée des trails « mid-size » se rapproche chaque année un peu plus des 1000 cm3, je salue la stratégie d’Aprilia d’aller à contre-courant et proposer une cylindrée inférieure à celle de la concurrence. Nombreux voyageurs et amateurs de tout-terrain sont prêts à sacrifier des chevaux contre des kilos en moins. Annoncée à 187 kg à sec, il n’y a aucun bicylindre qui fait mieux en 2021.
La Tuareg 660 est vendue 12'995 CHF pour les coloris Martian Red et Acid Gold et 13'795 CHF pour l'Indigo Tagelmust. A mes yeux, difficile de justifier 1'200 CHF de différence pour un réservoir et un par-boue avant peint...
L'écart de prix avec la T7 modèle 2022 est d'à peine 1'200 CHF, ce qui n'est pas excessif si l'on tient compte de ses assistances électronique perfomantes et du fait qu'elle soit équipée de jantes tubeless. Sur papier, le match entre l'Italienne et la Japonnaise est serré. Mais au-delà du prix, il y a la philosophie. Le fait que la T7 soit une moto quasi sans électronique est un argument de choix pour ses aficionados.
Le tarif et la philosophie de la Tuareg 660 semble donc la positionner avantageusement pour venir concurrencer des motos comme les KTM 890 Adventure R, Triumph Tiger 900 Rally, BMW F850 Rally, voir même l’Africa Twin 1100.
Pour ma part, ce court essai m’a donné envie de mieux la connaître et de pouvoir passer un peu de temps à tester ces assistances électroniques pour juger de leur pertinence pour l’utilisateur lambda que je suis. Je réfléchis déjà à trouver une excuse pour en faire un essai longue durée avec beaucoup de tout-terrain pour 2022...