Bon il est l’heure de décoller, ce qui n’est pas un vain mot quand votre vaisseau affiche 385kg tous pleins faits. Ce chiffre me tourne dans la tête, c’est presque deux fois le poids de ma moto de piste… Je passe la première, qui s’accompagne d’un grand « clonck », fait quelque peu cirer l’embrayage pour trouver son point de friction et hop en route.
Dès que j’ai passé les 5km/h, j’ai l’impression que la F6B a perdu la majeure partie de son poids, la maniabilité est bluffante pour un tel morceau, la moto se balançant d’un côté à l’autre avec le grand guidon.
Je me rends bien vite compte qu’il faut bien décomposer le passage des rapports, la boîte n’aimant pas les passages à la volée ou trop rapides, mais ceci est bien normal, le bagger Honda est fait pour rouler cool, prendre son temps pour admirer le paysage et surtout laisser aux badauds le temps d’admirer ses courbes. Enfin celle de la moto, voire du SDS qui sera content de monter à l’arrière.
Après un petit tour de mise en jambe, je me rends également compte que Honda a supprimé la marche arrière présente sur la Goldwing, il faut donc bien réfléchir avant de garer la F6B car bien qu’elle semble légère une fois en route, il en est tout autrement lors des manœuvres à l’arrêt ou à très basses vitesses. Si vous la garez roue avant contre le trottoir en descente, il vous faudra certainement demander de l’aide pour vous sortir de cette posture.
La selle moelleuse m’appelant à rouler, je décide de partir pour faire une balade bucolique, au menu bord du Lac de Genève, euh pardon du Léman et petites routes pour profiter du paysage. A l’usage le 6 cylindres à plat est une pure merveille, je n’ai jamais connu de moteur aussi souple et aussi coupleux. Il accepte sous sourciller de repartir bien en-dessous des 1'000 tr/mn et on ne sent pas le cardan. La poignée droite devient un modulateur de vitesse qui permet des accélérations impressionnantes sans avoir recours à la boîte de vitesses.
Le freinage est très bon et le fait que ce bagger soit équipé d’un système anti-plongée (ça rappellera des souvenirs aux personnes de mon âge) permet à la moto de rester bien droite et de ne pas écraser la fourche sous l’action des 385kg. Le frein arrière est aussi excellent et il ne faut pas hésiter à le solliciter sans craintes, les trois disques étant équipés de l’ABS.
Les suspensions sont de bonne facture, elles absorbent bien les déformations de la chaussée, le solde étant avalé par la selle. Par contre, vu la longueur du vaisseau et le châssis qui n’est pas celui d’une sportive, la Honda louvoie quelque peu lorsque la vitesse s’accroit exagérément et que le bitume n’est pas parfait.
Et quand je vous disais qu’il est impossible de passer inaperçu, lors d’un tour en ville, un passant m’a littéralement sauté dessus en me demandant de quel modèle il s’agissait et si c’était un exemplaire unique. Une autre fois, après un tour avec mon SDS habituel (oui, oui, toujours la même, la seule qui ose monter derrière), nous nous sommes rendus dans un resto de la campagne genevoise pour profiter d’une terrasse en ces belles soirées d’été et j’ai parqué la Honda juste devant ladite terrasse. Vous me croirez ou non, mais toutes les personnes qui sont passées devant se sont arrêtées, même les femmes, pour faire le tour de la F6B et la détailler. Cette moto est vraiment valorisante pour son conducteur.
Les 25 litres du réservoir peuvent offrir une belle autonomie théorique de 450km, mais cela dépendra encore de votre mode de conduite. En effet, si vous cruisez tranquillement sur le 5ème et dernier rapport qui fait office d’overdrive, vous atteindrez certainement ce chiffre, mais si vous préférez rouler sur les départementales et jouer avec les accélérations du 6 cylindres, vous atteindrez alors une consommation d’environ 7L/100km et vous tomberez sur la réserve avant d’avoir parcouru 300km, ce qui reste fort honorable.
Bien qu’elle ne soit pas faite pour, la F6B s’affranchit sans peine d’un trajet autoroutier, l’embryon de bulle protégeant sans peine au-delà de la vitesse contrôlée par moult radars dans nos contrées. La prise au vent n’étant pas trop forte, il n’y a aucun besoin de s’accrocher aux branches du guidon. D’ailleurs, Honda n’a pas jugé nécessaire de pourvoir la F6B du cruise-contrôle qui équipe la Goldwing.
C’est un peu comme la ville, bien que la Honda y soit à l’aise pour être admirée et pour attirer tous les regards, vu la largeur du vaisseau, il sera impossible de se faufiler entre les voitures, vous serez donc contraints de suivre le flot des véhicules. Cependant, avec la musique, cette promenade devient un réel plaisir et en plus, si votre dulcinée vous confie une liste de course, aucun souci, vous aurez largement de quoi caser 1 sac de course de chaque côté de la F6B dans les coffres latéraux.
Bref, moi qui suis vacciné aux sportives, ou toute moto permettant de flirter avec la limite, j’ai revu ma copie au guidon du bagger Honda. Ça fait du bien de prendre son temps pour rouler, de pouvoir profiter du paysage sans trop craindre les boîtes à coucou qui fleurissent au bord de nos routes et d’emmener son SDS pour une balade en version hôtel 5 étoiles.
Seul son prix un peu élitiste en freinera quelques-uns, et encore, quand on aime on ne compte pas. La F6B est bien plus valorisante qu'une montre provenant d'une de nos grandes manufactures et elle vous amènera un autre plaisir avec son fabuleux 6 cylindres.