En abordant cette Vmax 1700, on adopte naturellement une attitude respectueuse. Comme si le moindre geste brusque risquait de réveiller le monstre. Le monstre… un nom qui convient bien à la Vmax, tellement massive qu’elle en est intimidante. Elle est belle, aussi, à sa façon. Ramassée, basse, superbement finie, on ne se lasse pas de la regarder. Tout est démesuré: la fourche, les étriers de frein, le pneu arrière… La finition est à tomber parterre, chaque pièce étant à sa place, rien ne déborde, la Vmax en jette. Bon, inutile de retarder l’échéance, il faut démarrer l’engin…
On tourne la clé (au design particulier) et l’écran d’affichage sur le faux réservoir vous salue d’un « Time to ride This is Vmax ». Oui oui, il est temps de rouler, on sait! D’une pression sur le démarreur, le V4 s’ébroue en grondant. Là, vous avez deux solutions: soit vous coupez tout et repartez en pleurant chez maman, soit vous ne vous laissez pas impressionner et enfourchez courageusement la bête. Du courage, il vous en faudra aussi pour lever la moto et replier la béquille. 310 kilos à déplacer, c’est quand-même quelque chose! Première enclenchée, la Vmax rejoint tranquillement la route pour une première incursion en milieu urbain.
Appréhender son poids et son gabarit à vitesse réduite n’est pas aisé. En tournant le guidon, on sent vraiment le poids qui menace de vous mettre parterre à la moindre hésitation. L’énorme V4 qui gronde encore entre les jambes se montre assez docile pour évoluer en ville. On sent toutefois qu’il est prêt à répondre à la moindre sollicitation de la poignée droite. Cela tombe bien, voilà un feu…
Au vert, à peine l’embrayage relâché, la moitié de ceux qui ne sont pas rentrés chez maman risquent bien de changer d’avis! Le pneu arrière patine, le V4 s’emballe et vos fesses, calées contre le dosseret de la selle, semblent vouloir dépasser le reste de votre corps! Le grondement du moteur, digne des meilleures muscle cars américaines, est jouissif. Le feu suivant est déjà là et on constate avec bonheur que la Vmax freine assez bien. D’accord, on n’est pas au niveau d’une R1, avec laquelle elle partage ses étriers six pistons, mais la force d’arrêt est bien là.
Pour rester politiquement correct, on pourra dire que la Vmax s’extrait facilement du trafic. En fait, elle ridiculise tout ce qui roule, point. 200 chevaux, 166,8 Nm de couple… cette moto est un dragster! Et tout le monde la regarde… Scootéristes, motards, automobilistes, ils sont tous intrigués par l’allure de l’engin. « C’est un gros moteur, non? Un 1200? – C’est un 1700, en fait. – Oulala! Quand-même… » Eh oui, la Vmax vous rend très voyant…
Au delà du plaisir qu’elle procure par ses accélérations dantesques, la Vmax se comporte plutôt bien en milieu urbain. Si elle n’a pas l’agilité d’un scooter, elle est plutôt saine compte tenu de ses dimensions et de son poids. Confortablement installé sur le pouf qui fait office de selle, on se laisse tranquillement transporter au son du V4.
En quittant la ville pour des routes plus agréables et moins encombrées, on peut enfin s’amuser avec ce gros jouet! Dans les premiers virages, on peine à trouver le mode d’emploi de l’engin. Avec sa position à mi-chemin entre un roadster et un custom, la Vmax n’est pas taillée pour les cols de montagne! Le poids ne se fait pas vraiment oublier, vous n’êtes pas sur un vélo une fois passés les 40 km/h. On enchaîne cependant les courbes avec bonheur, en profitant plus des relances du V4 que de la garde au sol ridicule… Les cale-pieds viennent rapidement marquer le bitume, ce qui frustrera les plus sportifs. Qu’importe, l’angle maxi, ce n’est pas son truc, à la Vmax. Ce qu’elle aime, c’est torturer le pneu arrière en sortie de courbe! On remet les gaz de plus en plus tôt pour sentir l’arrière glisser, comme avec un V8 de muscle car. La grosse Yam’ ressemble étrangement à ces monstres américains: une gueule d’enfer, un moteur très démonstratif et un comportement plus amusant que réellement efficace. Et une autonomie ridicule, aussi…
120 kilomètres. La distance maximale que la Vmax aura parcourue avant de réclamer un coup à boire. Le réservoir, placé sous la selle, n’offre que 15 litres de capacité et souffre donc beaucoup de la consommation élevée du bestiau. C’est sûr, la Yamaha vous coûtera cher en pleins d’essence et en pneus arrière. Déjà pas donnée à l’achat, elle sera également coûteuse à l’usage.
Un usage qu’on peine à définir et qui dépendra surtout du bon vouloir du propriétaire. La Vmax s’accommode de la ville, aime pourrir tout le monde au feu et en impose devant les terrasses. Elle jouit d’un confort appréciable et enchaîne sans trop de peine les kilomètres, même si sa faible autonomie vous imposera des ravitaillements fréquents. Il sera également inutile de prévoir 300 kilomètres de route très sinueuse et bosselée, qui fatigueraient inutilement la moto et son pilote à un rythme correct…
La Vmax est une légende depuis sa naissance et cette « petite » soeur en est l’adaptation moderne. Totalement inadaptée à un usage routier par certains aspects, elle réussit pourtant à se montrer très facile à rouler calmement. Au moindre départ arrêté, la tentation d’ouvrir en grand se fait toutefois sentir. Il y a du crissement de pneu et de la gomme brûlée dans l’air…