
Bousculer et faire éclater les idées reçues n’est pas chose aisée. Depuis la présentation de son prototype en 2015, la Husqvarna Vitpilen 701 n’a cessé d’alimenter les fantasmes. Son design épuré, atypique et non-conventionnel, on craignait de le voir sacrifié sur l’autel des normes d’homologation et des ajustements pour convenir au plus grand nombre. D'autant que la marque ne cache pas sa fierté au moment de présenter son nouveau bébé, attendu au tournant.
Heureusement, Husqvarna a réussi à coller au plus près au style de son projet jusqu’au bout de la chaîne de production. Le monocylindre de 75 chevaux et 72Nm est aussi au rendez-vous, avec un traction-control et un quickshifter up&down qui plus est. Certes, les suspensions WP et les freins Brembo doivent garantir un comportement plutôt sain. L’échappement d’origine n’est pas vilain et la petite selle toute fine semble aussi dure que celle du proto’.
Le dessin du réservoir, pièce centrale de la machine, est superbe. Le regard suit naturellement le décroché de la ligne jaune, qui semble couper en deux la machine, pour se porter jusqu’à la coque arrière et son feu LED du plus bel effet. Elle en jette, la Suédoise.
Reste qu’au moment d’enfourcher la Vitpilen pour un petit trajet vers la conférence de presse, on est presque sceptique. Le bloc compteur, qui reprend l’arrondi du superbe phare à LED, a une finition un peu moyenne, même si l’essentiel des infos est lisible sur l’écran LCD un peu tristoune. Les mains tombent sur les bracelets plutôt étroits, aux commodos un rien banals, qui enserrent un té de fourche plutôt modeste. On démarre le mono, qui s’ébroue dans un pouf-pouf plutôt discret. Déception.
A la file indienne derrière notre guide, le malaise grandit presque. Ça tousse, ça vibre à bas-régimes et ça rechigne à reprendre sans brouter sous les 3'000 tours/minute. Si le levier d’embrayage est souple, il est plutôt court et on peine à trouver le bon positionnement de ses doigts. Le shifter ne sert à rien sous 4-5'000 tours et provoque des à-coups désagréables. L’appui assez prononcé sur l’avant est supportable, mais on espère ne pas passer trop de temps sous les 50km/h. Le comportement est vif, mais nerveux, comme si la machine rechignait à s’acquitter du trajet. Mademoiselle Vitpilen, cachez-vous votre jeu ?
Eh bien, en fait, oui. Café serré et conférence concise avalés, on quitte la marina pour gagner les hauteurs de Barcelone. Notre guide semble un rien pressé une fois sur l’autoroute et l’on ne se fait pas prier pour tirer dans le mono de la suédoise. Ce serait ballot de se perdre ! Et là, première claque : même à haute vitesse, la Vitpilen tient le pavé et ne remue pas d’un cil. Et elle pousse ! Dans un grognement jouissif et sportif, on change totalement d’ambiance alors que le paysage défile de plus en plus vite. Dix minutes plus tard, on se retrouve à la sortie d’un village et notre guide n’est toujours pas calmé.
Nous non plus ! Daniele, éminent gazier et confrère du magazine Töff, nous emboîte le train et on se lance dans une bien bonne arsouille sur un bout de route complètement fou et bien revêtu. Là, deuxième claque : la Vitpilen est clairement délirante à piloter ! Le haut du corps pivote idéalement autour des bracelets, les jambes enserrent idéalement le réservoir et le moindre appui sur les cale-pieds fait virevolter la machine comme une plume soufflée par un réacteur de F-18. Une plume pourtant collée parterre : les suspension WP, qui paraissaient souples en usage tranquille, offrent un comportement progressif et stable en toutes circonstances. Même sur les raccords et quelques bosses qui jonchent certaines portions, on se jette comme des morts de faim aux trousses de notre guide, décidément chaud bouillant.