
Nous sommes en septembre 2019 et, après un rendez-vous manqué pour un essai sur piste, je prends possession de la sculpturale RSV4 Factory chez nos compères de 100% 2 Roues. L'idée ? Tenter d'emmener une machine de 217 chevaux sur des terrains absolument incompatibles : tous, à l'exception d'un circuit de vitesse (et d'un circuit de cross, 'faut pas pousser).
Nous sommes en juin 2020 et quel meilleur moment pour achever cet article mis en attente (la « vraie » vie, la famille, et le temps file bien trop vite) ? Car à l'aide des géniaux clichés de Malo, réalisés lors d'un aprem' fort rigolo, ainsi que de l'impact colossal de l'Aprilia sur votre serviteur, mes souvenirs lointains n'en sont pas moins vifs. Je vous raconte?Allez, on remonte le temps.
C'est le temps que j'aurai mis à déroger de mon plan pourtant si clairement établi dans mon esprit. La machine à peine enfourchée, suite à un tour du propriétaire des coeurs dans les yeux et une vive émotion aux premières vocalises du V4, je choisissais la file de droite au feu. Objectif : une première purge à froid, en ville, via la charmante rue de la Servette.
Au vert, la rue Hoffmann est avalée d'une caresse sur les gaz et je tourne finalement à droite. Direction Balexert, puis l'autoroute. Un battement de cils plus tard, je coupe le contact quelques virages avant Saint-Cergue. Une route quasi-déserte, un temps splendide, la RSV-4 virevoltant si aisément dans les courbes... ça en valait la peine. Le temps de m'auto-flageller pour la forme, je redémarre la diva et redescends aussi facilement que je suis monté.
Dans les bouchons de fin de journée, sur notre chère A1, je ne parviens pas à pester sur l'appui conséquent de mes poignets sur les demi-guidons de l'italienne. Ni du vacarme assourdissant de l'échappement Akrapovic à basse vitesse. Ni de la selle un poil raide et de la température élevée dégagée par les entrailles du V4. A quasi 60 km/h, pas de quoi râler au sujet de la minuscule bulle aérodynamique. Une première épreuve relevée haut la main par l'Aprilia : je ne peux que sourire à son guidon. Ça commence bien.
Les tricheurs étant toujours punis, c'est bien tôt le lendemain que je démarrerai la signorina dans mon box, pour un trajet soporifique jusqu'au boulot. Sursautant au premier aboiement du V4, résonnant dans l'espace exigu, je suis totalement réveillé. Soporifique mon oeil. En m'imaginant réveiller tout le lotissement, je parcours mon chemin sur le point de patinage pour me faire le plus discret possible. Cette moto est vraiment dingue. Autoroute, broap du V4, sortie, feu rouge, broap du V4, arrivée dans le parking, broap du V4 et coupure. Souriant de toutes mes dents, je n'attends plus que le trajet du retour.
Pourquoi s'ennuyer tous les jours sur un scooter 125 ou dans un diesel climatisé quand on peut rouler avec ça ? L'inutilité absolue de ses 217 chevaux sur nos routes limitées. La cacophonie permanente du moteur agaçant faune et flore environnants. Le freinage surpuissant manquant de catapulter le pilote jusqu'au prochain feu rouge à chaque arrêt. Le rayon de braquage et le sentiment de pertinence d'un F-18 tentant de faire un créneau lors des manoeuvres dans la circulation. En fait, C'EST ABSOLUMENT GENIAL !
Et le plus beau, au-delà de l'ambiance irréelle au guidon, c'est qu'il ne peut RIEN vous arriver. La qualité des éléments de suspension et de freinage, couplée à l'excellence du châssis de Noale, rend la RSV-4 Factory invincible. Comme beaucoup de sportives, elle ne s'avoue jamais dépassée par quoi que ce soit. Légère comme une plume, elle se rétablit d'une pichenette comme une gymnaste olympique à l'issue d'une vrille. L'impression de contrôle est permanente.