Par rapport au millésime 2018
Justement, voyons comment ces modifications influent sur le comportement de la moto, notamment sur le terrain. Les « Enduro » étant des motos bien spécifiques, c’est la Multistrada 1200 Enduro Pro millésime 2018 (ci-dessous) qui va nous servir de point de comparaison pour cet essai, axé sur les capacités off-road de la nouvelle 1260.
L’an dernier, nous avons testé cette version suréquipée, livrée d’origine avec des barres de renforts, des feux LED supplémentaires, un silencieux Termigoni, un amortisseur de direction, deux bulles (normale et courte) et surtout les Scorpion Rally qui vont bien. Nous avions alors décidé de la mettre à l’épreuve en la confiant aux mains expertes d’Hugo Lopes, pilote genevois qui se préparait pour le Dakar 2019. Au programme, un roulage sur la piste de motocross de Sézegnin (Genève), afin de recueillir l’avis d’un spécialiste du rallye-raid, à défaut de pouvoir la tester sur de véritables portions de sable. Toutes les assistances électroniques avaient été coupées, afin de permettre au pilote de sentir au mieux le comportement la moto, et le test pouvait commencer.
On laisse la parole au spécialiste :
« La moto m’a paru très large, assez lourde, j’ai eu un peu peur mais la prise en main s’est faite assez facilement. Avec une position debout, le guidon est un poil bas, ça va sur les pistes rapides, mais dans les parties techniques, on est moins confortable. En comportement, la moto est un poil creuse en bas sur les relances, mais je pense que c’est lié au fait d’être en mode Enduro. Après, c’est sûr que ça change d’une moto de cross, mais justement, malgré le fait qu’on sente que la puissance est là, elle n’est jamais violente, et de ce fait, vraiment idéale sur piste roulante. Evidemment, sur un terrain de cross, on la pousse dans ses retranchements, et les suspensions sont vite en butée, mais malgré tout, elle reste saine et je ne me suis fait aucune frayeur. C’était même plutôt amusant ! Vu le gabarit, c’est une moto qui te met quand même à l’aise facilement, qui est très équilibrée, et qui m’a permis de réaliser quelques jolis sauts ! » (vidéo en ligne ici).
Ce qu’Hugo ne dit pas, c'est que le test s’est soldé par une chute, dans une épingle à droite. La faute à une terre très humide ce jour-là, qui a complétement lissé le pneu avant et qui a surpris notre pilote de rallye. Après tout, l’Enduro Pro n’était pas une machine de cross. Mais dans ces conditions extrêmes, elle a su révéler de surprenantes capacités. A commencer par des dégâts minimes en cas de chute. Si, comme on pouvait s’y attendre, les pare-mains dotés des clignotants ont littéralement explosé, la partie latérale de la machine a bien été protégée par les protections tubulaires et seul le panneau latéral en alu comporte quelques griffures.
Cela tombe bien (quel jeu de mot !), c’est justement une pièce prévue pour être changée sans devoir vendre un rein. Dans l’ensemble, la Multistrada 1200 Enduro Pro s’est sortie avec les honneurs de ce test extrême, et a placé la barre haut en termes de capacités, pour un trail de cette envergure. Qu’en sera-t-il du millésime 2019 ?
Enduro, vraiment ?
Retour à la réalité sur la nouvelle 1260 Enduro, et ses 254kg tous pleins faits. Bien sûr, les Pirelli Scorpion Trail II, si efficaces qu’ils soient sur le bitume, m’empêchent de la comparer véritablement à la version 2018 dans les mêmes conditions. C’est dommage car j’aurais vraiment voulu mieux cerner l’évolution sur le terrain, et je connais un pilote de rallye qui s’en réjouissait également. Tant pis, ce sera pour une prochaine fois ! C’est néanmoins en toute confiance que je pars à son bord, à l’assaut des petites pistes qui longent le Jura.
Limitée par sa monte pneumatique, elle se place néanmoins relativement bien en terme de comportement, en tout cas au même niveau que ses (grosses) rivales allemandes ou anglaises. La garde au sol est appréciable, le sabot moteur est costaud et joue son rôle de garde du corps en encaissant parfaitement les multiples pierres qui détalent sur mon passage. La roue de 19’’ contribue à un bon retour d’information du train avant, et les suspensions semi-actives travaillent excellement bien, quelle que soit la dureté du terrain et les chocs absorbés. Ce n’est pas demain la veille que je les mettrai en butée. Pour autant, malgré son poids important, qui plus est haut perché avec un réservoir de 30 litres, elle reste saine et très équilibrée. Je regrette que la position du guidon ait été abaissée, mais la préhension de la moto avec les cuisses sur le réservoir à la peinture granuleuse fait des merveilles en termes d’appui.
Si quelques flaques ne lui font pas peur, l’arrivée sur un secteur boueux composé de larges et profondes ornières place la 1260 Enduro face à ses limites. L’adhérence n’est pas son fort ainsi chaussée, malgré l’usage du mode « Enduro » qui réduit la puissance à une centaine de canassons, avec une réponse des gaz très douce. La moto n’étant pas équipée de ses protections tubulaires, et connaissant de fait la résistance des pare-mains, je décide lâchement de me rabattre sur la petite route en contrebas afin de tester un peu plus les capacités routières offertes par ce trail au comportement plutôt joueur.
Il n’y a pas de miracle : pour utiliser pleinement ces capacités en hors-piste, le changement de pneus sera impératif. Il vous faudra également, dans l’idéal, démonter les rétros, monter une bulle basse et réhausser le guidon. Et seulement là, votre machine sera prête à affronter les pires éléments. C’est d’autant plus dommage que sa devancière, dans sa version Enduro Pro, était d’office livrée ainsi, permettant de se lancer sur les pistes sans appréhension autre que celle du poids, fatalement imposé sur une machine de ce gabarit. A se demander pourquoi Ducati n’a pas conservé, comme l’an dernier, deux versions de sa moto, avec un modèle « Pro » destiné aux aventuriers les plus aguerris.