
« Chicara s'est tellement consacré à ses motos qu'il a perdu sa famille et ses amis. » La brève description d'Eléonor Picciotto, chargée des relations publiques à la M.A.D Gallery, suffit à appréhender le personnage de Chicara Nagata. Un artiste pur et dur, qui consacre sa vie à son travail. Et quel travail!
Des cheveux gris tirés en queue de cheval, des yeux sérieux cachés derrière des lunettes rondes, une chemise noire et un pantalon à motif écossais. Chicara Nagata, grahiste de formation, porte bien ses cinquante ans. Depuis 20 ans, il construit des motos. Des pièces uniques, bâties autour de vieux moteurs japonais ou américains. Pour un résultat fascinant de beauté, de précision et d'inventivité. Jouant sur les matériaux, poussant à l'extrême le mélange entre fonction et esthétique, l'artiste japonais réalise un travail qu'on apprécie tant de manière globale que dans le détail. L'utilisation et le travail de différents matériaux sont poussés à l'extrême et l'on s'attarderait des heures sur chaque modèle exposé à la galerie.
Surtout quand Chicara Nagata lui-même nous décrit la façon dont il a assemblée telle ou telle partie de sa machine. Avec un regard pétillant et un énorme sourire, il détaillera avec nous quelques éléments de ses créations. De quoi nous faire aussi sourire comme des déments, à l'idée du nombre d'heures passées sur un système de béquille, dont le ressort monté à la verticale fonctionne comme celui d'une fourche avant. Ou un disque de frein arrière, qui fait également office de couronne. On vous laisse imaginer une machine à 370'000 francs freiner grâce à un système aussi... inédit?
Parce qu'une moto doit rester une moto, toutes les créations de Chicara Nagata peuvent démarrer et rouler une fois conditionnées. L'homme ne désespère d'ailleurs pas d'homologuer son dernier projet en cours, le quatorzième, dans son Japon natal. Bon, à l'idée de faire rouler de tels chefs-d'oeuvre, surtout à 370'000 francs le plus gros morceau, c'est vrai qu'on se sent tout petit. J'aurai d'ailleurs un petit frisson en enjambant « CHICARA ART ONE », lorsque Nagata m'a invité à m'asseoir sur sa machine le temps d'une photo. Croyez-le ou pas, j'étais bien assis! Et Chicara nous a fièrement fait noter la teinte de la tubulure d'échappement de sa machine, preuve que l'engin a tourné et roulé, même plutôt bien selon son créateur!
Surplomber ainsi plusieurs milliers d'heures de travail, enfourcher un aussi parfait assemblage de métaux, sans considérer la vulgaire valeur financière du tout, c'était un sacré moment. Si les peintures ou quelques sculptures ne parlent pas forcément à beaucoup, force est de constater que l'art peut émouvoir. Chicara Nagata consacre sa vie à sa passion motocycliste, lui qui a failli la perdre après un accident à l'âge de 16 ans. Il a donc choisi de se donner corps et âme à son art, et cela se ressent lorsqu'il se penche sur ses oeuvres: Chicara a le même regard qu'un ado devant sa première mobylette! On a rencontré un véritable artiste de la moto, guidé par sa passion. Tiens, finalement, il n'est pas si différent de vous et moi!
AcidMoto: Depuis combien de temps fabriquez-vous des motos?
Chicara Nagata: Depuis 19 ans maintenant. Je voulais dessiner et réaliser ma propre moto, totalement différente des autres.
Quel était votre première réalisation?
C'était un projet basé sur un moteur Harley-Davidson de 1942. Je ne travaille qu'avec des moteurs vintage.
Quelle est la partie la plus difficile de vos réalisations?
Je travaille souvent un grand nombre d'heures sur les roues et les systèmes de freinage. Tout ce qui est relié à la sécurité est très important dans mes réalisations.
Un confrère: pourquoi avoir construit une moto si petite? (CHICARA ART IV, basée sur un moteur de mobylette Honda de 1966, ndr.)
Un ami mangaka (dessinateur de BD, au Japon, ndr.) m'a dit: « Tout le monde travaille sur des gros moteurs. J'aimerais voir comment tu fabriques une très petite moto. »
N'hésitez pas à vous rendre à la galerie pour admirer le travail de Chicara Nagata! Plus d'informations sur leur site ou sur leur page Facebook.