Et d’emblée le changement le plus visible est la nouvelle face avant, avec des blocs optiques retravaillés pour plus d’agressivité. Les sourcils et ce nouveau regard lumineux donnent une nouvelle signature visuelle, plus agressive et plus dans l’air du temps, à cette version 2020. Le profil change aussi légèrement, devenant plus dynamique grâce aux nouveaux caches de radiateurs et au triangle arrière retravaillé, avec l’apparition d’écopes au niveau du dosseret de selle.
On remarque également le nouveau pot d’échappement plus court dont le silencieux est coiffé par une jolie pièce en carbone. Pour plus de détails sur les évolutions mises en œuvre par Triumph tant au niveau de la mécanique (désormais Euro5), de la partie-cycle et que de l’esthétique, je vous invite à (re)lire l’article de présentation de la Street Triple 765 RS.
On démarre la bestiole, puis nous laissons le moteur chauffer tranquillement. Tout en finissant de faire le tour de la bête : on remarque la platine de repose-pied désormais noire, le shifter up and down ainsi que, détail cocasse, les poignées chauffantes ! Pas besoin de ces dernières par les plus de vingt degrés qui règnent déjà en ce milieu de matinée. L’écran TFT a également été retravaillé pour plus de clarté et avec de nouveaux graphiques, améliorant au passage un combiné d’instruments déjà d’excellente facture.
Mais c’est déjà le moment de partir pour l’essai routier et le groupe suisse dont je fais partie piaffe d’impatience et n’a pas vraiment l’air d’être là pour acheter du terrain !
On quitte le circuit sur un filet de gaz. Puis vient la première accélération et, là, j’ai un grand sourire qui se dessine sous mon casque. Rhhâaa, quelle sonorité ! Rauques (rock ?) à souhait, les vocalises du trois-cylindres filent littéralement la chair de poule et deviennent presqu’addictives. Et le petit sifflement caractéristique des précédents Triple de la firme d’Hinckley a presque disparu. La position est naturelle, pas trop en appui ni trop relevé, les commandes tombent sous la main et sont intuitives – je quitte le mode « Road » et me cale sur « Sport » pour toute la durée de cet essai routier. La visibilité de l’écran TFT est excellente dans ces conditions de luminosité. Le dosage de la poignée de gaz est à la fois précis et fluide, même pendant les évolutions en agglomérations à faible vitesse qui se déroulent sans à-coups. Dans ce mode, la réponse moteur y est aussi plus franche.
La petite troupe s’étire et les routes alternent maintenant le bon, le moins bon et le franchement défoncé. Notre parcours serpente dans les collines et les montagnes qui entourent le circuit, longeant la mer et traversant les agglomérations. La vue y est superbe et les portions d’autoroute sont avalées à bon train, couché derrière la protection symbolique procurée par le petit saute-vent…
La route se dégage et le rythme s’accélère – et effectivement, ça roule fort devant !
La moto se dévoile – elle est légère et maniable, ce qui permet de négocier rapidement les épingles et les virages serrés et rend faciles les parcours urbains. Le train avant est précis et suit littéralement votre regard, le freinage est bluffant de puissance et de mordant, aidé en cela par les nouveaux Supercorsa SP et des suspensions de qualité, distillant un excellent niveau de filtration/confort et un bon retour d’informations. Et là, un autre point fort, sur le plan mécanique cette fois. Les sorties de courbes sont devenues plus vigoureuses à mi-régime, ce qui la rend plus adaptée à un usage quotidien. La nouvelle Street Triple RS combine désormais la vigueur à bas et mi-régime de la Street Triple R 2019 tout en gardant ce côté mort-de-faim pour les hauts régimes du modèle sortant. Le gain de puissance et de couple est donc bien là et les 9% annoncés propulsent avec poigne mon quintal hors des virages et des rond-points. Cette vigueur et cette rage mécaniques sont sublimées par la présence du shifter, désormais up-and-down, livré de série et au fonctionnement exempt de défauts.
Sur la seconde partie du parcours qui nous ramène au circuit, le sentiment de confiance procuré par la moto est tel que je me mets à enquiller à bon rythme désormais, sur des routes que je ne connais pourtant pas. La moto freine, tient la route, reste bien calée sur ses appuis, absorbe les inégalités et les imperfections du bitume. Sa facilité met en confiance immédiatement et permet rapidement les corrections de trajectoires ou de resserrer sur un virage qui se referme.
C’est sur ces routes qui ont encore gardé des stigmates des pluies torrentielles et des coulées de boue de la mi-septembre que nous terminons l’essai routier et parvenons à l’entrée du circuit.
Cartagena étant un circuit que je ne connais pas, j’ai donc passé la semaine qui précède l’essai sur le tuto vidéo que l’ancien pilote GP500 Simon Crafar lui a consacré. Sans compter l’ultime petit déjeuner en tête à tête avec le plan du circuit collé dans mon bloc-notes en guise d’anti-sèche… C’est un tracé technique qui développe environ 3.5 kilomètres, 18 virages dont 10 à droite, avec un double droite assez délicat au bout de la rectiligne et un pif paf qui suit juste derrière. Un tracé pas évident à mémoriser donc et qui fait penser au Lédenon, les montagnes russes en moins. Séquence petite boule au ventre…
Campées sur les béquilles et chaussées de couvertures chauffantes, les motos attendent sagement dans le box. Une petite armée de techniciens s’affairent autour, gestes précis, dans le calme olympien de ceux qui connaissent leur art. Nous finissons le briefing.
Le moteur ronronne gentiment, calé sur son ralenti. Trois sessions de 15 minutes sont au programme – je décide de rester sur le mode « Sport » pour la première. Puis, on retire les couvertures, et la moto est avancée devant le box ; c’est parti pour une après-midi.
Dans cette phase d’apprentissage du circuit, la facilité et la précision de la Triumph sont des atouts formidables. La concentration est focalisée sur les trajectoires, les points de cordes et les repères de freinages. La moto se fait oublier, elle suit le pilote. Mieux : son moteur coupleux permet de s’extraire correctement de certaines courbes abordées en mode touriste, sa rage dans les tours est un allié précieux dans les bouts droits, et le freinage permet de tempérer des arrivées en courbe un peu optimistes…
Les deux sessions suivantes se déroulent sur le mode « Track », avec une réponse plus agressive et une électronique plus permissive (ABS non déconnectable cependant). Le tracé se mémorisant, le rythme augmentant (un peu…), les qualités déjà entrevues sur route grimpent ici d’un cran.
Le niveau de grip est phénoménal, grâce à l’équilibre de la partie-cycle, aux suspensions bien accordées, mais aussi grâce aux nouveaux SuperCorsa SP v3. Pirelli nous promet une meilleure polyvalence (pour un pneu de ce type) et des performances accrues. Dans les conditions de cet essai (pas de pluie, météo espagnole très clémente), le niveau de grip sur route et circuit est impressionnant pour des pneus de route. Les appuis y sont francs, l’avant étant bien calé, le guidage est précis et le pilote peut retrouver ses appuis, notamment avec ce réservoir fin et bien échancré. Les changements d’angles sont aussi facilités par une selle assez bien dessinée et la légèreté de la moto. Les corrections de trajectoires se font sans le moindre effort.
Un mot sur le shifter, qui est excellent, spécialement dans ce contexte du circuit. Et le rétrogradage possède la fonction auto-blipper qui ponctue d’un coup de gaz automatique chaque descente de rapports. J'adore !!!
Bien équipée, bien finie, saine, stable, rigoureuse, vigoureuse, joueuse, et rageuse quand il le faut, la Street Triple RS semble être au service de son pilote. Par ses qualités, elle saura satisfaire le poireau comme le pilote chevronné. Elle représente donc un choix pertinent pour celles et ceux qui veulent un outil pour rouler au quotidien. Mais également une arme pour s’initier et progresser sur circuit. Les changements techniques et cosmétiques apportés à ce nouvel opus de la Street Triple RS ont sensiblement fait monter le plaisir de piloter d’un cran.