
En lisant leur blog et découvrant les (magnifiques) clichés, la fabrique à souvenirs s’est (r)allumée, me renvoyant illico vers mes premiers émois motocyclistes…
Retour vers le futur.
Premier flashback. La couverture de Moto Journal, en ce 2 Novembre 1991, sur laquelle on voyait le journaliste Eric Maurice en position de recherche de vitesse et qui titrait « Honda NR 750. Un plaisir plus cérébral que sensuel ». En poursuivant la lecture, on se retrouvait ensuite avec un « Une certaine idée de la perfection » dans les pages intérieures…
Second flashback. Porte de Versailles, Salon des Deux-Roues 1992. Déjà ! Pourtant je m’en souviens encore de façon très précise, comme si c’était hier. Un samedi matin, dès l’ouverture, un photographe officiait déjà, les flashes crépitaient de mille feux et j'étais dans cette foule qui se massait impatiemment tout autour de la vedette pour se faire tirer le portrait avec elle (sur elle…). Une robe rouge éclatante, que soulignent de rares portions non peintes (juste vernies), laissant la trame de fibres de carbone apparente, et des formes sculptées par les vents qui dévoilent des courbes sensationnelles (sensuelles ??) et des galbes époustouflants. Un design superlatif…
Dès sa sortie en 1992, la Honda NR750 (« RC40 ») est instantanément devenue une icône. Belle et raffinée. Technologique et inaccessible. Produite en tout et pour tout à 322 exemplaires de 1992 à 1994 au prix de 57'000 euros de l’époque (un bel exemplaire se négocie aujourd'hui au double de cette valeur), la NR est une moto unique, le summum de technologie et de sophistication. Et aujourd’hui encore, sa silhouette est toujours d’actualité et rares sont les motos qui peuvent prétendre à mettre en avant autant d’innovations. En effet, sa fiche technique ressemble à une orgie de ce que la technologie pouvait offrir de mieux ; 222.5 kg à sec de technologies et de matériaux nobles enserrant un V4 de 130 chevaux, avec 4 pistons ovales qui avionnent jusqu’à 15'000 tours/min (!), 8 bielles, 32 soupapes, allumage piloté et injection électronique – un V8 dans un V4... Sa partie cycle n’est pas en reste et les matériaux employés complètent cette panoplie d’exception avec un châssis tout alu (monobras et cadre poutre d’aluminium) et l’emploi massif de matériaux exotiques tels que titane, magnésium (jantes notamment) et fibres de carbone renforce ce côté « vitrine technologique » de la marque ailée. Le tout enveloppé dans un écrin à la finition tout juste ahurissante (vu le carénage carbone de la béquille latérale? vue la grille de l'écope latérale fixée par deux vis en titane?). Et inspirant même les plus illustres au passage. Ainsi, Massimo Tamburini, « père » des Ducati 916 (présentée à Milan en 1993) et MV Agusta F4 (1997) et maître parmi les maîtres, a même révélé avoir été inspiré par la NR, notamment par les pots sous la selle, au moment de finaliser le design de la 916…
La Honda NR750 a été conçue avant tout comme une moto de route, même si c’est la descendante et la dernière d’une lignée de moto de course à pistons ovales (le terme exact est "oblong") qui a débuté en 1978 avec la NR 500 de Grands Prix. Une lignée qui n'a jamais percé ni convaincu: ce fut le seul 4 temps au milieu d’une meute de 2T et elle ne fut jamais compétitive et finit même par être surnommée la « Never Ready ». Une aïeule a cependant marqué les esprits et traversé le paysage de la course telle une comète flamboyante: la NR750 a en effet participé aux 24h du Mans en 1987 aux mains des journalistes Gilbert Roy et Ken Nemoto, et le multiple champion australien de Superbike, Malcolm Campbell y décrocha même le deuxième temps des essais. Et puis il y eut aussi ces records en 1993 lorsque Loris Capirossi (alors pilote de Grand Prix 500) battit plusieurs records du monde sur l'anneau de vitesse de Nardo (Italie). Il pilotait pour l’occasion une version spéciale, « optimisée » à 155 chevaux et allégée à 180 kg. Ces records portaient sur : kilomètre départ lancé (299,825 km/h), mile départ lancé (299,788 km/h), mile départ arrêté (221,219 km/h), 10 Kilomètres départ arrêté (283,851 km/h). Des chiffres assez communs de nos jours, mais rappelons-nous, c’était il y a plus de vingt-cinq ans. C’était une tout autre époque, une période de bulle technologique. Il y avait de l’argent et des programmes de développement. « Juste » montrer au monde le savoir-faire des ingénieurs, et la maîtrise technologique de la marque.
En 1992 aussi, une certaine Honda CBR900 Fireblade est sortie - Un modèle fracassant, avec la suite et une carrière que l'on connaît. Et la NR750 ne connut point d’autres développements mais restera à jamais une vitrine technologique, une pièce d’orfèvrerie mécanique, commise par le courage et la détermination des ingénieurs de Honda.
Aujourd’hui, la Honda NR750 fait partie de mon panthéon des motos mythiques, aux côtés de la Ducati 916 et de la Honda RC30.