
Ce qui m'est arrivé ce printemps fait partie de ces moments émotionnellement forts. Quand l'importateur Triumph m'a annoncé qu'une Speed Triple R était disponible dans le parc presse, je vous laisse imaginer l'enthousiasme qui m'a envahi. Dans le domaine de l'exclusif, nous pouvons ranger quelques motos de la production actuelle ; la Speed Triple R en fait partie.
Pour cette saison 2014, l'importateur Triumph a équipé sa belle d'une flopée d'accessoires, ce qui est rare. Le but initial des importateurs est de présenter à la presse une moto "basique", dans son plus simple appareil. Cette moto dite basique est celle que le client choisira en catalogue ; les accessoires sont une affaire personnelle dirigée par les goûts de chacun. Seulement, cette Speed Triple R a la particularité d'avoir été "accessoirisée" avec goût. D'origine, cette Speed dans sa version radicale "R" est dotée de pièces racing de premier choix comme une fourche Ohlins NIX30 et un amortisseur TTX30, tous deux réglables dans tous les sens.
Côté freinage, Triumph fait naturellement confiance à Brembo avec des étriers monoblocs spécifiques "R". Ces derniers ajouteraient, selon les ingénieurs Triumph, un gain de puissance de freinage à hauteur de 5%.
Et ce n'est pas tout, d'un point de vue esthétique, la Speed Triple R adopte des éléments de carénage en carbone, des écopes de radiateurs et un châssis de boucle arrière teintés en rouge vif, un sabot-moteur, un saute-vent, ...
La liste semble longue et, pourtant, s'allonge encore avec les options que lui a greffé l'importateur. Comme présentée sur les photos de cette article, notre Speed Triple R fait l'impasse sur les repose-pieds passager et se pare des plus beaux accessoires Triumph : clignotants à LED ultrafins, feu arrière clair à LED, petits rétroviseurs d'embouts de guidon, bocaux de liquide de freins et d'embrayage en alu, ... Seul le support de plaque est confié à Rizoma. Et finalement, on attribuera la petite incartade aux lois restrictives de notre belle Helvétie à la ligne d'échappement 3-en-1 du manufacturier italien Arrow. Malheureusement pas homologuée pour la route, elle apporte évidemment un look unique à la Speed Triple R, sans parler des vocalises qu'elle procure. J'en parlerai plus tard, promis !
La confrontation à la petite soeur Street Triple R est inévitable. Nombreux sont ceux qui hésitent entre ces deux bolides avant l'achat. Tous deux motorisés par un trois-cylindres, architecture-moteur fidèle à Triumph, l'un opte pour le 675cc et l'autre pour le 1050cc. Deux moteurs à caractère sportif ! Le moteur de la Speed Triple R, le 1050cc, présente une fougue et une allonge que la concurrence envie. Triumph a su, au fil du temps, le bonifier des technologies modernes. Il délivre maintenant pas moins de 135cv à 9'400tr/min et 111Nm à 7'750tr/min !
Du côté esthétique, on remarque clairement la différence entre les deux soeurs, bien que l'appartenance familiale soit très marquée. L'une s'affiche comme la petite turbulente prête à se faufiler avec aisance grâce à sa silhouette effilée, l'autre se la joue gros bras avec ses épaules de lutteur. L'allure esthétique se confirme sur la balance, 186kg contre 168kg ! La Speed Triple R semble montrer l'exemple à la Street Triple R en se avançant ses éléments de suspension Ohlins et ses freins Brembo ressortants avec brio sur le noir bordé de carbone et les pointes de rouge du carénage. La Street Triple R, elle, se contente d'une suspension KYB, aussi réglable dans tous les sens, et de freins Nissin à étriers monoblocs et fixation radiale (Brembo pour l'arrière).
La vocation des deux Triple R est identique sur le papier ; la quête de chronos sur piste et un max' de fun sur route ouverte. En selle, ça se confirme, mais les sensations sont toutes différentes ! Quand la Street Triple R vous incite à flirter avec la zone rouge et à attaquer couteau entre les dents, la Speed Triple R, elle, propose plutôt une conduite tout en muscle en usant du couple présent dès les plus bas régimes. La vigueur de la Street Triple R n'a pas d'égal ! Elle joue de son poids contenu pour virevolter d'un virage à l'autre. La Speed Triple R assure grâce à son excellent châssis et à sa partie-cycle de haut vol. Plus lourde, mais pas moins sportive. Elle demande toutefois à son pilote de s'investir pleinement. Obéissant pourtant au doigt et à l'oeil, la Speed Triple R n'a pas la facilité de la petite soeur.
La Speed Triple R est une oeuvre d'art à elle seule. Je la regarde et je ne me lasse pas de la regarder. Je la détaille et je m'émerveille. Et quand je la démarre, je me laisse envahir par le ronron de son trois-cylindres. La moindre rotation de la poignée des gaz flate mes tympas. Et quand je me lance sur des routes sinueuses, la Speed Triple R révèle toutes ses qualités dynamiques. Plus encore, je me délecte dans une ambiance sonore digne des meilleurs concerts classiques... les trompettes sont à l'honneur ! Au-dessus de 5'000tr/min, c'est l'extase, la ligne 3-en-1 Arrow entre en scène en donnant le ton avec prestance. Et à la décélération, je prie pour ne pas croiser un pandore... tant les pétarades qui s'échappement du "silencieux" procurent une ambiance racing. Heureusement, à bas régime, cette ligne Arrow se montre aussi discrète que le double échappement d'origine. Ouf !
J'ai particulièrement apprécié la polyvalence de la Speed Triple R, au même titre que la Street Triple R. Dotée d'une large et moelleuse selle, ce n'est pas votre séant qui souffrira des longues balades. Tous les commodos tombent parfaitement sous les doigts, ce qui facilite la conduite en ville. Aussi, la commande d'embrayage est justement dosable, de même que la commande de boîte de vitesses est précise. Les freins sont d'une attaque progressive tout en présentant une puissance redoutable pour des freinages de trappeur. Gaffe au freinage sur l'angle ! Et finalement, ce ne sont que les poignets qui feront la grimace après quelques centaines de kilomètres ; en effet, la Speed offre à son pilote une position inclinée en avant qui met à contribution les poignets. A ce sujet, la Street gratifie d'une position plus droite et donc plus confortable.
La Speed Triple R, tout comme la Street Triple R, sont prédisposées à un usage intensif sur circuit et ne seront pas ridicules face à des supersportives de cylindrée moyenne. Il n'a pas fallu me prier pour emmener les deux soeurs sur le mythique circuit de Lignières.
Le matin, je file (à l'anglaise) au travail. A midi, je me rends en ville pour un lunch partagé avec un ami motard. Je planifie une virée aux Grisons pour le week-end prochain. En fin d'après-midi, je quitte le travail et fais un détour par le circuit neuchâtelois avant de regagner mes pénates.
La Speed Triple R est une machine polyvalente, mais surtout très attachante par son comportement, sa mécanique et son look ! Coup de coeur assuré !