Il est vrai qu’aujourd’hui, les 600 supersport n’ont rien à envier aux 1000. Si leur puissance est effectivement bien plus modeste, leur pilotage demande tout autant de concentration. Des quatre-cylindres sans compromis, qui imposent de rester dans les bons régimes. Des châssis toujours plus affûtés pour chasser le chrono, mais avec lesquels on peine à enchaîner plus de 300 kilomètres de route. Des pneus ultra-performants qu’on use au carré après 3’000 kilomètres… Pas si joyeuse, la route en 600 supersport!
Heureusement que Suzuki était là, avec sa GSX-R. Plus confortable, plus vivable au quotidien et moins chère que ses concurrentes. Mais voilà, ce n’était pas la plus belle et ses performances pures ne soutenaient pas la comparaison avec les reines de la catégorie. Cette année, chez Suz’, on en a eu marre! La petite GSX-R évolue donc (comme la 750) vers plus de sportivité et compte bien mettre une rouste à la concurrence!
Difficile de ne pas reconnaître une GSX-R au premier coup d’oeil. Le coloris traditionnel des sportives Suzuki (depuis 1985!) est fidèle au rendez-vous, même si le blanc brille toujours plus et le bleu s’électrise d’année en année. La ligne se tend vers l’arrière, mais l’avant conserve un certain volume. La marque affirme avoir donné la priorité à l’efficacité en dessinant les carénages de sa sportive. Au vu du résultat, on peut s’en douter… Néanmoins, l’agressivité de l’ensemble est appréciable, les jantes blanches apportant une vraie touche racing à la moto.
Sans bouleversement esthétique, la GSX-R progresse pourtant au niveau de la finition. Le cadre et le bras oscillants bleutés sont splendides, le dessin de l’échappement bien plus heureux que celui du précédent millésime et la finition générale vraiment convaincante. Les parties en plastique noir, qui font penser à du carbone, sont originales et bienvenues.
D’un coup de démarreur, le petit quatre-cylindres s’éveille et donne de la voix, impatient d’en découdre. Dès les premiers tours de roue, on est séduit par la manoeuvrabilité et la légèreté de cette 600. Avec une position plus radicale mais vivable, le quotidien sera supportable sur la petite Gex’. Supportable, mais pas plus! Si le moteur s’en sort honorablement à mi-régimes, l’envie de monter dans les tours est constante. Là où une 1000 vous transporte sur le couple, la GSX-R 600 peine à être emmenée calmement. Ce qu’elle veut, c’est du sport, des virages à gogo où elle pourra dévoiler ses vraies qualités.
Pour rejoindre des terrains de jeu plus adaptés, une incursion sur voie rapide s’impose. Si le corps souffre encore un peu au fil des kilomètres, ce sera surtout dans sa partie haute. Les carénages protègent très bien les jambes et le tronc. A partir des épaules, cela se gâte un peu, la faute à une bulle un peu basse qui oblige à se coucher sur le réservoir pour se protéger de l’air. Normal d’un point de vue sportif et bon pour les accessoiristes! Cependant, sur les grands axes, le moteur peut enfin s’exprimer. Après une petite pause sur une aire d’autoroute, vous décidez de repartir tranquillement. Pour s’insérer dans le flux de la circulation, il vous faut bien sûr exploiter la puissance du moteur. A la première incursion au-delà des 12’000 tours, vous comprenez immédiatement que ce ne sera pas la dernière…
Dans un hurlement toujours plus aigu et jouissif, le quatre-cylindres prend ses derniers tours et pousse très fort jusqu’à plus de 15’000 rotations par minute! Tous les rapports intermédiaires y passent rapidement, tant la moto vous semble enfin vivante! Le moteur et la boîte à air jouent un duo de folie et l’aiguille du compte-tours semble suivre les pulsations de votre coeur. Oui, elle est faite pour ça! Un coup d’oeil au compteur vous fera revenir à des allures plus raisonnables, mais le sort en est jeté. Le virus 600 est dans votre organisme et la zone rouge vous appelle constamment…
Pour une conduite plus raisonnable, on peut opter pour une seconde cartographie, en mode « B ». Plutôt réservée aux conditions météo difficiles, elle limite la puissance et le couple à mi-régimes. Honnêtement, la différence n’est pas flagrante sur un 600 et la quasi-totalité de l’essai a été effectuée en mode « A », même sous la pluie. Le système a certainement sa place sur une 1000, mais sur une moyenne cylindrée, qui plus est sur route, il tient un peu du gadget.
Ouf! Voilà la sortie, synonyme d’un retour au raisonnable, de petits lacets tranquillement négociés et de jolis oiseaux qui chantent dans les arbres. Oui, enfin, normalement… Car, bizarrement, si la GSX-R 600 se laisse volontiers emmener sans trop forcer dans les enchaînements, on maintient un régime moteur élevé. Pour profiter des meilleures relances possibles, bien sûr, mais surtout pour l’écouter miauler et le sentir prêt à hurler. En toute décontraction, on profite d’un châssis évident qui permet de placer sa machine où l’on veut d’une pression sur les cale-pieds. L’avant très vif plonge immédiatement dans la courbe, sans perdre sa stabilité.
Mais voilà, au fil des virages, la prise d’angle augmente. Du coup, on déhanche un peu plus, on utilise de plus en plus l’intégralité de sa voie pour placer la moto. On accélère de plus en plus tôt, de plus en plus fort… Enfin, entre deux virages, ça y est! Le moteur s’emballe à nouveau, les 15’000 tours/minute passent et le virus prend possession de vos sens! Chaque virage est analysé en une fraction de seconde, les trajectoires se font les plus rondes possibles. Le but? Garder une vitesse et un régime moteur élevé pour accélérer au mieux. Et la Gex’ adore ça!
Les freinages sont de plus en plus appuyés et on remercie les nouveaux étriers Brembo, à la puissance et au feeling quasi-irréprochables. On aurait aimé une paire de durits aviation pour garder un mordant constant, comme souvent sur les japonaises. Si les freins remplissent leur office, les suspensions aussi! La Big Piston Fork de Showa fait merveille, tant que le bitume est assez lisse. L’avant encaisse tout et renseigne très bien le pilote sur l’état de la route. Avec un avant aussi incisif, on ressent un léger manque de précision. Peut-être juste assez pour éviter d’en rajouter encore, tant le rythme atteint est déjà bluffant. L’amortisseur arrière est à l’avenant et supporte sans mal les sorties de courbe musclées.
Clairement, la GSX-R 600 est une arme! Beaucoup moins impressionnante à rouler qu’une 1000, elle met son pilote très en confiance. Même sur route mouillée, le rythme augmente très facilement. Elle procure également des sensations que l’on pouvait croire réservées à une pratique sur circuit. Pourquoi? Parce qu’il faut la piloter très efficacement pour en tirer la quintessence, alors qu’une 1000 peut se laisser « conduire » jusqu’à un rythme assez élevé, profitant de son couple et de sa puissance. Sur la 600, on est à fond et on le sent!
C’est peut-être en cela que cette 600 paraît finalement beaucoup plus déraisonnable à rouler sur route qu’une 1000 hypersport. On prend rapidement goût à « tirer dedans », on se concentre sur son pilotage mais peut-être moins sur les dangers de la route. Pourtant, même en mode balade, la GSX-R 600 est une bête à plaisir. En restant lucide et maître de ses nerfs, on peut réellement apprendre à piloter sans se faire peur. Avec un tel niveau de performances, elle réclame tout de même un certain bagage que les plus jeunes motards, très attirés par ces 600 supersport, ne possèdent généralement pas. Une arme à double tranchant, donc, à manier avec précaution.