
Prévenue d’homicide par négligence suite à une collision mortelle, Sylvie*, une retraitée de Vernier, s’est retrouvée durant plus d’une année dans le collimateur de la justice. Or, selon nos renseignements, le Ministère public a classé cette procédure pénale au début du mois. Une décision rare dans pareils cas d’accident de la route. Il était reproché à cette septuagénaire d’avoir percuté un motard en sortant d’un car-wash sur la route du Nant-d’Avril, le 25 mai 2014. Le conducteur du deux-roues est mort sur le coup. Il avait 33 ans. Pour le Parquet, "Sylvie se trouvait dans l’incapacité matérielle d’éviter la collision et aucune faute de circulation ne peut lui être imputée", écrit la procureure Rita Sethi-Karam.
Pour comprendre la décision du Ministère public, un rappel des faits s’impose. Le jour du drame, l’aînée allait rejoindre son époux après un concert de flûte à l’église de Vernier. En sortant de la station de lavage, elle veut obliquer en direction de Genève pour prendre l’autoroute et aller à Confignon.
Garagiste de profession, père d’une petite fille de trois ans, le motard rentrait du travail. La collision a lieu à 19h. Dans sa décision, le Parquet précise d’emblée que deux caméras de vidéosurveillance ont filmé l’accident. Un point crucial de l’enquête. On y voit le motard circulant entre deux files de véhicules afin de les dépasser. C’est cette manœuvre et sa vitesse qui lui ont manifestement été fatales.
La victime "circulait à une vitesse particulièrement élevée, violant intentionnellement et gravement les règles de la circulation routière", note le Parquet. L’expert mandaté par la justice conclut que le motard roulait à 118 km/h de moyenne "sur un parcours de 308 mètres". Sa vitesse moyenne sur les 38 derniers mètres était encore de 114 km/h. Au moment où il a commencé à freiner, il roulait alors entre 133 et 136 km/h. Enfin, sa vitesse au moment de l’impact se situait entre 97 et 104 km/h. La procureure conclut que le heurt n’aurait pas pu se produire si le motard avait circulé à la vitesse prescrite à cet endroit, à savoir 60 km/h.
Par ailleurs, aux yeux du Parquet, l’homme n’était pas dans le champ de vision de Sylvie, qui s’engageait sur la route du Nant-d’Avril. Elle frôlait les 20 km/h, "ce qui correspondait à une vitesse classique". Les enquêteurs ont également constaté que la retraitée n’avait pas bu et qu’elle avait passé, avec succès, un examen d’aptitude à conduire en 2014. Un test à renouveler en mars 2016. S’appuyant donc sur l’expertise et les conclusions du rapport de police, le Parquet met aujourd’hui la retraitée hors de cause.
"Cette décision est juste, relève Me Robert Assaël, avocat de Sylvie La procédure imposait l’acquittement de ma cliente. Cela étant, cette décision n’efface malheureusement pas le drame humain. Ma cliente reste très marquée et touchée par ce tragique décès."
Avocat de la compagne et de la fille de la victime, Me Alain de Mitri n’en restera pas là : "Un recours se justifie car c’est au tribunal de trancher la question de la culpabilité de cette femme." Même son de cloche auprès de Me Timothée Bauer, représentant de la mère et du frère du motard : "Certes ce dernier était en excès de vitesse, mais il était visible et la conductrice avait un panneau stop devant elle. Une faute, aussi mince soit-elle, suffit à fonder une négligence. La faute est d’avoir coupé la route sans s’assurer que la voie était libre."