Comment j’en suis arrivé à rédiger cet article ? Moi qui, en général prône les sportives, les moteurs explosifs ou tout ce qui est un peu "funky" sur la route... Simplement parce que j’ai accepté la proposition de l’essai par notre rédacteur en chef !
Quand j’ai reçu le message : "essai de l'Indian Scout, ça te dit ?" Honnêtement, je ne voyais pas exactement ce que c’était. J’ai pris le temps d’aller voir et j’ai vulgairement pensé "mouais, je vais rouler en Harley quoi...", et j’ai accepté. J’ai surtout accepté parce que je ne connaissais pas plus que ça la marque Indian et que tout ce qui a deux roues m’intéresse. Et c’était aussi l’occasion de casser tous ces préjugés qu’on peut avoir sur les customs.
Donc me voilà chez American Bikes à Genève pour récupérer la Scout après m’être pas mal renseigné sur le modèle. Déjà, quand on arrive dans ce magasin, on sait que l’on n’est pas n’importe où. La déco, les motos, pas de doute, on se trouve aux USA.
Avant tout, un peu d’histoire. Indian n’est pas une marque comme une autre. Déjà, elle existe depuis 1901 ! Ensuite, contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette marque américaine à un réel passé sportif, notamment au Tourist Trophy. Et c’est encore Indian qui a fait voir le jour à ce moteur si particulier, le bicylindre en V à quatre soupapes par cylindre. Ca ne suffit pas ? C’est encore eux qui ont inventé le premier démarreur électrique... Oui, ce n’est pas une marque comme les autres. 1955, la marque américaine arrête la production. Elle sera rachetée une première fois en 2004 mais c’est l’acquisition du groupe par le géant Polaris qui fera revenir Indian au premier plan. Notamment avec la Scout. Le nom du modèle reprend le nom de la 600cm3 qui avait vu le jour en 1920 et qui aura servi de base pour la gamme des "Chief".
On me présente la Scout que je conduirai pour cet essai. Elle est là, elle m’attend. Une robe noire métallisée, un superbe échappement et son bloc-moteur qui me fait de l’oeil. Comme à mon habitude, je commence par détailler la moto, je tourne autour. Elle est relativement petite, par rapport au reste de la gamme bien sûr ! Du reste, le moteur ne cube "que" 1131cm3. Certes, ce n’est pas rien mais pour ce genre de motos, il n’est pas rare d’avoir affaire à des moteurs de 1700cm3.
Pour être plus précis, je dirais qu’elle est parfaitement dimensionnée. Rien ne paraît disproportionné ou au contraire trop petit. Les lignes modernes tranchent avec le cuir à l’aspect usé de la selle et les lignes rétro. Il y a pas mal de chrome, ça brille, mais ce n’est pas pour autant tape-à-l’oeil.
Superbe. Magnifique. Elle est superbement réussie. Les détails fleurent bon la qualité. Tout est signé "Indian", que ce soit le moteur, le feu arrière, les pneus, l’avant et j’en passe. Un souci de finition particulièrement abouti. La selle, au look usé, n’accueillera que le pilote. Si vous voulez une selle pour emporter avec vous votre moitié (ou quelqu’un d’autre), il faudra ouvrir le cahier des options.
De face, la Scout peut paraître simple. Un phare rond, simple qui met en valeur le nom de la marque gravé juste au-dessus. Avec cette couleur noire, cet optique met en valeur autre chose qui n’est pas anodin. Si le freinage est assuré par un simple disque de 298mm à l’avant, c’est avec une durite de type aviation de la poignée de frein est reliée à l’étrier. Sous le phare vient le pare-boue qui enserre un pneu imposant. Sur sa jante de 16 pouces, les dimensions du pneu avant (130/90-16) paraissent énormes.
Derrière le phare, le guidon, simple, qui plonge légèrement sur un réservoir joliment taillé. Il redescend jusqu’à la selle de façon fluide. Sur les côtés, il est inscrit Indian Scout tout de chrome, chrome qui rappelle le magnifique moteur situé juste en-dessous.
Je suis comme hypnotisé par le bloc-moteur. Le bicylindre en V est sculpté avec attention. Une pièce d’orfèvre. On voit le "I" d’Indian inscrit avec application sur les cylindres, et, entre les deux, l’inscription gravée dans le chrome "est 1901". De la toute belle finition !
La transmission se fait par courroie. Les caches de cette courroie, qui ne nécessite aucun entretien (contrairement à une chaîne), passent sous la selle et mettent en valeur le cadre, le bras oscillant et l’amortisseur gauche. Du côté droit, l’amortisseur est le même. Du beau matériel à nouveau. La roue arrière est tout aussi imposante que l’avant. Pour sa part, ses dimensions sont 150/80-16. Il faut tout de même relever que le souci du détail a été poussé jusqu’au fait d’inscrire "Indian" sur les pneus.
Le vendeur, présent depuis le début, allume le moteur. Ne cherchez pas le contacteur au guidon, il se trouve dans le bloc-moteur, sur votre gauche lorsque vous êtes assis. "bzzzzzzz". Eh oui, c’est l’injection. Cela permettra d’avoir plus de souplesse pour un bicylindre, surtout avec ce moulin.
Courte pression sur le démarreur à impulsion et la machine tout entière s’anime dans un grondement à faire pâlir n’importe quelle Harley Davidson. Il faut dire que le modèle que je vais tester est équipé d’une ligne d’échappement et du stage 1. N’y voyez aucune façon d’attendrir l’essayeur, mais avec la prime à l’Euro, American Bike fournit gratuitement ces deux éléments pour tout achat d’une Indian. C’est pour cette raison que le modèle que j’ai à l’essai est ainsi équipé.
Il est donc temps pour moi de découvrir l’Américaine sur la route. Je m’installe sur la selle qui se révèle vraiment confortable. Je vérifie la position qui m’est assez inhabituelle. Les pieds en avant, le dos très légèrement bombé, mes mains tombent très bien sur le guidon. J’ai les bras légèrement tendus mais juste ce qu’il faut. On m’explique que moyennant quelques options, il y a la possibilité de reculer un peu la selle et d’avancer les cale-pieds. Honnêtement, avec ma corpulence, cela donnerait du style mais cela prétériterait le confort en balade.
Le compteur est à l’image de la moto. Un subtil mélange entre oldschool et modernité. Rond, simple, il n’indique, à première vue que la vitesse. Puis sur le bas, il y a un petit écran digital. Ce dernier possède un menu déroulant au moyen d’un bouton situé à l’arrière du commodo de guidon gauche. Il indique, à choix les tours/minutes, l’heure, le kilométrage avec le trip1 ou encore la température moteur.
Je sais que la moto est lourde. On parle là d’une machine qui pèse 248 kg à sec et dix kilos de plus en ordre de marche. Je vais être honnête, les manœuvres m’inquiètent. A tort. Bien sûr, le rayon de braquage est immense, je ne m’attendais pas à mieux, mais les masses sont réparties de la sorte que déplacer votre Scout sera chose aisée. Il faudra tout de même veiller car il n’y a pas de dispositif de sécurité lié à la béquille. On peut donc passer la première et démarrer béquille dépliée...
En revanche, les rétroviseurs en forme d’œuf me montrent mes bras. Il faudra voir en roulant ce que cela donnera avec le réglage adéquat.
Ca y est, le moteur est chaud. A bonne température, le moteur grogne au ralenti avec cette sonorité typique des bicylindres en V. Ca broute légèrement et à la moindre sollicitation de la poignée de gaz, ça claque. Superbe !
Je lâche l’embrayage à câble un peu ferme et ma Scout démarre. Le couple délivré par le moteur est étonnant. Il arrive avec force et constance tout en profitant de la souplesse acquise par l’injection. Les premiers tours de roues sont prudents. On essaye de se faire au poids de la moto, à ses dimensions. Mais ça vient vite et les premières accélérations arrivent.
Une des choses à laquelle j’ai eu du mal à m’habituer, c’est le freinage. Bien qu’il soit couplé à un ABS relativement bien paramétré, je l’ai trouvé un peu faible dès le début. De plus, les rétroviseurs retombent systématiquement en position basse malgré mes maintes tentatives de réglages.
Fait étonnant pour la hauteur de la moto et sa garde au sol de 135mm, la Scout permet de prendre de jolis virages avant de frotter les cale-pieds. Le train avant n’est certainement pas étranger à ce sentiment.
Une virée au guidon de l’Indian Scout peut donc avoir plusieurs facettes. On peut se balader tranquillement, au son du moteur. La puissance délivrée par le moulin vous propulsera immédiatement à 100km/h. Et cela restera votre vitesse de croisière, profitant des virages d’un col ou d’une route sinueuse pour faire frotter les cale-pieds. L’autonomie d’un peu moins de 200km vous laissera flotter sur la route pendant quelques heures. Car c’est bien la sensation que l’on a lors d’une virée. On flotte. Mais cela n’empêchera pas la Scout de pousser fort et ce, sur tous les rapports.
Mais on peut aussi pousser plus fort. Attaquer correctement. Même si elle n’est pas prévue pour l’arsouille, elle s’en sort correctement à ce petit jeu. Elle se mue en jouet pour adulte averti. On ne prendra jamais de vitesses faramineuses, position oblige. En revanche, on fera facilement chasser le pneu arrière en sortie de virage alors que le cale-pied intérieur lèchera le bitume.
Le couple présent à tous les étages permet de conduire bas dans les tours et d’accélérer fort pour jouir du couple, ou alors de chercher les haut régimes. Si votre choix se porte sur cette dernière option, il vous faudra faire avec les vibrations qui iront avec. Et attention au freinage. S’il s’est révélé un peu léger pour le "tous les jours", il est clairement en deçà de ce qu’il faut pour élever le rythme... dommage !
Au niveau de la partie-cycle, je n’ai rien trouvé à redire tout pendant que la route était saine. Le train avant donne confiance et emmène la moto de tout son long en une seule et franche fois. En même temps, il devient difficile de rouler au-delà de 120km/h au vu de la position sur la moto. Pas évident de mettre le châssis en défaut à cette vitesse. J’ai réussi à aller plus vite, mais rien d’immense (comparé à une hypersport par exemple). Le comportement routier de la Scout n'a pas pour autant été mis à mal.
En revanche, lorsque la route se dégrade, cela devient digne du rodéo. Les suspensions fermes ne sont pas faites pour du bitume défoncé ou simplement en mauvais état. Ce sont en fait vos lombaires qui feront office d’amortisseurs. Mais l’Indian restera sur la trajectoire que vous lui demanderez quel que soit l’état de la route.
L’heure étant venue de ramener mon chopper au bercail, on m’explique que le problème rencontré avec les rétros n’a rien d’affolant. Il suffit de renvoyer les composant via la garantie et de les changer.
J’aurais aimé garder cette Indian un peu plus longtemps. Moi qui ne suis pas habitué à conduire ce genre de moto, j’ai pris un plaisir fou au guidon de l’américaine. Le fait de conduire une moto si authentique a vraiment été une expérience agréable. Pourquoi ne pas passer de ce coté là de la moto un jour où l’autre... c’est une hypothèse largement envisageable.
Si vous êtes intéressé par l’Indian Scout, sachez qu’American Bike a d'ores et déjà reçu la livrée 2016. Cette dernière est en tout point semblable à la 2015 à l’exception des jantes qui sont maintenant polies et que le compteur comporte un indicateur de rapport engagé.