On the road again !
Puisque telle qu’elle est vendue, la 1260 Enduro n’est pas complétement parée pour le off-road, allons donc tenter d’exploiter sur route les quelques 158cv que nous promet le bicylindre DVT.
Pour ce test purement routier, je choisis un itinéraire mêlant grandes courbes et petites routes au revêtement incertain, garnies à intervalles réguliers de passages à vache. S’agit de ne pas perdre de vue la philosophie de la moto, tout de même ! Ne vous en faites pas, je l’ai aussi testée sur l’autoroute, et elle s’en sort très bien, en tenue de cap comme en protection. La bulle positionnable manuellement d’une seule main est d’ailleurs vraiment pratique, même si dans cette gamme de prix, on aurait préféré un réglage électrique. Mais vraiment, l’autobeurkautouroute n’est que le moyen d’accéder à de meilleures contrées, tant cette 1260 à de capacités à démontrer.
Départ avant l’aube, afin de profiter des belles lueurs matinales, et des températures plus clémentes des premières heures. C’est qu’il commence à faire chaud en ce mois de juin, et le moteur de 1262 centimètres-cubes peut vite faire monter vos cuisses en température.
De nuit, sur les petites routes de campagnes sinueuses à souhait du canton de Genève, je constate que l’éclairage, confié à des LEDs, est très puissant. On y voit presque comme en plein jour, mais la lumière sur les surfaces réfléchissantes est éblouissante. Les feux de virages, des LEDs supplémentaires s’allumant en fonction de l’inclinaison de la moto pour éclairer l’intérieur de la courbe, s’acquittent parfaitement de leur tâche, même si l’apport est presque anecdotique tant la qualité du faisceau lumineux est bonne. Les commodos rétros-éclairés, par contre, ne le sont que de nom. C’est en fait juste leur contour, dans un beau rouge Ducati, qui est visible dans l’obscurité. C’est mieux que rien, mais l’éclairage des fonctions de chaque bouton serait plus pertinent, surtout vu le nombre de commandes. On déplorera d’ailleurs la commande des feux de route, trop proche de la poignée gauche, et que l’on accroche involontairement de façon régulière.
A l’attaque du col de la Faucille, je prends énormément de plaisir à jouer avec le gros élastique que j’ai entre les jambes. La santé du bloc Testatretta impressionne par sa force et son caractère, en faisant preuve d’une souplesse bienvenue (pour une Ducati s’entend). La où le 1200 se montrait rugueux et parfois violent, le 1260 DVT est bien plus agréable. Attention, n’allez pas croire qu’il est aseptisé, cela reste un twin italien et il garde son caractère et ses montées en régime fulgurantes. Il est moins agressif, plus rond, même si on reste tout de même loin de la douceur de fonctionnement offerte par une certaine concurrence. On conserve cette impression qu’il veut vous tuer à chaque sortie de courbe mais la brutalité de l’ancien bloc 1200 n’est plus de mise.
Seul point noir, des vibrations plutôt conséquentes passé le cap des 7000tr/min, jusqu’à la zone rouge du compte-tour. Mais quand on attaque, c’est le dernier de nos soucis, n’est-ce pas ? Le tableau de bord, cependant, en devient presque illisible tant il tremble, et on se demande comment il aura vieilli après quelques milliers de kilomètres. Vous nous tiendrez au courant. Autre défaut à pointer, et pas des moindres, des faux points morts, entre la première et la deuxième, mais également entre le quatrième et le cinquième rapport. En fait, il s’agit simplement de la vitesse qui ne s’enclenche pas, si le pilote n’est pas assez franc sur l’appui du sélecteur. Un souci qui fait cependant tache sur une moto à plus de 23'000 francs, et ce d’autant que le problème est récurrent et a déjà été constaté sur d’autres machines, de la 950 S à la 1200 Enduro Pro. Monsieur Ducati, serait-il possible de régler ce problème de boite une bonne fois pour toutes ?
Pour ceux qui avaient des doutes sur les capacités sportives d’un trail équipée d’un réservoir de 30l et d’une roue avant rayonnée en 19 pouces, je les rassure immédiatement. Le train avant est impressionnant de précision et la vivacité des changements d’angle vraiment bluffante. La moto inspire confiance et on se sent en sécurité, malgré les débattements plus importants que sur la 1260 S. Les suspensions DSS (pour Ducati Skyhook System), qui analysent en temps réel l’ensemble des paramètres de la moto, font un boulot impeccable et ne mettent jamais le pilote en difficulté. L’accessibilité est l’argument principal mis en avant par Ducati pour sa nouvelle Enduro, mais le premier mot qui me vient à l’esprit est la facilité. Jamais 158 canassons issus d’un teigneux twin italien n’auront été aussi facilement exploitables qu’avec cette Multistrada 1260 Enduro. On passe tour à tour de petites épingles serrées à de grandes courbes avalées à rythme (très) rapide avec une aisance déconcertante et sans la moindre arrière-pensée. Les différents modes, à défaut d’être rapidement accessibles (il faut appuyer sur un bouton pendant une longue seconde, puis sélectionner le mode voulu, puis rester avec le doigt appuyé pendant encore 3 longues secondes), permettent de se faire plaisir en toutes circonstances, quel que soient l’état de la route et le rythme souhaité.
On notera que dans l’ensemble, ce nouveau bloc fait merveille et apporte à lui seul une réelle plus-value à cette 1260 Enduro. La sonorité, rauque à souhait et gratifiant mes oreilles d’un gargouillement pétardant à chaque décélération, est vraiment fabuleuse et contribue largement au plaisir de pilotage. Au final, le seul grief en fin de journée est une selle somme toute assez dure, qui ne permet pas d’envisager de réels longs voyages sans pauses régulières, et un quick shifter qui, si pratique qu’il soit, se montre un peu brutal dans son fonctionnement, générateur d’à-coups lors du passages des rapports.
Conclusion
Je ne vais pas y aller par quatre chemins (si possibles plein d’ornières et de boue), ce que la Multistrada 1260 Enduro perd en efficacité sur les pistes, elle le gagne largement en polyvalence sur route. Et c’est tant mieux pour les rouleurs au long cours, qui voient à présent poindre à l’horizon une machine capable de les emmener vite, loin et avec plaisir, pour peu qu’ils aient le séant peu sensible (ou fortement traité à l’épicurisme comme celui de votre serviteur).
Mais au fond de moi, je ne peux m’empêcher de regretter un peu que la version « Enduro Pro », certes plus extrême, ait cédé sa place à une version plus conventionnelle, avec moins de capacités en off-road.