C'est avec cet énorme problème que Yamaha a remis sa MT-07 sur sa planche à dessin. Euro 5 coûte de l'argent en développement, le constructeur aimerait éviter de reporter ça sur le client. La 2ème version sortie en 2018 avait reçu le phare de la première MT-09 et une mise à jour des suspensions. Maintenant elle change plus sérieusement au niveau du look, mais le châssis reste rigoureusement le même comme on l'apprend lors de la conférence de presse.
D'autres choses sont restées identiques : les jantes, les suspensions, la selle. Il y en a certainement d'autres mais qu'on ne relèvera pas. Oui les suspensions ne changent pas, on peut continuer à leur reprocher une certaine souplesse mais on préfère redire que le prix de la moto reste inchangé. Dans les changements techniques, on relèvera la majoration de taille des disques de freins avant, qui gagnent 16mm et font désormais 298mm de diamètre. Par contre ils ne sont plus en pétales.
Le moteur est directement repris de la Tracer 7 sortie en 2020. On y perd un peu de puissance (1.8 ch) et 1 Nm de couple par rapport au dernier millésime, tout comme le carter couleur bronze qui est maintenant Crystal Graphite. Sur la fiche technique on peut lire 73.4 ch à 8'750 tr/min. soit le maximum autorisé pour en faire une version 35kW. Et ce sans toucher à la cylindrée du moteur, les conduits d'admission d'air sont redessinés et la cartographie moteur revue.
Le logo de la marque évoque la musique (trois diapasons), c'est peut-être pour ça que des recherches sont entreprises pour améliorer le bruit des nouveaux modèles. La MT-07 n'y coupe pas, les ingénieurs y ont aussi travaillé pour lui offrir une sonorité agréable. En effet, le bruit n'est pas fort mais beau ! Lors de l'essai, l'ouvreur conduisait une moto avec un Akrapovic. La différence n'est pas grande, mais le son est agréable. Cet échappement sera à vous pour le prix de CHF 1'790.- hors installation.
La position de conduite a été revue au profit des conducteurs de plus de 1m75. La selle n'est qu'à 805mm, une bonne hauteur pour un conducteur de taille inférieur, mais Yamaha ne néglige pas pour autant un pilote plus grand ! Tout se joue au guidon, 12 mm plus haut, 10 mm plus en arrière et surtout 32 mm plus large pour donner un meilleur bras de levier.
Quand on parle d'esthétique, la première chose évoquée devant la MT-07 c'est ce nouveau phare. Constitué d'un nouveau module LED qui fait feu de croisement/de route et de deux canines en LED qui sont maintenant la signature lumineuse des MT. Face à elle, on sait immédiatement qu'on a à faire à cette moto et c'est exactement ce que cherche le constructeur. Vu de près, c'est la relativement importante surface de plastique noir qui me gêne. Il y a bien une partie peinte de chaque côté, mais elle est bien maigre et peu qualitative.
Yamaha a voulu "compacter" le look de son best-seller. Concentrer les éléments près du réservoir pour une impression renforcée de moto compacte. Les écopes en plastique sur les flancs du réservoir s'intègrent maintenant avec une seule pièce couleur carrosserie. Les caches sur les côtés du radiateur ont bien réduit aussi. On nous annonce 500g de réduction de poids juste sur les habillages !
La finition progresse d'abord avec les parties peintes, mais aussi avec les câbles mieux posés, dissimulés autant que possible. Il faut avouer que le poste de conduite semble mieux "rangé" maintenant. Reste toujours les câbles de la poulie de la commande de gaz qui n'ont pas disparu. Au centre du tableau de bord prend place le même compteur LCD à contraste inversé que nous avons vu sur la Tracer 7.
Pour mater la concurrence, la connectivité Bluetooth et un écran TFT aurait pu s'y greffer, mais par soucis de contenir le plus possible le prix de vente, Yamaha mise sur une pièce plus simple et qui néanmoins remplit parfaitement son rôle.
Il m'a fallu que quelques minutes pour à nouveau me sentir à l'aise sur un deux-roues grâce à cette MT-07. Je me rappelle de l'ancien guidon qui semblait vraiment étroit, là les 32mm font une différence notable. On s'approche de la position d'une MT-09, mais sans le basculement vers l'avant. À basse vitesse l'agilité est toujours au rendez-vous, un régal de se faufiler dans les rues de Marseille au guidon de cette moto.
Le caractère toujours aussi joueur et coupleux du bicylindre CP2 est également un énorme atout pour la MT-07. La courbe de couple culmine à 6'500 tr/min, mais une bonne partie est déjà disponible bien avant. On lâche tout juste l'embrayage qu'elle s'élance joyeusement en avant. Ensuite vient le moment d'engager la deuxième, tout en douceur et en précision grâce à la boite de vitesse. On joue facilement du sélecteur, d'un petit mouvement la vitesse passe sans encombre.
Et l'accélération pour ce petit roadster est remarquable, ces quelques 73 chevaux sont volontaires et bien présents. Grâce à un poids contenu, la prise de vitesse est prompte, et la réponse de la poignée de gaz est au diapason (!). A l'aveugle, dire qu'elle est moins puissante en Euro 5 est, selon moi, impossible. Si on regarde mes homologues français, elle lève toujours aussi facilement...
A faible vitesse, quand on prend les freins on sent bien la partie souple de la fourche qui se tasse avant de rencontrer la partie plus ferme. On y perd le mordant des freins, pour un feeling très progressif et adapté à l'usage qu'un néophyte en aura. Et lorsqu'on prend un ralentisseur, le rebond un peu trop important de l'amortisseur fait remonter l'arrière de façon inattendue. Reste que la hauteur de selle réduite ne sacrifie rien à la garde au sol, ce qui autorise de descendre de trottoirs relativement hauts.
On quitte la cité phocéenne, direction Cassis, sur des longues courbes rapides que la MT-07 avale sereinement et à bon rythme. Une fois mise sur l'angle, elle garde la trajectoire qu'on lui donne sans réelle intervention. Un peu plus loin une bifurcation donne l'accès à la Route des Crêtes, avec une vue à couper le souffle, mais celle-ci est fermée pour cause de Mistral. On repassera.
Les virages se rapprochent les uns des autres, la vitesse moyenne diminue mais le rythme reste soutenu. Même avec les deux points relevés sur la suspension, je sens bien la moto et m'amuse beaucoup avec. Lors de quelques rétrogradages trop enthousiastes, j'ai mis en difficulté la roue arrière car l'embrayage n'est pas anti-dribble pour des raisons économiques.
Sur le flanc Nord du Col de l'Espigoulier, la température chute brusquement, autant dans l'air qu'au sol. La moindre partie humide soulève le doute. Glissant ? Pas glissant ? J'aurai déclenché deux/trois fois l'ABS en utilisant le frein arrière, mais en suivant le groupe de journalistes je n'aurai pas eu de déclenchement intempestif.
En une journée d'utilisation soutenue, avec énormément de virages et pas mal de changements d'altitude, on aura parcouru 180 km. Au terme de quoi la réserve n'était pas encore allumée, mais proche. Selon mon calcul, on se situerait autour d'une consommation de 5.5 L/100 km.
Pour une utilisation quotidienne, le roadster s'accommode très bien d'un petit trajet sur autoroute. A 120/130 km/h, le moteur reste disponible en 6ème tandis que la prise au vent reste supportable. Le pack Urban (CHF 599.- hors installation) complètera avantageusement (au sens pratique) la MT-07 avec un grande saute-vent, une double prise USB, une protection de réservoir, le porte-paquet et son top-case.
Plutôt envie de pièces sports ? Le kit Sport (CHF 529.- hors montage) comprend un saute-vent teinté, des grips de réservoir latéraux, des clignotants LED et un support de plaque un peu plus fin, mais pas vraiment plus court.
Dans le comportement de la MT-07, la nouvelle monte pneumatique y est surement pour beaucoup. Les Michelin Road 5 sont en monte d'origine sur de plus en plus de motos semblables (dont la Triumph Trident), ce n'est pas un hasard ! Avec le guidon redessiné, je pense que ce sont les deux améliorations qui permettent à la MT-07 2021 de faire un pas en avant pour un prix qui reste inchangé en Suisse (alors qu'en France par exemple, le prix a légèrement augmenté).
Avec cette progression douce mais assurée, Yamaha ne prend pas de risque avec sa MT-07, son best-seller. Il fallait qu'elle garde son prix très compétitif et c'est mission accomplie. Les suspensions, déjà décriées en 2018, sont toujours là, mais il faut savoir garder en tête le public à qui cette moto s'adresse. Ce sont des avis de conducteurs très habitués au monde du deux-roues qui critiquent, le motard lambda s'en aperçoit car il le lit çà et là.
Grâce aux pneus la moto gagne en agilité et en précision, le guidon plus large offre du confort aux grands ainsi qu'une meilleure prise en main pour tous. Restera pour tous à accepter ce look. La finition progresse, la nouvelle couleur Storm Fluo est prometteuse et la question maintenant sans réponse est : les clients passeront-ils outre ce phare qui laisse dubitatif ?
Pour le reste, elle a tout pour plaire et ravir à nouveau le titre de moto la plus vendue du marché, mais il faudra pour cela que le nombre de gens détournés de l'achat par l'optique ne soient pas trop nombreux.