
En détaillant la Crossrunner, on ne s’attend pourtant pas à une bonne surprise. L’avant en bec de canard, les carénages façon « oeuf », le guidon et l’échappement de scooter… On se demande bien à quoi on a affaire avec la Crossrunner. Une sorte d’ornithorynque de la moto, peut-être. On apprécie le feu arrière, qui semble tout droit provenir d’une CBR 1000 RR et qui donne une belle allure à la Crossruner, vue de dos. Si l’esthétique particulière a un avantage, c’est bien celui de ne pas faire peur. Ça, c’est sûr, elle n’a pas l’air bien méchante, cette Honda!
On s’installe à bord et on se trouve bien assis, sur une selle large et moelleuse. Le guidon, à défaut d’être beau, tombe bien sous les mains. La position de conduite est naturelle, à l’exception des jambes, assez repliées. Le buste sera bien protégé par le tête de fourche, dont le saute-vent n’est malheureusement pas réglable. D’un tour de clé, le compteur repris de la Hornet 600 s’illumine. Pourvue de deux trips partiels, avec consommation moyenne et instantanée, horloge et jauge d’essence, l’instrumentation de bord est complète. Dommage que l’ensemble soit rendu peu visible par la lumière du soleil. Démarrage… le V4 s’ébroue dans une sonorité un rien timide, limite scootérisante. Allons vérifier ça!
Dans le flot de la circulation urbaine, la Crossrunner est comme un poisson dans l’eau. D’un maniement très naturel, elle profite des tranquilles relances de son V4 à bas et mi-régimes pour s’extraire du flux automobile. On peut aussi compter sur les freins, qui vous éviteront bien des tracas avec l’ABS. L’arrière ralentit d’ailleur très bien et permet de ne pas verrouiller l’avant si l’on souhaite ralentir avant un évitement. Si elle paraît large, avec sa forme ovoïdale, la Honda est à l’aise lorsqu’il s’agit de se glisser un peu partout.
Confortablement installé, le pilote dispose d’une position droite et élevée qui lui offre un champ de vision étendu. Comme sur un grand trail, on domine la circulation: un vrai plus pour la sécurité. On traverse les villes en un éclair, on se gare facilement et sans plus d’inquiétude. Un dernier regard vers la Crossrunner confirme cette impression de sécurité: honnêtement, qui volerait ça?
On se moque, mais une fois sortie des cités, la Honda invite à poursuivre la balade. Les kilomètres défilent et on apprécie la protection offerte par les larges carénages. Sur les voies rapides, on regrette effectivement de ne pas pouvoir régler le saute-vent en hauteur. La protection est cependant correcte à allure légale et aucune vibration désagréable n’est à déplorer.
Volontaire, le V4 peine pourtant à emballer son pilote sur les derniers rapports. La poussée s’atténue grandement, les sensations s’estompent. On n’entend plus vraiment le moteur, sympa pour les tympans mais un peu dommage pour l’ambiance.
De retour sur des routes plus sinueuses et sur des rapports inférieurs, on retrouve le caractère enjoué du moteur de l’ancienne VFR 800. Dès 7’500 tours, les 8 dernières soupapes s’ouvrent et, dans une sonorité rageuse, le V4 s’emballe et révèle son côté sportif! On cravache la Crossrunner et elle aime plutôt ça! Les débattements de suspension, entre trail et roadster, font merveille et donnent des ailes à la Honda. Les bosses des petites routes sont bien absorbées et on conserve une bonne stabilité dans les courbes plus larges et mieux revêtues. Le freinage reste à la hauteur, même en retardant ses prises de levier. Aidée du frein arrière, la moto s’assied et garde son cap, imperturbable. Rassurant lors des quelques freinages « catastrophe » qu’occasionne une conduite un peu trop relâchée… En se montrant trop brusque avec le châssis, la Crossrunner finit par demander grâce: elle n’est pas une hypersportive non plus!
Toutefois, en l’emmenant en douceur, on dispose d’une large palette de rythmes de conduite possibles. C’est un peu la magie de la Crossrunner: s’adapter à toutes les utilisations. Avec des pneus adaptés à quelques passages dans les chemins, elle pourra même s’aventurer en dehors du bitume à l’occasion. En conservant un confort et une facilité d’utilisation en toutes circonstances, elle vous facilite la route, quelle qu’elle soit. Avec son grand réservoir et son autonomie de plus de 230 kilomètres, elle saura aussi vous emmener loin.
Au final, difficile de trouver un réel défaut à la Crossrunner. Son design, peut-être? Honnêtement, on s’y habitue et on finit par le trouver sympa (ce qui génèrera quelques remarques des « collègues »)! Il convient également bien à la Crossrunner: une sorte de moto hybride, entre roadster et trail. Une moto « extrêmement compétitive, tant sur autoroute que sur petite route sinueuse », comme le dirait François l’embrouille! Non seulement compétitive, mais aussi très fun! Qui l’eût cru en la voyant? Honda démontre une nouvelle fois que sortir des sentiers battus a du bon. Ce n’est pas les ornithorynques qui diront le contraire. Et toc!