On pourrait presque l’appeler « mamie », cette 750! Presque, car en posant les yeux sur cette dernière version de la légendaire sportive, le coup de vieux est plutôt pour le pilote! Le Gex’ se radicalise, se fait plus compact. Le look, similaire à celui de la 600 du même nom, flirte néanmoins avec les rondeurs des millésimes précédents. Il faut un léger temps d’adaptation pour apprécier ce design alors qu’une R6, par exemple, fait immédiatement son effet.
Pourtant, en la regardant de plus près, la GSX-R 750 dispose de solides arguments. Le cadre et le bras oscillant bleutés sont du plus bel effet et la finition a encore progressé. L’équipement aussi: la fourche Showa Big Piston Fork et les étriers de freins Brembo en attestent. La présence des pinces italiennes est appréciable, le freinage ayant été souvent pointé du doigt par le passé. Sûr que plantée sur sa béquille, elle a l’air de très bien freiner… Il est temps de voir si le ramage vaut le plumage!
En enfourchant l’engin, on se sent « comme à la maison ». La position typique GSX-R se retrouve sur ce millésime 2011 et c’est tant mieux! Si l’appui sur les poignets est un peu plus prononcé et que la selle a perdu de son confort, la vie à bord reste agréable pour une sportive. Derrière la (petite…) bulle, pas de surprise: un bloc compteur toujours aussi complet, avec un compte-tours bien mis en valeur mais toujours sans jauge d’essence. On retrouve l’affichage des trois cartographies d’injection disponibles, l’indicateur de rapport engagé et le shiftlight, présents sur la 600.
Moteur et départ, dans un ronronnement mesuré. Au milieu du trafic de Zürich, où j’en ai pris le guidon, la sept et demi se sera contentée de me chauffer le séant et de me casser les poignets. Sa légèreté fait par contre merveille et son moteur se montre suffisamment volontaire à bas-régimes. La ville n’est bien sûr pas sa tasse de thé et c’est avec soulagement que je m’en éloigne. Un soulagement de courte durée, car en arrivant sur l’autoroute, la pluie s’invite. Bon… on une combinaison « sac poubelle replica » et on y va…
Une centaine de kilomètres plus tard, la GSX-R retrouve avec plaisir les routes cantonales. La pluie a cessé, on tombe la combine et on part se dégourdir les jambes dans les courbes! Si le bruit de la boîte à air vrille les tympans à régime constant, il pousse délicieusement au crime lorsqu’on tourne la poignée. Dès les mi-régimes, la Suzuki donne de la voix et pousse agréablement, sans temps-mort. On enroule rapidement les courbes, sans même y penser, en profitant d’un train avant rivé au sol et d’une mise sur l’angle très progressive. Merci aux Bridgestone BT-016, qu’on avait déjà beaucoup apprécié sur la 600.
Si le quatre-cylindres pousse fort dans les tours, il offre une progressivité rassurante. La pluie est une bonne école pour apprendre à piloter de manière douce et fluide. La GSX-R 750 aussi! On accélère de plus en plus fort, on freine de plus en plus tard, mais tout en douceur. Avec l’assurance de ne jamais être dépassé par les évènements. Tout est progressif sur la Suz’, qui semble calquer ses réactions sur celles du pilote.
Les kilomètres défilent agréablement sur la GSX-R. Malgré quelques vibrations à hauts-régimes, le confort est réel et, pour peu que l’itinéraire ne se résume pas à 400 bornes d’autoroute, on peut rouler longtemps! Bien sûr, elle reste une sportive et ne supportera que très peu de bagages. On ne peut pas tout avoir…
Si la GSX-R va toujours plus loin, c’est surtout dans son niveau de performances! Toujours plus légère, plus vive, elle offre pourtant presque la même puissance depuis bientôt 7 ans: 150 chevaux. C’est le châssis qui fait toute la différence: plutôt que de rompre l’équilibre en gavant sa sept et demi de chevaux, Suzuki n’a de cesse de le bonifier en affûtant son châssis. Résultat: on tire toujours plus avantage du moteur, quelles que soient les conditions.
Plus on la roule et plus la 750 se fait oublier. Si le frisson mécanique en souffre un peu (une 1000 ou un bicylindre offrent plus de sensations), celui du pilotage est bien présent. Sur le sec, les prises d’angles sont impressionnantes et la tenue de route exemplaire. La GSX-R tient son cap, mais reste très réactive au besoin. Un véritable outil! Et le freinage, dans tout ça? Si les étriers Brembo apportent un mordant bienvenu, ce n’est pas la révolution non plus. Il manque encore une paire de durits aviation pour parfaire tout cela. Néanmoins, sur route, vos limites (et celles fixées par la loi…) seront atteintes largement avant d’avoir approché celles de la Suz’.
On roule en confiance et sans surprise avec cette GSX-R 750. Son équilibre parfait entre facilité et performances en font un engin diablement plaisant à rouler et redoutable à l’attaque. Entre une 600 jouissive mais très pousse-au-crime et une 1000 exigeant un certain niveau, la 750 accompagne son pilote. Un compromis idéal, dont les autres marques japonaises pourraient s’inspirer. Mais il est dur de lutter contre cette « mamie » de 26 ans, qui règne sur sa catégorie.