Doué au guidon d’une moto, pilote sur le Dakar, aventurier autour du Monde, le Lyndon Poskitt, il a un peu tout pour réussir dans la vie ! Sauf qu’il est anglais, qu’il a un nom qui ressemble à celui d’une colle forte, qu’il a la belle gueule, des beaux gosses à qui tout réussit et qu’il pilote comme je ne le ferai jamais.
Et moi, tu vois, ce genre de choses, ça m’agace. Du coup, quand il m’a prêté sa KTM 450 Rally du Dakar sur les pistes arides du côté de Malaga, bah, ni une, ni deux, j’ai repéré une grimpette un peu chère à monter avec son dromadaire du désert, et sa moto, je te l’ai couchée sur une maladresse (pas de chance hein !) à deux mètres du sommet de la grimpette. Guidon et réservoir vers le bas, impossible à relever.
Lyndon, 200 mètres plus bas, il m’a vu faire et il a pas bougé un sourcil pour venir m’aider. C’est exactement à ce moment-là que j’ai commencé à l’apprécier. Je l’ai entendu penser « T’as voulu faire le malin, démerde toi ! » J’ai pris la roue arrière de la moto qui était couchée dans une grosse ravine, j’ai tiré dessus un grand coup pour retourner la moto dans le bon sens. J’ai entendu le pot Akra et le sabot en carbone qui grattaient un peu sur la roche (sic !). Le Lyndon, il devait grimacer, serrer les dents mais il a toujours pas bougé. J’ai relevé sa moto, mis quatre ou cinq coups de guidon pour présenter la roue avant vers la pente, mis un coup de démarreur et je suis redescendu par là où j’étais monté.
Comme dit Lyndon « what goes up must go down !» (ce qui monte doit redescendre). Ce à quoi j’ai répondu : « T‘as raison. Un jour ou l’autre, c’est exactement ce qui se passe. Et en ce qui me concerne, c’était aujourd’hui. » Lorsque je suis redescendu avec sa belle moto du Dakar un peu chiffonnée, bah, vous savez quoi, bah, Lyndon, il m’a applaudit. Et là, je l’ai vraiment aimé !
Au-delà de cette façon un peu romancée de te raconter cette histoire (la chute est vraie, les applaudissements aussi, mais le Lyndon, je l’ai apprécié d’entrée de jeu même si Poskitt comme nom, c’est abusé), je me devais de te présenter Lyndon, un mec pas comme les autres.
Ok, il a fait le Dakar en catégorie « malle/moto » (pas d’assistance, aucun aide d’aucun mécanicien sauf d’un autre concurrent) mais c’est tout autre chose Lyndon qui me parle chez lui. Lyndon, voilà quelques années, c’était un énorme fan de marathon … ce qui, en 2012, l’a conduit à l’hosto pour ne pas avoir voulu écouter son corps ! Ça fait forcément con (voire même conte de fée) à dire, mais Lyndon, à l’hosto, il a regardé toute la souffrance autour de lui et il a décidé de ne plus faire que ce que qu’il aimait.
Il a quitté son taf d’ingénieur en aéronautique, vendu tout ce qu’il avait et décidé de parcourir le monde. Un truc aujourd’hui, limite banal, tu me diras. Sauf que Lyndon, voilà 3 ans qu’il fait le tour du Monde (sa moto a 170'000 km) tout en participant à toutes les courses (Rallye de Mongolie, rallye de Merzouga, etc …) qu’il peut trouver sur son passage avec la même moto. Sauf le Dakar qui nécessite une 450cc, cylindrée maximale acceptée ! Et là, respect ! Il a appelé ça « races to places » (de courses en voyages).
Mettre en jeu la santé de la meule qui doit te permettre de mener à bien le rêve de toute une vie, bah c’est pas une démarche commune. Pire, le garçon a même imaginé un plan diabolique. Au lieu d’alléger un maxi trail, il est parti d’une KTM 690 Rally parfaite pour faire des courses qu’il a adapté au voyage.
Moteur porté à 730 cm3, suspensions et châssis revus, un énorme boulot qui lui a permis de s’aventurer dans les pires endroits du monde seul et de s’en sortir en permanence. Tout en disputant des courses avec une vraie moto adaptée. A 170'000 km, le moteur n’a été refait qu’une seule fois, a connu pas mal de soucis de basculeur au début et hérite d’une segmentation neuve tous les 8'000 km. Mais au-delà de ça, basta ! Là où le Lyndon me parle encore plus, c’est qu’il a décidé de filmer toutes ses aventures. Que ce soit ses voyages, ou encore son Dakar 2016 qui va bientôt être publié sur la page YouTube de « adventure specs ».
Et là, j’en prends plein mes yeux d’aventuriers et plein mes envies de liberté et de voyage. La célèbre route BAM en Russie, la mythique « Road of Bones » (route construite par des prisonniers sous Staline en constituée d’ossements de travailleurs morts à la tâche), ses galères en Thaïlande, la réfection complète de son moteur, autant de moments vrais, qui ne trichent pas ! Je te promets, même si tu ne parle pas anglais, jette un œil à ses vidéos, ça sent le vécu.
Et sa KTM 450 Rally Motorex, tu voulais savoir comment c’était ? Bah top. J’ai pas son talent pour la mettre en défaut, pas plus que de la juger. En simple amateur, j’ai ressenti un certain poids dans le train avant du fait de tout l’équipement de navigation, un manque de rayon de braquage pour faire demi tour sur une piste un peu étroite (le gros réservoir limite l’angle) et un embrayage un peu dur dans les endroits trialisants.
Pour le reste, mon ami Boudoni, la Rally, c’est une tuerie. Elle t’invite à jouer comme une meule d’enduro pour te montrer aussitôt que tu n’es rien à côté d’elle. Un moteur vif, plein, rageur et des suspensions qui te font soulever des pierres de la taille d’un menhir, sous le passage de la roue arrière, sans quasiment rien sentir au guidon. Avec elle, le film du Dakar se met aussitôt en route. Mouvements d’épaules, appuis sur les repose-pieds, tu t’imagines d’immenses dérives sur de la gravette, l’herbe à chameau, surfer sur le sommet des dunes. Et là, je lève les yeux en l’air pour repérer l’hélico qui me suit … mais non, en fait, je suis tout seul. Simple poireau juché sur ce sublime engin ! Je veux la même ;-)
J’ai proposé à Lyndon de payer les menus dégâts sur sa moto (pare main cassé, pot gratté) mais le fairplay britannique s’y est opposé. Pour boucler, son tour du Monde, Lyndon doit désormais revenir d’Afrique du Sud où sa moto se trouve en ce moment (il a délaissé momentanément ses aventures pour fêter les 100 ans de son partenaire Motorex).
Merci, Lyndon, tu m’as fait rêver. Avec ton histoire, tes vidéos, tes aventures, ta classe, mais aussi parce que tu m’as fait confiance en me prêtant ta 450 du Dakar. Je ne t’ai pas déçu, j’ai chu ;-) En même temps, tu savais que tu la prêtais au seul mec qui a réussi a se bourrer dans un bateau au guidon d’une FJR 1300 ;-)
Un tout grand merci à notre Lolo Cochet pour sa participation à cet essai. Pour les fans et pour ceux qui veulent avoir le rictus ou encore travailler leurs abdos durant des heures, rendez-vous sur la chaine youtube de Lolo Cochet.