
J’ai commencé par en faire le tour pour admirer les lignes taillées à la serpe, la beauté du maousse bras oscillant en alu poli et du cadre qui respire la rigidité, de l’étroitesse du réservoir qui augure d’une facilité de déplacement du pilote, de la croupe acérée qui doit être une des vues principales que l’Aprilia laisse à ses adversaires. Ce qui caractérise vraiment la RSV4 c’est sa ligne ramassée, son gabarit de 600 avec un cœur d’un litre de cylindrée.
Après vient le temps de s’installer au guidon et pour une fois je n’ai absolument pas regretté mon mètre 74 ! La position est très basculée sur l’avant, mais bon quand on achète une sportive faut s’y attendre. Les commandes tombent bien sous les mains, il y a juste le levier d’embrayage que je trouve un poil éloigné.
L’impression de finesse se confirme une fois en selle, on a vraiment l’impression d’être sur une 600, voire moins tant la RSV4 est compacte et étroite au niveau du réservoir. Les manoeuvres à l'arrêt sont du coup faciles.
On pourrait presque se dire qu’Aprilia fait aussi dans le sex-toys car le bruit qui émane du V4 est carrément jouissif. Pour un vieux de la vieille comme moi ça me ramène au bruit des Honda RVF d’endurance. J’ai toujours été persuadé que le V4 était LE moteur idéal pour une moto et là Aprilia me donne raison. Le V4 ronronne, on sent ses vibrations monter le long de la colonne vertébrale. Le rythme des pistons est un peu asynchrone, ça sonne pas régulier comme un 4-pattes en ligne et c’est justement ça qui est bon.
Les autres constructeurs se sont éloignés de ce type de motorisation pour des raisons d’économies de coûts de fabrication mais ils ont eu tort ! Il suffit de regarder la grille de départ du MotoGP, hormis la M1 qui est un faux V4, tous les autres sont équipés de ce type de motorisation. Donc l’efficacité n’est pas à prouver, après il est clair que deux bancs de cylindres, et du coup deux culasses, coûtent plus chères à produire… Mais le bonheur d’entendre ronronner un V4 n’a pas de prix et vaut largement une boîte de Xanax. Il suffit de voir les gens qui se retournent juste à cause du « bruit ». C’est un son envoutant qui respire la compétition et la performance.
Le pire c’est que le ramage vaut le plumage tant le V4 se montre efficace à la conduite. Pour être parti avec une moto, qui comptait moins de 30 kilomètres au compteur, donc autant au niveau des pneus, en mode « track » (j’y reviendrai) sous la pluie, il fallait une bonne dose de confiance ! Le premier feu rouge (non en fait il devait être vert) passé et j’avais une foi totale dans la connexion entre la poignée droite et le bitume.
Ce qui frappe d’entrée avec la RSV4, c’est son châssis, on a l’impression d’avoir le guidon en prise directe avec la roue avant et on ressent le grip du pneu arrière dans les cale-pieds. Aprilia a frappé très fort, les années de compétition en WSBK avec Max Biaggi comme pilote d'essai non pas été vaines.
Dire que des hommes sont allés sur la lune avec la moitié du quart du « cerveau » de la RSV4 !
Tout est paramétrable, du contrôle de motricité au degré d’intrusion de l’ABS qui est le nouvel élément de la version 2013 de la RSV4. Ce dernier n’ayant pas été trop compliqué à installer, la moto étant déjà équipée des roues dentées sur les deux roues pour le contrôle de motricité. La centrale ABS a pris place sous la selle pilote afin de recentrer au maximum les masses.
Ce nouvel ABS est paramétrable selon trois modes, le 1 étant réservé au circuit, le 3 pour la pluie sur la route. Vu les conditions météorologiques touchant notre beau pays ces dernières semaines, c’est surtout sur ce dernier mode que j’ai pu tester l’ABS et à aucun moment je ne l’ai senti intrusif et les distances de freinage sont restées courtes tant l’équipement est au top. Le mordant est également au rendez-vous, pas besoin de tirer fort sur le levier, deux doigts suffisent, pour que les nouveaux étriers Brembo radiaux mordent les galettes de 320mm comme s’il s’agissait de bruschetta.
Le contrôle de motricité se règle également sur plusieurs niveaux, le premier au pouce droit pour les modes Rain « R » (pluie), Sport « S » (standard) et Track « T » (piste), la différence étant immédiatement ressentie. Le mode R bridant le moteur à environ 150 chevaux, ce dernier acquiert une certaine douceur, les montées en régime se font douces, on le sent cependant sur la retenue… en une pression le mode S est sélectionné et là le V4 respire, s’exprime, s’ébroue, on le sent tout de suite mieux respirer. Les reprises sont franches depuis le bas du compte-tours et plus le régime grimpe plus le V4 chante. Sur le dernier mode réservé à la piste, le V4 devient violent, agressif, brutal. Les bas-régimes ne sont pas sa tasse de thé (ou d’expresso pour un moteur italien) et il semble dénué de toute inertie dans sa recherche des hauts régimes.
L’anti-patinage se règle directement depuis les palets + et – à la main gauche. Pour la route, il est conseillé de rester entre le mode 5 (temps sec) et 8 (pluie). Vu la météo citée ci-dessus, c’est une béquille non négligeable quand on a 184 chevaux sous les fesses. L’intervention des assistances est très douces et il est même difficile de les déclencher tant le grip offert par les pneus est excellent.
En roulant, l’embrayage à glissement limité peut surprendre le pilote qui n’y est pas habitué, on sent son intervention dans le levier au rétrogradage, cependant cela ne gêne en rien la conduite, bien au contraire. Par contre, le shifter lui se fait oublier, et est vraiment efficace,il ne coupe pas l’injection trop longtemps et on se prend vite au jeu à passer les rapports sans couper les gaz.
En ville la RSV4 n’est pas vraiment dans son élément, le moteur râlant un peu. Il faut surtout avoir les yeux rivés sur le compteur car on a vite fait de se mettre hors-jeux… En clair, un seul rapport est utilisé : le premier, car on roule à 50 km/h à 4'000 tr/minute, les autres étant presque superflus.
Au niveau des aspects pratiques l’Aprilia n’est pas la reine, si vous comptez partir en week-end avec, il n’y a même pas la place pour mettre une brosse à dents et la crème de massage pour vous détendre les cervicales après quelques heures de selle. Ah oui, ne pensez non plus pas faire monter votre douce moitié à la place du passager, ou alors seulement si vous êtes bien sûr de vouloir entamer une procédure de divorce. La place qui lui est réservée est minuscule.
Pour résumer, la RSV4 APRC-ABS est une bête tout juste échappée des paddocks de Superbike, s’il était possible de la ramener 10 ans en arrière elle gagnerait n’importe quel championnat à peine sortie de caisse tant elle est efficace. Maintenant il me reste à la tester sur piste afin de découvrir son plein potentiel et d’en prendre plein les sens, mais cela sera pour plus tard, donc restez connectés.