
Au réveil, le sentiment est particulier. J'ai terriblement envie de prendre la route, mais pas de m'éloigner du circuit. Comme si j'étais rattaché à ce lieu qui m’a apporté tant de plaisir la veille. Alors, comme j'ai repéré aux abords du tracé un sentier off road pendant que j'étais dans les bouchons, la veille, je décide d'y aller pour m'amuser.
J'ai une énergie folle et le besoin de me retrouver à nouveau tout seul avec ma moto. Le week-end dans le paddock, il y a beaucoup de sollicitations; là, il me faut un bon bol d’air frais. Je dois retrouver ma bécane et me défouler avec elle. Je dois plusieurs fois me raisonner pour ne pas m'emporter ni chuter.
Je suis à des années lumières des héros que j'ai commentés la veille; alors «keep cool» et «slow down» sont les mots du jour. J’ai rendez-vous entre 20 h et 20 h 30 à Bratislava, avec mon cher Jean-Claude et Alex Tamburini, le commentateur de RSI. Cela me donne toute la journée pour me balader en République Tchèque et arriver en Slovaquie en soirée. Je passe de villages en villages. A chaque fois, pour respecter les 50 km/h et les radars (il y en a plus qu’on ne croit), je me mets debout sur les cale-pieds. Cela me rappelle les images du Dakar que je regardais dans les années 80. J’ai l’impression d’être un explorateur sur mon Africa Twin. En Suisse, je n’ose pas le faire, de peur d’être pris pour un imbécile et/ou un irresponsable. Là, je m’en fiche. Seuls la liberté et le plaisir comptent.
Après un joli point de vue à Rakvice Lednice (je vous recommande ce château, à une heure de Brno), je mets le cap sur la Slovaquie. Et là, c’est le drame. Comment ai-je puis ignorer ce pays aussi longtemps? C’est un véritable coup de cœur. Intense, immense, inexplicable. Je m’y sens bien, c’est tout. Le présent que je vis caresse le passé récent ou lointain que j’ai connu.
Les premiers paysages slovaques me font (re)penser au Serengeti, en Tanzanie. J’y étais allé avec mes parents, quand j’étais gamin. C’est une nature immense, la plaine est gigantesque, les montagnes au loin ressemblent à celles du parc national. Il ne manque que des girafes et des éléphants pour être vraiment au milieu de l’Afrique. Je ressens toujours plus cette plénitude et cette zénitude. Au lieu de rejoindre mes deux colocataires par la route la plus rapide, je poursuis dans cette étendue sauvage. Je mets sur mon GPS un itinéraire sinueux et montagneux pour rejoindre Bratislava. Et là, c’est la continuité du rêve.
Après les plaines du Serengeti, ce sont des minuscules villages qui me rappellent ceux de Pinar del Rio. J’y étais allé avec mon amoureuse. Les maisons sont comme dans ce coin de Cuba; petites, avec des façades colorées et un patio devant chaque entrée. La route s’élève et, cette fois, j’ai l’impression d’être à la maison. Sur nos routes. Comme si je faisais le Mollendruz ou la montée de St-Cergue. En haut du premier col, c’est de la folie. Il y a des dizaines de motards. Tous slovaques. Ils roulent comme des barjots, la moitié en wheeling, l’autre se restaure sur l’unique terrasse du col. Ils font tous plusieurs allers et retours. J’en vois qui se chronomètrent. C’est fou et tellement cool.
Du coup, je m’offre également plusieurs fois la montée et la descente, sans croiser de voiture ni de policier (et sans me chronométrer). Un bonheur. Ensuite, direction Bratislava pour retrouver les copains. L’arrivée se fait aux dernières lumières du jour. Il y a le château et la vieille ville, droit devant.
C’est bluffant. Je n’oublierai jamais cette arrivée en Slovaquie.