
Souvent, les accidents de la route détruisent deux familles. Celle de la victime et celle du coupable. C’est sur l’un de ces cas dramatique que le Tribunal de police s’est penché vendredi.
D’un côté, un enfant de 6 ans, en pleine forme, qui se rendait à l’école Geisendorf (Genève) en traversant, au vert, sur le passage pour piétons de la rue de Lyon. De l’autre, un motard de 20 ans qui a cru que le feu était au vert pour lui. Il a démarré au guidon de sa Kawasaki, n’a pas pu freiner à temps et a projeté l’écolier quinze mètres plus loin. C’était le 3 octobre 2013 vers 13 h 30.
Le garçon n’est pas mort. Un miraculé, selon les médecins. Mais après un long coma et huit mois passés entre les HUG et le CHUV, il se retrouve sur une chaise roulante. Il a dû réapprendre à parler, à manger, à boire. Il doit aujourd’hui suivre un enseignement spécialisé. Les neurologues ne peuvent pas dire si les quelques progrès accomplis vont se poursuivre et s’il retrouvera un jour une vie plus normale.
De l’autre côté, le jeune motard responsable de l’accident admet les faits. Il explique avoir pris la présélection de gauche alors qu’il voulait aller tout droit. Il a démarré lorsque le feu est passé au vert. Mais le vert était destiné à ceux qui tournaient à gauche. En roulant droit devant lui, il a percuté le gamin. Sa copine était sur la moto, il devait l’emmener chez le dentiste. "Il a pris la présélection de gauche pour gagner quelques secondes et le prix à payer est l’avenir d’un enfant de 6 ans", résume la procureure Anne-Laure Huber.
"Ce que je vis n’est pas comparable à ce que vit cette famille, j’ai presque honte d’en parler, indique le prévenu. Mais il est vrai que je ne vais pas bien." L’angoisse, la dépression, l’échec dans ses études et deux tentatives de suicide ont rythmé sa vie depuis ce 3 octobre 2013. Il ajoute : "Je ne peux rien faire de plus que de m’excuser, que de répéter à quel point je suis désolé. Le sentiment d’impuissance me ronge." Quant à la copine qu’il emmenait chez le dentiste, elle ne le supportait plus, ils se sont séparés.
La mère de la jeune victime explique : "Il n’y a rien de pire que de voir son enfant souffrir de cette manière." La vie de cette famille a été bouleversée. "Les gestes quotidiens les plus simples sont devenus terriblement compliqués", décrit le père. Et le frère cadet de l’écolier blessé a été psychologiquement traumatisé.
"Les conséquences de cet accident sont effroyables, rappelle la procureure. Un enfant atteint, des vies dévastées. La famille de la victime s’est montrée particulièrement digne et courageuse. Sa douleur résonne dans les murs de cette salle sans fracas et sans haine, ce qui la rend encore plus insoutenable."
La magistrate souligne que le prévenu, sans antécédents, ne se livrait pas à un rodéo routier. Mais prendre une fausse présélection et brûler un feu "à cet endroit-là, à cette heure-là, est particulièrement dangereux". C’était la reprise scolaire, il y avait du monde au carrefour et beaucoup d’enfants. Elle réclame 12 mois de peine privative de liberté avec sursis.
Mais plutôt qu’une peine de prison, le juge inflige une sanction pécuniaire, comme le veut la loi. Ce sera 180 jours-amende avec sursis (à 10 francs le jour) pour ce jeune homme qui a été "durablement atteint par les conséquences de son acte" et qui ne veut plus conduire depuis lors.