Cette année, elle se fait quelque peu chahuter par cette Z650 que nous avons testée en janvier : en effet, les chiffres de vente à novembre 2020 indiquent que 1'281, 1'230 et 340 unités ont été vendues pour le trio précité sur notre marché helvétique (Source : Moto Suisse).
En faisant irruption chez les roadsters de moyenne cylindrée avec la Trident 660, Triumph s’attaque frontalement à ce marché et réclame clairement sa part du gâteau et des ventes. L’année 2021 verra-t-elle l’éruption de LA nouvelle référence de la catégorie ?! C’est ce que nous sommes allés découvrir à Ténérife, lors du lancement presse organisé par Triumph.
Un peu d’historique et de statique pour commencer. En réactivant la dénomination « Trident » la firme britannique nous renvoie à son illustre histoire. Tout d’abord au début des années 70 avec les fameuses Trident « Slippery Sam » qui se sont imposées au Tourist Trophy, à Daytona et au Bol d’Or. Un peu plus proche de nous, il y a eu la Trident 900 de 1992…
La mouture qui nous intéresse aujourd’hui est la Trident 660 et elle trônera dans les showrooms des concessions début Février 2021. La moto a été présentée il y a un peu plus d’un mois. C’est un trois cylindre de 660 cm3, enserré dans un cadre tubulaire. Elle est même très moderne, avec toute sa technologie embarquée : deux modes de conduite ("Road" et "Rain"), un écran TFT qui réunit toutes les informations utiles, un ride by wire, des aides électroniques (comme le traction control par exemple) et même la possibilité d’installer une shifter up&down.
Du côté des périphériques, on notera la présence des pneus Michelin Pilot Road 5 (la même monte équipera la MT-07 de 2021), des disques de freins au diamètre généreux (310mm de diamètre) et pincés par des étriers non radiaux. La marque japonaise Showa officie du côté des suspensions, avec notamment une fourche inversée de 41mm de diamètre.
Avec ses 81cv disponibles à 10'250 tours/min, la Trident 660 est plus puissante que ses concurrentes MT-07 (74cv) et Z650 (68cv) – seule la CB650R la surpasse avec son quatre cylindres et ses 95cv. C’est le seul trois cylindres de la catégorie, les autres étant soit des bi- (MT-07 et Z650) soit des quatre cylindres.
Au niveau du budget, il faudra débourser CHF 8’990.- pour acquérir la Trident (un peu voire beaucoup plus si l'on fait chauffer le configurateur du constructeur...), contre CHF7’990.-/8'190.- pour la Z650 en version de base ou en SE (silencieux Akrapovic, couvre-selle passager, bulle fumée, protection de réservoir), tandis qu’une MT-07 2020 s’échangeait contre CHF7'790.- en 2020 (le tarif du millésime 2021 n’ayant pas encore été communiqué). Quant à la Honda CB650R, son prix de vente recommandé est de CHF9'930.-. Dans son argumentaire commercial, Triumph insiste néanmoins sur les révisions qui interviennent tous les 16'000 kilomètres, la garantie de 2 ans, ainsi que sur les coûts réduits des entretiens.
Enfin, comme souvent chez le constructeur britannique et même sur un roadster au tarif plutôt serré, la finition est d’un très bon niveau et ne souffre aucune critique (vue le logo verni au niveau du réservoir ?).
Je suis dans le Groupe 1 dont le guide/l’ouvreur n’est autre que Gary Johnson, légende du Tourist Trophy et double vainqueur de l’épreuve en 2011 et 2014. Briefing et déjà une première consigne: en haut sur le plateau, il y a un virage qui reste à l’ombre jusque tard dans la matinée, juste faire attention à la gelée matinale résiduelle. Oui, tout de suite dans l’ambiance. Je démarre la moto, et réveille le triple qui s’ébroue en activant ses tripes mécaniques. Une sonorité typique du trois cylindres, ni trop feutré ni trop envahissant, juste belle déjà avec son pot d’origine. Et laisse la mécanique chauffer tranquillement, tandis que je finis d’enfiler mon équipement… Mon cœur manque de rater deux ou trois battements tant je suis ému. On y est. Enfin. La Trident 660. Ténérife. Le rond-point pavé de l’hôtel. Et je suis de la première vague. Et avec Gary Johnson aux manettes.
J’enfourche la moto, et pose les pieds à plat grâce aux 805mm de hauteur de selle. Le guidon large tombe bien sous la main, les commandes sont intuitives et se font immédiatement oublier.
On quitte l’hôtel pour s’insérer directement sur une voie rapide. Elle accélère bien, ça tracte bien, avec une bonne poussée en avant. On longe un moment le littoral puis Gary nous fait quitter la côte, ses vagues, ses wind- et kite-surfeurs, ses golfeurs et on commence ainsi à prendre un peu de hauteur. Direction: l’intérieur des terres et le fameux El Teide, qui culmine à 3'718m. On traverse des petits villages, et aussi l’occasion de vérifier la maniabilité de l’engin, ainsi que sa masse raisonnable (on parle ici de 189 kg en ordre de marche).
La moto se laisse manœuvrer facilement, repart sur un filet de gaz sans râler, et la direction y est neutre et ne tombe pas. Les suspensions absorbent bien les sections ondulées, voire crevassées qui infestent certains abords des villages. Elles ne sont pas trop souples, sont relativement bien accordées et préservent un bon niveau de confort tout en maintenant de bonnes remontées d’informations sur ce qui se passe sous les roues…
Après ce petit galop de prise en mains, nous voilà déjà à Vilaflor. Pause café. Une petite quarantaine (mot à la mode cette année…) de motards occupent déjà les lieux. Beaucoup d’animation, pas mal d’excitation et d’adrénaline dans cet équivalent local de notre col du Marchairuz ou de la montée de Saint-Cergue, en plus volcanique. En manœuvrant la moto, je me rends compte de son diamètre de braquage juste correct. Peut-être est-ce dû à la présence de la fourche inversée ?
On sirote le café, on observe les motards locaux, qui nous dévisagent en retour, avant de jeter ensuite un œil interrogateur sur nos Trident et Tiger. Puis le second groupe débarque et sonne la fin de la pause et, par là, le signal de notre départ. Direction le spot de photo, et la route qui y mène jouit d’une chaussé impeccable. Mais nous sommes dimanche matin et le trafic est assez dense. Nous passons une partie de la montée et des magnifiques lacets à doubler les voitures, naviguant entre les 3ème et 4ème rapports, juste parfaits.
Parfois, le talon de ma botte vient taper contre le repose-pied passager, à gauche comme à droite. Même avec mon quintal tout équipé à bord, la Trident relance sans rechigner, et se rue vers la zone rouge sans se faire prier. La boîte est précise et l’embrayage pas trop ferme. Les Michelin Pilot Road 5 sont excellents sur ce bitume parfois humide encore par endroits, et qui commence tout juste à gagner quelques degrés (Celsius).
Puis d’un coup, comme par miracle, la route se dégage et la voie se libère. Et le rythme s’accélère. Gary virevolte, il danse de virage en virage. Je le vois qui jette un coup d’œil aux rétros de temps à autre, temporise et reprend ensuite sa marche en avant. Il reste encore quelques patches humides, on commence à sortir du nuage, la luminosité elle aussi change. Les pneus sont à température, on dirait. L’accroche est bonne. On prend confiance, on prend des degrés supplémentaires (d’angle, cette fois-ci), on commence à déhancher. La moto est vive, elle est maniable mais reste saine et stable. Et suffisamment rigoureuse, même lorsque le rythme s'accélère. Elle met en confiance.
Puis d’un coup, le nuage se déchire et la brume disparait. Un ciel bleu et un paysage, mi-lunaire mi-martien, font face à nous. On enquille les courbes, le casque presque dans le rétroviseur, une cuisse bien calé contre le fin réservoir, passant d’un bord à l’autre de la moto au gré des penchants. Devant Gary déroule, et moi derrière, je jubile. La Trident est précise, le moteur relance avec vigueur, même si à cette altitude on peut perdre jusqu’à 8% de la puissance du moteur. Le freinage est puissant et endurant. Il lui manque juste un soupçon de progressivité.
Séance photo, sur une fin de matinée, un dimanche de décembre. À Ténériffe, au pied du fameux Teide. La séance terminée, nous enquillons sur la TF-38 qui alterne bouts droits et courbes rapides au pied du Teide, serpentant à la base de son cône. Sur un asphalte parfait, on roule d’un bon rythme maintenant, un œil sur le trafic, un autre sur la trajectoire et un dernier (!) sur le paysage sublime que l’on traverse. Oui, on traverse des paysages juste somptueux, et que les mots peinent à en décrire la majesté.
On arrive au col, et là, notre premier bouchon. Les forces de l’ordre nous arrêtent et nous interdisent… d’aller plus loin. La route sur l’autre versant est restée à l’ombre, et il y a des portions qui sont encore gelées. Le personnel du restaurant vient tout juste d’arriver… Du coup, on a trois quart d’heures avant d’être servis (soit la durée d’un bon quart d’heure vaudois, donc), on repart pour une petite séance photo impromptue au pied du stratovolcan…
Et à peine le temps de deux ou trois selfies, de deux ou trois clichés que des gardes, débarqués de nulle part, nous remballent, et l’on nous fait comprendre gentiment mais fermement que nous devons redescendre les motos. Du pied, ils effacent les traces des pneus que nous avons laissés sur la petite butte de terre, de poussières et de cailloux…
Pause déjeuner, enfin. Vite expédiée. On repart, pour la dernière séance photo et vidéo au-dessus de Arguayo. Gary nous fait alors bifurquer à droite, sur la TF-38. La route serpente à travers les flancs du volcan. Route somptueuse mais avec des portions dans le nuage, des sections encore humides. La Trident est bien campée sur ses suspensions, se rue sur la zone rouge comme une morte de faim. Le grip des pneus semble inépuisable et la confiance est là. Le rythme augmente encore d’un cran, la moto ne se désunit pas. On traverse forêts de conifères, puis de feuillus, au travers de terres noires ou rouillées…
Après la séance média, un dernier coup d’autoroute pour tester l’accélération et un peu de vitesse (peu de protection mais c’est tenable), et nous voilà déjà de retour à notre point de départ. Un grand sourire. La banane jusqu’aux oreilles.
Les premières livraisons n’auront pas lieu avant début février 2021 mais la nouveauté déchaîne d’ores et déjà l’engouement des préparateurs. L’Italien Arton Works a dégainé parmi les premiers et va proposer non pas un mais deux kits carénage pour transformer sa Trident en pas un mais deux café-racers, les bien-nommés Neptune S et R. D'autres vont certainement emboîter le pas aux Italiens.
Sur le papier et dynamiquement, la Trident a tout pour séduire un large public de motard(e)s : bien équipée, freinant bien, doté d’un moteur suffisamment puissant, allègre et rempli de peps, et d’une partie-cycle à la fois bien suspendue, maniable et stable, elle demeure bien finie et possède d’origine une belle sonorité. De plus elle peut se targuer d’avoir des coûts d’entretien et de fonctionnement qui sont annoncés comme étant réduits. Les quelques défauts ne sont pas rédhibitoires.
Son prix est concurrentiel au vu des prestations et de son équipement. Mais est-ce suffisant pour se faire sa place au soleil et au sommet des ventes, voire l’établir comme la nouvelle référence de la catégorie ? La Triumph Trident 660 arrivera dans les showrooms des concessions début Février ; le marché décidera.