Il faut préciser que je suis le seul, au sein de la rédaction d’AcidMoto.ch, à ne jamais avoir mis les roues sur un circuit. Pour moi, pas de sportives à la puissance indomptable et à la position de conduite kinésithérapeutique. Pas parce que je suis un manche en conduite sportive (j’en vois qui rigolent au fond !), mais simplement parce que mon truc, à moi, c’est d’enrouler. Ce qui compte avant tout, ce n’est pas d’atteindre le point B (j’ai dit B !) le plus vite possible, mais le voyage qui permets d’y arriver. La vitesse pure présente donc peu d’intérêt à mes yeux, et je préfère me concentrer sur les sensations de conduite, de la sonorité aux vibrations. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que cet essai Harley-Davidson au Portugal m’a été attribué. Et c’est juste après la prise en main des modèles Touring 2019 de la firme de Milaukee, la veille, que je me suis retrouvé à Portimao, au guidon d’une FXDR 114 à peine rodée. Oui, oui, Portimao. Pas mal pour un baptême de piste. Et d’autant plus avec une machine frisant les 300kg ! Bon, pour tout dire, je m’emballe un peu, c’est vrai. En fait de circuit, c’est sur celui dédié au karting, qui jouxte la piste officielle, que nous nous sommes tiré la bourre, au guidon de machines tout juste rodées. Largement suffisant, en soit, pour essorer la poignée de gaz sur les 200m de la ligne droite des stands. Le but du jeu est donc simple : ouvrir en grand pour passer les 160Nm de couple au travers du gommard de 240mm. Complétement débile, je vous l’accorde. Et carrément jouissif, je vous l’assure.
Le commissaire me fait signe d’avancer. Sous le cuir, la tension monte d’un cran. Je tente d’aligner le pneu avant dans les marques tracées au sol, mais je suis un poil optimiste. D’un œil suspicieux, il me fait signe de la main pour que je recule. Un petit centimètre à peine. Voilà qui est fait. « ARE YOU READY ? » Je claque la visière de mon casque, bloque ma respiration et acquiesce d’un hochement de tête. 1ère enclenchée, main gauche sur l’embrayage, main droite sur la poignée de gaz. Au loin, la rampe de feu s’allume. Une longue seconde. Puis s’éteint. D’un coup. Je lâche l’embrayage de la même façon et les deux cylindres sur lesquels je suis assis me propulsent sans ménagement sur la ligne d’horizon. Loin de patiner, le pneu accroche le bitume et lance la moto en avant, avec force. Le vacarme est assourdissant, sans que je ne sache si c’est ma moto qui le produit, ou celle de mon concurrent. Il n’est pas dans mon champ de vision, et c’est plutôt bon signe.
Au rupteur, je passe la seconde, cramponné au guidon et calé dans la selle. Une fraction de seconde de répit, juste le temps d’inspirer, avant que la moto ne recommence à me tirer violemment vers l’avant. La montée en régime est vive, et je suis de nouveau au rupteur. Je décide de passer la 3ème, bien que la ligne d’arrivée soit proche… et me fait déboiter. Erreur de débutant. Chaque dixième est précieux et j’ai perdu en passage de rapport l’avance que j’avais visiblement réussi à prendre au départ. J’enfonce simultanément la pédale et le levier de frein pour ralentir la moto, car le 1er virage se rapproche à une vitesse folle. Bien que dépourvu d’ABS (il a été débranché pour l’occasion), le puissant double disque immobilise rapidement la moto. La stabilité de la masse de métal, qui dépasse les 300kg tous pleins fait (on ne parle même pas du poids du pilote), est impériale et impossible à prendre en défaut. Cette rigueur de la partie-cycle me permets de prendre confiance en mes capacités de pilote. Je m’en rendrai compte au fur et à mesure des runs : le poids de la moto, allié à la longueur de l’empattement et au pneu arrière de 240mm de large, me permettent de lâcher l’ensemble de la cavalerie sans crainte de la moindre dérobade. Il faut vraiment vouloir faire un burn et charger l’avant pour déclencher un patinage de l’arrière. Les runs s’enchaînent et tout s’accélère : les démarrages, les passages de rapports et surtout le pouls. L’accélération à l’état brut. Ouvrir à fond, sans crainte pour son permis, sans culpabilisation ni arrière-pensée. Dément!
Voilà à quoi j’aurais pu résumer cet essai. Car c’est sans conteste l’expression la plus proche de mon ressenti. Comme un gamin qui s’extasie après un tour de manège. Et à vrai dire, c’était réellement cela. Une dizaine de gosses, qui ont passé des heures à faire fumer des pneus arrière sans raison et à martyriser des embrayages, dans l’espoir de franchir une ligne blanche avant le pote d’à côté. Et à ce petit jeu, l’américaine s’est bien entendu montrée parfaitement dans son élément. Le son du moteur, avec son immense prise d’air latérale qui gave d’air le big twin façon Muscle Car dans un bruit d’aspiration, joue parfaitement son rôle d’amplificateur de sensations. Et de ce côté-là, la FXDR fait dans le généreux. A consommer sans modération, si possible sur une ligne droite bien dégagée !
NDLR : "Notre essayeur n’ayant pas de combinaison full cuir, c’est en tenue d’enduro que son essai "Dragster" s’est déroulé. Par respect pour vos yeux, nous avons préféré illustrer cet article avec les photos officielles fournies par Harley-Davidson. De rien."