Accueillis par Philippe Dupasquier, la journée s’annonce forte intéressante. Pour les plus jeunes, Philippe Dupasquier est une figure du pilotage suisse. Plusieurs fois champion suisse en motocross, en supermoto, et ce dans diverses catégories.
Mais cette journée, c’est aussi l’occasion pour Philippe de voir rouler des jeunes qui ont été invités à tester la KTM RC390 Cup. Pourquoi ? C’est là que ça devient intéressant. Simplement dans le but de voir la possibilité pour ces enfants d’intégrer la KTM Swiss Junior Team de la coupe KTM.
Peu connue dans nos contrées, elle nous a été présentée et expliquée par Philippe Dupasquier qui la connaît parfaitement puisqu’il est aujourd’hui responsable de la faction sport de la marque autrichienne en Suisse ; mais également parce que son fils, le jeune Jason, court dans ce championnat...
Quand Philippe nous invite autour des motos alignées devant nous, on a envie de s’attarder sur les différents modèles. Devant nous, il y a la RC390 "stock", telle que vous ou moi pourrions l’avoir à la sortie du concessionnaire. Mais il y a surtout deux motos dans la version "Cup". Les différences ne sont pas nombreuses mais modifient bien le comportement de la moto. J’y reviendrai plus tard...
Philippe Dupasquier prend soin de nous l’expliquer, avec calme et passion. Cette coupe, qui se déroule uniquement en Allemagne, à l’exception de la manche à Assen (Pays-Bas), est avant tout réservée aux jeunes âgés de 13 à 20 ans. La moyenne d’âge se situe malgré tout entre 15 et 17 ans. Il faut dire qu’après cet âge, les physionomies évoluent et il devient judicieux pour les plus doués de se tourner vers des catégories qui mettent en avant des moteurs plus puissants, comme la 600 cm3.
Comme je l’ai expliqué, c’est avant tout un championnat allemand, mais des pilotes de plusieurs pays viennent toutefois apprendre la compétition. Le championnat hollandais se joue également dans cette catégorie. "Les suisses sont bienvenus dans cette compétition" rapporte Philipe Dupasquier. La grille de départ est donc relativement intéressante puisqu’elle compte vingt-six pilotes pour le championnat allemand et grimpe à quarante jeunes lorsqu’on englobe le championnat hollandais. Quarante petits furieux en herbe qui veulent en découdre, et à quelques petits réglages près, tout se joue au pilotage. C’est également ça, la KTM RC390 Cup... l’apprentissage du pilotage !
Car le règlement est simple. Les pneus sont les mêmes pour tout le monde, peu importe la météo... Une paire de Metzeler intermédiaires on ne peut plus routiers et il est interdit de les chauffer avec des couvertures avant la course.
Mis à part le package de base, il n’est autorisé aucune pièce racing. Seuls quelques réglages au niveau des platines repose-pieds, de la fourche, de l'amortisseur et de la transmission sont autorisés. Et encore, pour la transmission, on a le choix de la couronne du moment que l’on se trouve entre celle de 41 et celle de 45 ! Aucun changement superflu n’étant autorisé, le poids minimal de la moto à la fin de la course doit être de 138 kg, histoire d’éviter trop de calculs savants pour limiter l’essence.
Intéressant donc. Mais pas autant que ce qui est mis en œuvre pour accéder à la Cup. Car vous l’aurez certainement compris, un des buts de cette manœuvre est de limiter les dépenses et ainsi d’accéder plus facilement à la compétition. A l’heure actuelle, au vu des coûts qu’engendre une inscription à une quelconque compétition motocycliste, il faut avouer que c’est vraiment intéressant.
En s’inscrivant à la Cup, KTM et ADAC mettent la main au porte-monnaie pour vous aider. De cette façon, il vous faudra débourser € 7’200.- pour le kit course complet (au lieu de € 10’000.-) et € 2’500.- pour les frais d’engagement. Ainsi, pour moins de € 10’000.-, vous avez donc accès à une année de compétition.
Les explications générales c’est bien mais je vous vois déjà dire "il est gentil, mais c’est quoi le kit course ?" Pour commencer, c’est la moto. Une KTM RC390 stock. Mais elle vous sera livrée, en plus des pièces d’origine et des papiers pour l’immatriculer, avec les modifications nécessaires pour en faire une moto de course, à savoir : une ligne Akrapovic, des suspensions et amortisseur WP, des commandes reculées (avec ses commandes inversées), des disques de frein waves, des leviers "flip" bien efficaces en cas de chute et les carénages fibres.
Petite précision qui n’est pas des moindres... la moto et toutes les pièces vous appartiennent intégralement ! Si, à la fin de la saison, il vous vient l’idée de vouloir la vendre, c’est votre droit !
Les frais d’engagement, pour leur part, incluent : un ensemble de produits de la marque Motul pour l’entretien de la moto, un casque, quatre jours d’entraînement sur piste au début de la saison avec le reste du groupe, toutes les inscriptions pour les courses de la saison.
A savoir que chaque week-end de course débute le vendredi avec une séance d’essai, suivi de deux séances qualif’ le samedi et la course le dimanche, cela fait pas mal de roulage !
Et l’entretien, me direz-vous, il est au frais de qui ? Eh bien du pilote. Mais rassurez-vous, il n’est vraiment pas fastidieux. Tous les moteurs sont plombés pour éviter toute modification. Dès lors, un forfait de € 500.- est demandé par l’ADAC pour effectuer la révision du moteur toutes les 50 heures d’utilisation. Cela reste très correct ! Et s’il y a d’autres frais à prévoir, cela sera sur devis, aucune mauvaise surprise !
Le reste de l’entretien ? Philippe répond très honnêtement : "Je fais une vidange toute les cinq heures, mais l’huile est offerte donc ça ne coûte pour ainsi dire rien." Mais pour le reste, il y a quand même les plaquettes, les pneus... !? "Oui, mais ce sont des motos légères, qui ne prennent pas des vitesses faramineuses, donc tu arrives à faire la saison avec deux jeux de pneus et pareil pour les plaquettes !" Et vu que les pneus sont les mêmes peu importe la météo, il n’y a même pas besoin, dans l’absolu d’acheter une deuxième paire de jantes...
Ok, maintenant, on en sait beaucoup plus sur la Cup mais au final, ça rapporte quoi ? Ma question à Dupasquier n’était pas innocente. Je voulais connaître l’implication de la marque autrichienne dans ce championnat. A nouveau, Philippe connaît son sujet. "Si tu finis dans le top 3 à la fin de la saison, tu obtiens une WildCard pour les sélections de la RedBull Rookie Cup, qui n’est autre que l’antichambre du Moto3. Et quel que soit le résultat de cette sélection, l’ADAC et KTM apportent leur soutien financier au premier du classement pour l’année suivante." Intéressant, KTM s’implique donc vraiment dans le but de trouver des pilotes qui pourront, par la suite, porter la marque au plus haut niveau.
Après avoir été enrichi en explications, c’est maintenant en expérience que je vais apprendre. J’enfile ma combinaison et je vais pouvoir essayer les différents modèles sur le circuit de Lignières. Le tout en même temps que les jeunes qui viennent montrer leurs capacités et, cerise sur le gâteau, en même temps que le jeune Jason Dupasquier.
Ce minot de quatorze ans vient de terminer sa première saison dans la KTM RC Cup. Continuellement en progrès, il aura terminé sa saison sur un podium (3e place) et une très honorable 5e place au général alors qu’il devait apprendre tous les circuits. Chapeau ! Et très rapidement, on va comprendre ce que ça veut dire...
Les différences entre les modèles ? C’est fou, avec aussi peu de modifications, la moto est vraiment différente. En passant d’un modèle à l’autre, la 390 stock paraît lourde. Dans les courbes qu’offre le circuit de Lignières, elle devient plus physique pour garder la bonne trajectoire. Pour le fun, il faut savoir que le fond du circuit se trouve sous les arbres et qu’en cette période, les feuilles tombent. La trajectoire dans cette portion du circuit est donc "dessinée" au sol, le passage répété des motos faisant s’écarter les feuilles mortes.
C’est de cette trajectoire-là que je parle quand je dis qu’elle est plus difficile à garder. Il faut mettre beaucoup plus de poids sur l’extérieur de la moto pour la garder à l’intérieur du virage. Et d’un autre côté, en agissant de la sorte, on se confronte à un autre problème dû au matériel d’origine : la garde au sol insuffisante. Le bruit des cale-pieds qui frottent le bitume se mêle à celui du monocylindre et de l’échappement. En soit, le bruit de l’appendice qui frotte n’est pas dérangeant mais ça déséquilibre quand même un peu...
Et puis il y a les freins. A nouveau, sans aucune modification, ce n’est pas mauvais mais la comparaison avec le modèle Cup met le modèle d’origine à mal. Pour être plus précis, cela ne se limite pas au frein. La différence se fait également sentir à cause des suspensions qui travaillent différemment. Je m’explique. A plus ou moins 170km/h, on prend les freins au bout du petit bout droit qui suit le deuxième gauche du circuit. Avec le modèle stock, on est obligé de revoir son point de freinage. De peu, mais il faut le faire. Et l’arrière de la moto se dandine gaîment. C’est super drôle et joueur, mais lorsqu’on est intéressé par le modèle voué à la compétition, on cherchera plus l’efficacité, le chrono. Alors même si je me suis offert des freinages super drôles avec la RC390, je pense honnêtement qu’ils n’étaient pas très efficaces. La partie-cycle joue également un rôle primordial là-dedans... L’enfoncement de la fourche se fait un peu brutalement, ce qui explique la danse frénétique de la roue arrière.
Après le freinage, comme chaque pilote le sait, il y a la réaccélération. La petite KTM est un monocylindre donc automatiquement, c’est pas mal à la sortie de virage. La petite cylindrée permet également de rouvrir les gaz relativement tôt et assez franchement sans risquer de se faire éjecter.
Si la version Cup est très différente ? J’ai assez envie de répondre simplement oui. La partie-cycle étant partiellement différente (confiée à WP), la moto est beaucoup plus stable en courbe, plus facile. On peut, lors des premiers tours de circuit, avoir la sensation que la moto bouge beaucoup (trop ?), mais on s’y fait relativement vite. Et rassurez-vous, c’est simplement dû au travail plus important des suspensions et de la fourche, cette impression passera rapidement. Au premier freinage, on comprend, la fourche s’enfonce différemment, de manière plus contrôlée, la moto est stable et on est beaucoup trop lent dans le virage. Il faudra donc reculer son repère de freinage, et y aller franchement. Pour que le travail des WP soit efficace, il faut y aller, se donner un peu. Et puis le mordant des freins est meilleur, plus incisif.
Tour suivant, c’est déjà mieux, je relâche les freins et là, c’est une autre moto. Dans le virage, la moto est stable, garde sa trajectoire sans broncher... et rien ne frotte, ou presque. Dans certains virages, j’aurais un peu limé le sabot. La faute aux réglages, pas aux matos ! Il faut rappeler que ce sont des enfants qui sont censés piloter, pas un "grand enfant" de plus de 85 kg !
La réaccélération au guidon de la KTM RC390 Cup ? Elle est sensiblement meilleure. Honnêtement, j’ai eu du mal à savoir si c’était l’impression qu’elle me donnait à cause du râle de l’élément Akrapovic ou si c’était réellement mieux. C’est Philippe Dupasquier qui m’apportera la réponse : "Oui, c’est un peu mieux, c’est pas énorme comme différence mais tu ressors un peu mieux..."
Le plus compliqué pour moi a été de m’habituer aux commandes inversées, ce qui m’aura valu, quelques fois, de rétrograder alors que je voulais passer une vitesse supplémentaire. Pour le reste, j’aurais vraiment eu l’impression de me retrouver sur une mini-machine de course. Ou plutôt une mini-machine pour apprendre la course. Car les quelques modifications apportées au modèle d’origine métamorphosent la moto. Mais le moteur reste toujours le même. Donc il n’y a pas de secret. Il faut savoir piloter. J’ai vu des mômes sortir des virages comme des balles alors que j’avais l’impression de me traîner. Ok, c’était parfois plus qu’une impression... La cause est simple : le pilotage. J’ai compris au fur et à mesure des runs qu’il faut garder beaucoup de vitesse de passage en courbe. C’est un petit moulin donc il faut garder les tours. Apprendre à piloter donc ! Etre plus fluide, mieux bouger. Chaque détail est important puisque la différence ne se fera pas à la puissance du moteur...
Philippe Dupasquier me confiera son point de vue un peu plus tard. "Je n’aime pas les grosses motos, il y a trop pour nous. Là au moins, tu exploites ta moto, tu te fais plaisir et tu progresses un peu à chaque tour parce que c’est au pilotage que tu fais la différence."
C’est exactement mon ressenti au terme de la journée. J’ai progressé en matière de pilotage. Et grâce à un petit mono de 390cc... Génial !
Autre chose a été superbe à mes yeux : ces enfants. En combi, ce sont des pilotes, aguerris pour certains, qui sont à même de donner des conseils... "Dans le grand gauche là-bas, sors plus le haut du corps et accélère !" ; mais à la fin de la journée, une fois le short remis, ce sont des enfants, simples, tout à fait normaux comme les miens ou les vôtres... qui jouent au foot avec une bouteille en plastique et qui rient pour des bêtises de leur âge.
"Il faut que ça reste des enfants, sinon, on les détruit !" me dira Philippe alors que je les contemple. Des gosses. Ce sont simplement des gosses qui aiment la moto et qui prennent du plaisir à pratiquer cette passion commune à deux roues.