L’histoire de Moto Guzzi remonte très loin, la firme située dans la région du lac de Côme ayant été créée en 1921 et il faut savoir que le nom de Guzzi provient de l’un des trois larrons à l’origine de la marque qui fût malheureusement abattu avec son avion lors de la première guerre mondiale. C’est en son honneur que les deux autres fondateurs Giorgio Parodi et Giovanni Ravelli adoptèrent le nom de moto Guzzi et reprirent l’aigle qui était le symbole de leur escadrille pour leur marque de moto.
Le côté historique étant fait, je dois avouer que j’aime bien "ceux qui ne font pas comme les autres" et s’il est bien un monde où c’est rare, c’est celui du custom. Il faut dire que Harley-Davidson a largement posé des jalons de standard que la concurrence copie à outrance pour essayer de s’approprier des parts de marché. La California Custom fait différemment, tout d’abord et surtout avec son V2 1400 face à la route et également avec l’électronique.
En allant prendre possession de "ma" Calif' au garage Virages Motos à Vésenaz, les impressions que j’avais eues en contemplant les photos sur le Net ont immédiatement été confirmées. Il se dégage du Custom italien un sentiment de puissance brute, et là pour une fois je ne parle pas de chevaux, les courbes sont généreuses et fluides et malgré le fait que l’on sente que le bestiau pèse ses quintaux de bon acier, la ligne générale est légère.
Personnellement, j’adore ce que dégagent les deux cylindres débordants de part et d’autre du généreux bloc-moteur. Quand je parle de puissance ici, j’y vois un symbole de virilité presque phallique et me dit que d’exposer ce massif V2 à la vue de tous est une excellente idée, pourquoi le cacher dans le châssis ? D’autant plus qu’avec le refroidissement mixte air-huile, les cylindres ont une taille respectable. Le long échappement chromé qui se termine après la roue arrière donne du cachet à la Guzz’ et allonge la ligne. Il est juste dommage que les normes d’homologation draconiennes le castre autant, j’aurais aimé une sortie plus imposante que le petit tube de fuite qui le termine.
En détaillant le reste de la Calif', je me dis que c’est un sacré vaisseau tant elle est longue et basse, ça sent le raclage de marchepieds dans les giratoires. De nombreuses pièces chromées viennent rehausser le gris de ma Guzzi d’essai, et surtout, c’est à souligner, ses pièces chromées sont en métal et non pas en plastique... Il n’y a pas de fautes de goût, sont apparents seuls les câbles qui doivent être visibles, les autres sont bien dissimulés. Le phare avant est immédiatement identifiable avec sa forme de crâne, surtout qu’il est possible d’allumer seulement les LED qui l’entourent, donnant encore plus de style à la Guzzi.
La selle, pardon le fauteuil, a l’air des plus confortables tant il est large et paraît bien rembourré. Il est suivi par la place réservée à votre sac de sable préféré qui devrait apprécier le confort offert par le pouf qui lui est réservé ainsi que par les larges repose-pieds. S’ensuit un pare-boue arrière fluide qui se termine par deux feux à LED de part et d’autre, qui souligne avec finesse la ligne arrondie de l’arrière. Il n’y a rien à redire, quand les Italiens se lâchent au niveau design, les autres nations peuvent retourner à leurs crayons ! Même avec des customs...
Le bloc-compteur mêle traditionalisme et modernisme avec un large écran LCD au milieu qui permet d’afficher tous les trips possibles ainsi que la consommation, la température, le mode moteur et encore une foultitude d’informations.
Hé oui, la California 1400 Custom est moderne, elle est munie d’un antipatinage à trois niveaux, de trois modes moteur (Rain, Touring et Veloce). Le premier limitant le couple et la puissance, le second privilégiant la douceur de fonctionnement mais avec toute la puissance et le dernier étant le plus sauvage. Il est également à noter que l’on trouve également un cruise-control.
Viens maintenant le temps d’appuyer sur le bouton du démarreur et là... on n’est pas déçu ! Le bloc bouge dans le châssis, le moteur craque immédiatement et la Calif' bouge sur sa béquille sous les assauts des gros pistons. Chose bizarre pour moi, je descends sur la selle en levant haut la patte, habitué par de nombreuses années à rouler sur des sportives... ce geste m’accompagnera longtemps, les habitudes ont la vie dure.
Une fois assis, il faut tout de même donner un bon coup de jarret pour relever la moto de la béquille latérale, les plus de 300kg du bestiau sont bien là. Viens maintenant le temps de passer la première au moyen du sélecteur à double branche qui vous permettra de garder le dessus de vos chaussures propre. Un bon "cloc" l’accompagne, l’embrayage est doux et il n’y a pas besoin de donner trop de gaz pour que le couple important délivré par le V2 permette à la California de décoller.
Comme d’hab, je commence par un petit tour en ville. N’étant pas habitué à rouler avec ce genre de gros bestiau, je ne tente pas de me faufiler dans le trafic, la Calif' étant assez large, mais je ressens assez vite un bon équilibre général. Une fois habitué à avoir la roue avant un bon mètre devant le guidon, et assimilé le mode d’emploi qui va avec, la maniabilité de la California est assez stupéfiante en regard de sa taille et de son poids, elle me fait un peu penser aux hippopotames en tutu et ballerines dans Fantasia : une image de lourdeur mais une sensation de légèreté.
J’avais toujours entendu parler du fameux couple de renversement des Guzzi et après l’avoir vécu, j’avoue y être devenu accro. Qu’il est bon de donner un coup de gaz dans le vide et de sentir la moto basculer de gauche à droite sous l’influence du lourd vilo entraîné par les pistons qui doivent avoir la taille d’un tabouret vu le cubage de la bête, ne manque que les ploum-ploum qui vont avec... Car oui j’y reviens, la bande son à l’échappement manque un peu de gniak... Re-greugneu de normes d’homologation.
Pour continuer mon périple, j’ai décidé de me rendre au bord de la Belle Bleue au guidon de la California 1400 et, du coup, je me suis fadé un peu plus de 500 bornes d’autoroute sans aucun souci. Il suffit de rentrer un tant soit peu la tête dans les épaules (bon, je vous l’accorde, je ne fais pas partie des plus grands) pour obtenir une vitesse de croisière des plus honorables. Ce long périple autoroutier m’a également permis de mettre en avant ce qui peut être un défaut : la jauge à essence. En effet, cette dernière ne descend pas pendant les 200 premiers kilomètres, puis, perd une barre tous les 10 kilomètres. On se prend donc à imaginer une autonomie digne d’un dromadaire dans le Sahara pour se retrouver à guetter la prochaine oasis à sans-plomb pour faire le plein illico.
Arrivé sur place, je remarque encore plus à quel point la grosse Calif' possède un pouvoir d’attraction digne des meilleurs customs US. Les badauds se retournent sur mon passage et une fois arrêté, ils viennent à ma rencontre pour l’admirer de plus près et poser des questions sur ce custom qui justement vient d’une frontière proche de chez eux. Aucun doute, les designers Guzzi ont frappé fort et juste !
Sur le retour, en empruntant les petites routes, je m’amuse à jouer avec les différents modes de conduite, qu’on a plus l’habitude de trouver sur une sportive, voire un gros roadster, et me rend vite compte de l’efficacité de ceux-ci. Le mode Pioggia, soit Rain, par exemple, castre complètement le couple de camion développé par le V2, ceci afin d’éviter tout dérobade de la roue arrière. Le mode Touring libère lui toute la puissance du bloc avec une réponse douce à la poignée, pour moi c’est le mode idéal pour la balade que ce soit en solo ou en duo. Le dernier mode est le Veloce qui lui, bien que délivrant la même puissance que le Touring, permet une réponse immédiate du V2, lui donnant un côté sauvage. Je l’ai grandement apprécié lors des "pétées de plombs" que permet le low-rider italien. Les sorties de courbe en mode Veloce sont musclées et il faut sérieusement s’accrocher aux branches du guidon.
Sur ces petites routes, la Calif' reste très maniable malgré son pneu de 200 de largeur et les amortisseurs à bonbonnes séparées remplissent parfaitement leur office en filtrant bien les aspérités de la chaussée, hormis sur route vraiment défoncée où là, ils avouent leur faiblesse en réagissant sèchement. La fourche, elle, ne plonge pas au freinage et réagit avec douceur tout en permettant un guidage précis de la moto.
Au niveau du rendement du moteur, ce dernier tracte fort dès 2’500tr/mn, et accepte de descendre en-dessous mais vous fera bien sentir que ce n’est pas son verre de Chianti, puis s’envole vraiment avec vigueur dès 4’000tr/mn jusqu’au 7’000tr/mn de la zone rouge.
A l’usage, le tableau de bord est un régal, avec tout d’abord le compte-tours lisible, bien que pas forcément très utile car il n’y a pas besoin de tirer sur le moteur pour en apprécier la quintessence, l’idéal étant de se concentrer sur la zone couple comme expliqué ci-dessus. On pourra également profiter de l’affichage de la température extérieur, des différends partiels, de la consommation instantanée et moyenne, de la vitesse moyenne... bref le genre d’informations bien utiles. Par contre, il m’est arrivé de constater que celui-ci prenait l’humidité avec un léger voile humide présent lorsqu’il était exposé au soleil. Peut-être un problème d’étanchéité relatif à mon seul modèle d’essai.
C’est bien beau d’avoir un moteur qui tracte fort, encore faut-il pouvoir s’arrêter avant de s’encastrer dans le coffre de la Clio qui vous précède, surtout quand on pèse plus de trois quintaux comme la Calif'. Et là encore, la Custom est efficace, le freinage étant puissant et endurant. L’agrément à la poignée de frein est bien présent et la puissance de freinage augmentant avec la pression exercée sur le levier, ce sans brutalité. La présence de l’ABS est rassurante suivant les routes empruntée car un blocage de la roue avant serait synonyme de frais de carrosserie inévitable... Ce dernier travaille d’ailleurs en douceur et n’est pas intrusif ou trop sensible.
Au fil des kilomètres, j’ai trouvé cette Guzzi des plus attachantes, que ce soit en solo ou avec une passagère. D’ailleurs, aux dires de cette dernière, la place arrière est des plus confortables. La forte identité de la Calif' m’a valu plusieurs interrogations d’autres conducteurs que ce soit au feu rouge ou alors que je venais de parquer mon Custom, ce qui prouve le pouvoir d’attraction de la moto. On se fera donc rapidement aux défauts de la Calif' comme sa jauge à essence ou encore son tableau de bord prenant un peu l’humidité pour se concentrer sur le bloc-moteur tout simplement jouissif ainsi que la partie-cycle saine.
Et bien que la California Custom 1400 soit affichée au tarif de CHF 21'700.-, elle reste tout de même CHF 2'000.- moins chère qu'une Fat Boy qui sera sa concurrente directe. Il ne faut pas oublier que ce n'est pas un modèle qui sera produit à large échelle. La Guzz' est donc une excellente alternative pour ceux qui ne veulent pas forcément rouler comme les autres.