ESSAI
Cela fait 10 ans que le moteur CP3 est apparu et presque 9 ans qu’on l’a vu dans un modèle Sport Touring. Je m’en rappelle encore très bien, j’étais déjà à l’essai de la MT-09 Tracer (pfiou, coup de vieux juste de l’écrire). Ce modèle a profité d’une belle évolution pour finalement être baptisé Tracer 9 et occuper une place de choix sur le marché des motos routières de moins de 1000cm3. C’est même le plus gros moteur disponible chez Yamaha dans ce segment, les 4 cylindres d’1 litre n’ont pas la cote.
En terme de look, la version + ne change pas grand-chose comparé à ses soeurs. Depuis 2021, la 9 se distingue bien de la 7 avec deux « yeux » bien différents et deux feux supplémentaires que l’on retrouve sur de nombreux modèles. La Tracer 9 fait plus habillée, avec une tête de fourche minimaliste quand on regarde les grands carénages de flanc qui se joignent rapidement au réservoir.
Pour la 9 GT+, c’est surtout la finition qui progresse, avec des leviers et différentes pièces de fonderie qui sont noirs. C’est aussi le seul modèle disponible dans la couleur Icon Performance qui est un peu la finition SP d’une Sport Touring : fourche dorée, réservoir noir, habillages gris et détails bleus.
L’autre couleur du catalogue s’appelle Power Grey, un mélange de noir profond, de gris évidement et d’une ligne dorée. Ces différentes couleurs que l’on voit côte à côte sur le réservoir, demandent un masquage manuel à l’usine. Un travail qui demande de la minutie et pousse vers le haut la qualité perçue.
L’échappement concentré sur la partie basse de la moto, la marmite fait office de silencieux avec des orifices sous la moto qui pointent vers le bas. Identique à la MT-09, cela met en valeur le moteur et a le gros avantage de rendre les valises latérales symétriques ! Point de forme spécifique à faire pour éviter la chaleur ou le silencieux, une contenance maximale bien balancée de chaque côté. Des valises sont justement inclues et se ferment avec la même clé que la moto. Elles peuvent chacune contenir un intégral. On a testé avec le NXR2, ça passe même avec le Cardo !
Toujours comme la GT, le modèle que l’on essaye est équipé des jantes Spin Forged exclusives de Yamaha. Celles-ci sont plus légères sans être forgées pour autant. Ce sont des jantes coulées qui sont ensuite chauffées et rapidement tournées sur leur axe. Ainsi le matériau est plus fin, mieux réparti et donc plus léger.
La suspension semi-active KYB est réglable automatiquement en compression et rebond, mais bénéficie d’outils pour la précharge. Quant aux poignées chauffantes, elles sont également de série pour la GT et la GT+.
Véritable nouveauté pour la +, les commodos sont redessinés pour être beaucoup plus pratiques à utiliser. Avant il y avait un gros bouton « haut-bas » difficile à atteindre à gauche et une molette pour le pouce à droite. Place à un joystick et un bouton retour beaucoup plus pratique quand on le distingue bien du clignotant.
C’est un grand TFT couleur de 7″ qui apparaît en lieu et place des 2 petits écrans de 3.5″ chacun. La surface de tableau de bord est doublée par rapport à la GT et devient également compatible avec l’application Garmin Motorize pour mettre en plein écran le GPS et en prendre le contrôle. L’application, fonctionnant avec un abonnement, permet d’y importer des GPX pour planifier de grandes virées sur un ordinateur en amont. Avec cet afficheur, le constructeur japonais refait son retard sur des combinés comparables et déjà présents chez de nombreux concurrents. Ils ont également pensé à mettre une prise USB de type A pour charger son périphérique en roulant, un must pour notre époque connectée.
La nouveauté majeure de la Tracer la mieux équipée de la gamme, c’est d’être la première Yamaha équipée d’un régulateur de vitesse actif ! Des européens ont ouvert la voie (BMW, Ducati, KTM), suivi par Kawasaki avec la H2 SX SE, et maintenant, la moto la plus abordable du marché à en être équipée : la Tracer 9 GT+.
Le radar à ondes millimétriques, MMR sur la fiche technique, se dissimule habilement entre les deux feux ronds en bas de la tête de fourche. L’intégration est particulièrement réussie comparé à d’autres modèles. Cet « oeil » de la moto vers l’avant sert premièrement pour le régulateur de vitesse qui maintient la distance avec le véhicule suivi. Cependant Yamaha a imaginé des fonctions supplémentaires à cet outil.
Par exemple, lorsque l’on roule derrière un véhicule plus lent que la vitesse souhaitée. Une fois le clignotant enclenché pour dépasser, la moto réduira son écart en accélérant pour faciliter le passage. Les concurrents le font aussi. Par contre, ici la moto est également capable de mesurer à quelle vitesse on approche d’un obstacle en freinant. Et si la moto défini qu’elle peut freiner plus fort en combinant les freins avant et arrière, elle augmentera la pression de freinage.
Maîtres mots : confiance et confort
Pour remplir cette mission, chère à Yamaha pour ses modèles Sport Touring, quelques adaptations ont été faites. Si le saute-vent, large et réglable en hauteur, est le même que pour la Tracer 9 GT, la selle est améliorée avec un nouveau rembourrage et une nouvelle forme pour plus de confort. Après une journée passée dessus sur plus de 200 km, je peux dire qu’elle remplit parfaitement sa mission. Dès le début on est bien installé et même un pilote de grande taille peut être bien accueilli puisque l’on peut la réhausser (1m85 et je ne l’ai pas fait!). Avec les poignées chauffantes, le nécessaire pour assurer le confort est bien présent.
Mais pour la confiance ? C’est l’ensemble de la moto qui doit être harmonieuse et inspirer la confiance. Là aussi contrat rempli. Dès les premiers kilomètres, la Tracer 9 GT+ est facile à prendre en main. Son guidon est approché du pilote par de longs pontets fixés au T de fourche supérieur. Le résultat est une position de conduite assez centrale sur la moto, tout en ayant un angle de chasse peu ouvert ce qui privilégie la réactivité de la direction. Malheureusement, nous n’avons pratiquement pas roulé en trajet urbain. Donc difficile de juger sa capacité à se frayer un chemin dans un bouchon.
Notre test débute par des axes ruraux de Sardaigne, dans les plaines du centre de l’île avant de rejoindre des routes de montagne touristiques et sinueuses à souhait. Mes 1m85, s’installent très bien derrière le pare-brise en position haute pour cruiser le temps de rejoindre les hauteurs.
Yamaha a rationnalisé les modes de conduite, trop de paramètres étaient à régler auparavant. Avec Street, Sport et Rain, on règle vite l’ensemble des 5 aides à disposition. Sur Custom on peut s’amuser à tout faire sur mesure. Il fait un temps superbe, je n’ai pas du tout essayé le mode Rain et ai commencé en Street.
On trouve le début des routes sinueuses et notre ouvreur imprime un rythme plutôt touristique. Idéal pour la courbe moteur n°2, plus douce mais pas moins puissante. Le reste est aussi au niveau 2 : traction control, slide control et wheelie control. Il y a aussi la suspension semi-active qui est réglée pour privilégier le confort avec un amortissement plus souple qui filtre bien l’irrégularité de la route.
Le shooting photo et vidéoa lieu au sommet du Monte su Nercone, en mouvement derrière une voiture. Pendant que le groupe qui nous précède est à l’œuvre, on assiste à la scène typique de l’île : l’envahissement de la route par un troupeau de chèvres. Quand on roule dans cette région, il faut y être préparé. Ce genre de surprise peut en effet nous attende à la sortie de chaque virage.
Le début du second versant est plus roulant avec de grandes courbes qui passent sous plusieurs galeries. On place la moto sur l’angle et elle suit paisiblement son chemin sans être perturbée par les bosses ou les joints de dilatation des quelques ponts.
L’ordre des pilotes derrière le guide change et la moyenne de vitesse grimpe un peu. On sollicite davantage les freins et le comportement routier des suspensions montre les mouvements classiques de plongée d’une suspension plus souple que la normale et au fonctionnement 100% mécanique.
Pour suivre, autant opter pour le mode Sport pour la suite de la route. La Tracer 9 GT+ devient plus vive, les aides au pilotage interviennent plus tard et surtout la suspension devient plus raide quand l’électronique le juge nécessaire. Elle est même liée au régulateur de vitesse, si on l’active alors qu’on est en mode Sport : les solénoïdes assouplissent automatiquement fourche et amortisseur.
Lors d’un intermède autoroutier, on explore chaque fonction du Adaptative Cruise Control. Il suffit simplement de maintenir 1 à 2 secondes d’écart avec le véhicule devant nous, soit avec du frein moteur, soit en actionnant les freins, mais jamais en excédant les 0.3G de ralentissement. Puis on remarque qu’en courbe, la vitesse ne varie pas pour assurer la sécurité. Enfin, on a testé le Radar Linked Unified Braking System. En s’approchant lancé du pilote devant et en freinant timidement, on sent la moto freiner d’elle-même des deux roues et éviter de s’approcher trop près. Bluffant de précision et de réactivité.
Ce qui m’avait déjà séduit sur la MT-09 2021, c’était son agilité sur les changements d’angle. Grâce aux jantes spin forged, les masses non-suspendues sont réduites pour un coût raisonnable, comparativement à des jantes forgées ou en carbone. La Tracer a reçu ces mêmes jantes. Grâce au guidon plus large, la position plus haute, on en profite pleinement. On dompte la japonaise du regard, si on y met le haut du corps, elle répond encore plus vite.
Dans la dernière partie de l’essai, la plus sinueuse, l’ordre des pilotes a changé une dernière fois. Maintenant 3e derrière un confrère et le guide, celui-ci voit qu’on est à l’aise et pousse un peu plus loin le curseur. Bien loin de la balade touristique du départ, on puise dans le potentiel du CP3 pour maintenir l’allure élevée.
Lorsque l’on roule ainsi, le quickshifter est en usage intensif. Yamaha a revu sa copie quant à son utilisation. Par le passé, ils bridaient son activation aux phases d’accélération pour monter et en phase de freinage lors des descentes. Reste que dans la vie réelle, les pilotes essuyaient quelques refus de changement de rapports, ce qui a poussé le constructeur à une mise à jour.
Imaginez-vous entrer rapidement dans une localité, haut dans les tours en 2ème : on va freiner et en même temps passer en 3ème pour calmer le régime moteur. Avant le QSS ne le permettait pas, c’est maintenant corrigé. Yamaha maîtrise de mieux en mieux le sujet. La précision du shifter en descente reste malgré tout encore perfectible.
Dans ces circonstances, les freins ont aussi eu fort à faire. L’excellent feeling du levier actionnant le maître-cylindre radial reste consistant au fil de la journée. Et sur toute la période où l’on roulait le plus fort, il n’a pas changé. Les disques de ø 298mm encaissent bien les assauts de la pompe de frein de R1. Les pneus, des Bridgestone T32, ne bronchent pas non plus et contribuent au sentiment de confiance.
Si vous êtes de ceux qui utilisent volontiers le frein arrière, son diamètre a été majoré à 267mm. Une nécessité pour une moto appelée à voyager chargée et qui invite à user de tout le potentiel de son moteur. Comme les autres aides au pilotage, l’ABS sur l’angle s’est, à mon sens, fait très discret. Aucune idée s’il est intervenu mais fort à parier qu’il veillait au grain.
Arrivés à destination, une odeur de gomme et de freins chauds monte jusque dans mon casque. C’est le parfum d’une bonne journée sur la selle d’une moto formidable.
Peut-elle s’imposer ?
Avec « seulement » 890 cm3, on se pose la question si cette Sport Touring est armée pour affronter des moulins plus gros. Force est de constater qu’en termes d’agrément de conduite, Yamaha a rendu une copie très convaincante. Avec une centralisation des masses efficace, un poids maîtrisé et un équipement très complet sans devoir y ajouter le moindre accessoire : la Tracer 9 GT+ risque fort de séduire le client Suisse.
Celui-ci étant féru de « quitte à changer, autant prendre le full option », les unités allouées au territoire devraient vite être attribuées. Affichée à CHF 17’190.-, et une fois calculé le coût des valises et poignées chauffantes sur un autre modèle, on se rend vite compte que le tarif est très compétitif.
Mon plus gros reproche, c’est le niveau sonore ressenti à guidon. Le son de l’échappement est baissé au maximum pour ne pas constituer un obstacle aux routes du Tirol autrichien (< 95dB), mais en même temps, le principe du fort son d’admission pour le pilote est maintenu du roadster MT-09 au Sport Touring. Je roule habituellement avec des protections spécifiques -18dB, et pourtant j’ai trouvé le son presque assourdissant. Pour rouler longtemps, c’est ce qui pourrait devenir, à la longue, fatiguant.
GALERIE
BILAN
ON A AIMÉ :
Allonge qui semble infinie
Freinage très efficace
Gestion électronique de l'amortissement convaincante
Radar pour l'ACC utilisé à d'autres fins
ON A MOINS AIMÉ :
Shifter abrupte en descente
Bruit trop présent à bord
Selle plutôt rude