
Le Stars’n’Bar, Monaco, 14h15, 30 degrés. J’attends, dans ma combinaison, devant 3 bagnoles criardes. Les badauds et les nantis ouvrent des yeux ronds. Moi aussi. Un gamin pouffe en passant, l’air mesquin. Ce que je fais là ? On m’envoie découvrir les similitudes entre la Civic Type R et sa cousine à deux-roues, la Fireblade.
Premier point commun : on a tout aussi chaud en combi’ cuir devant une Civic qu’une CBR. Mon t-shirt se fait désirer, tout comme l’habitacle climatisé des voitures exposées sur la place. L’idée d’emprunter une clé pour en profiter ne m’effleure pas l’esprit. Je sue, mais je bave aussi. A peine 3 minutes que je suis devant et cette caisse digne de Fast & Furious me fait déjà de l’effet ?
Il faut dire que le physique de la « compacte » Honda a de quoi dérouter. Une ligne futuriste et tranchée, un rien étrange, bodybuildée par un travail sur l’aérodynamique conséquent. De la bouche même de Lionel Zimmer, Communication Manager chez Honda Suisse, la voiture a été redessinée d’abord pour offrir la meilleure aérodynamique possible. Et ça en jette ! Ailes élargies, pare-chocs affûtés, déflecteurs ajoutés sur l’arrière du toit et, bien sûr, l’inmanquable spoiler rivé sur le hayon. L’ensemble ferait mouiller le slip d’un ado comme sa première prépa’ dans Need For Speed et rébuterait le premier esthète venu. Un peu entre les deux, je me réjouis quand-même : dans 15 minutes, je roule dans cet OVNI.
Quand-même, les caractéristiques de l’engin font plaisir ! Le 4 cylindres de 2 litres, avec le fameux système V-TEC (connu depuis longtemps sur les VFR) et un turbo, propose la bagatelle de 320 chevaux pour 400Nm de couple. Ça va. L’empattement augmenté par rapport à la version de base, l’ajout de suspensions plus performantes, un châssis plus léger et rigide ainsi que des jantes de 19 pouces chaussées de pneus sport vont permettre d’exploiter ces belles perfs en toute quiétude.
Si la boîte manuelle, à contre-pied de la concurrence mais tellement plus noble, peut faire vieillotte, elle est équipée d’un système d’aide au passage des rapports. En descendant les vitesses, la Civic place un coup de gaz au passage du point mort, évitant le fastidieux travail de talon-pointe, cher aux pilotes sportifs.
Point commun avec la CBR et les motos sportives actuelles : l’électronique. Trois modes de conduite, Confort, Sport et +R, sont gérés par un petit poussoir à côté du levier de vitesse. Chaque mode agit sur le comportement moteur, mais aussi la dureté des suspensions et de la direction. Systèmes que l'on retrouve sur les machines les plus abouties, sur deux roues aussi.
On ajoute à ces modes un anti-patinage, un ABS plutôt sportif et la multitude de gadgets bien pratiques, comme le GPS intégré et la caméra de recul, et on obtient un package plutôt très chouette, pour un prix de 39'900 CHF en version de base ! Pas si cher, l’engin, surtout comparé à la concurrence. La facilité de prise en main, chère à Honda, va être sacrément aidée par tous ces artifices. Mais assez parlé, nous sommes invités à prendre le volant et profiter de la bêbête. Destination : le Castellet ! ‘faut que je me change…
En jeans et baskets, je prends place dans le siège passager, confortable et au très bon maintien. Mon énorme sac moto a pris place sans problème dans le coffre, avec les affaires de mon co-équipier du jour. Au volant, Jean-Claude Schertenleib, journaliste spécialiste des Grand-Prix depuis 33 ans, mais surtout pilote de rallye dans ses plus jeunes années, démarre la bête.
La sonorité, sportive mais pas envahissante, fait son petit effet. L’allure de bête de course de l’engin aussi. En serpentant pour sortir de l’imbroglio routier monégasque, les passants tournent le regard vers la Civic, curieux de savoir quel est cet étrange engin. L’autoroute nous tend rapidement les bras et on profite du mode Confort, mais surtout des accélérations surprenantes de la machine. Cheveux au vent (la clim’, quoi la clim’ ?), on cause tranquille et on apprécie l’excellent comportement de la voiture. Un jeune kéké en Clio GT, casquette fluo vissée sur la tête et accessoires bling-bling bien en vue, nous salue avec enthousiasme. Ouais… bon. Assumons.
Sortis de l’autoroute, Jean-Claude me passe le volant et on attaque de petites routes tout à fait plaisantes. Rivée au sol, la Type R fait merveille. Malgré un rythme de plus en plus soutenu et des accélérations fulgurantes lorsque le turbo s’enclenche, aucun signe de sous-virage. Les freins semblent surpuissants pour un usage routier, alors que la vivacité du châssis surprend dans les enchaînements : la voiture change de direction d’un bloc, presque brutalement, sans dévier d’un pouce de sa trajectoire. Brillant !
A nouveau derrière le volant, Jean-Claude fait étal de ses réflexes de rallyeman… la Civic donne tout, dans des trajectoires improbables pour un conducteur quasi-lambda tel que moi. C’est très sale et très efficace, j’en ricane et en frissonne : il envoie, le gars ! On est presque déçus par le système mis en place par Honda sur l’échappement : par un travail sur la résonnance, il limite les émissions sonores à hauts-régimes. Il n’y a qu’eux pour mettre 320 chevaux dans une Civic et limiter le bruit à l’échappement. Les ingénieurs de Honda sont vraiment fêlés.
Après une soirée très agréable, un ciel gris nous accompagne vers le Driving Center. Café, croissants, briefing et départ pour une session découverte au volant de la Type R ! Pour l’occasion, les voitures sont chaussées de jantes 18 pouces et de pneus adaptés au circuit. Chaque pilote se voit confié à un coach et William David, poleman aux 24 Heures du Mans 1995, prend place dans mon siège passager. Rien que ça ! Dans la bonne humeur et immédiatement bien orienté par ses consignes, j’assimile rapidement la piste. Le rythme augmente à chaque session, les sensations aussi. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a la place pour 3 coachs de plus derrière. Imaginez la rentabilité des 15 minutes de session !
Sur piste sèche, le mode +R prend tout son sens : la direction plus dure et réactive permet d’ajuster sa traj’ sans trop braquer, alors que la réponse des gaz permet des sorties de courbe canons. La boîte fonctionne à merveille et j’apprécie de ne pas devoir jongler avec le talon-pointe, me concentrant sur les points de freinage et déclenchement. Quelle éclate ! Jamais je n’aurais pensé prendre autant de plaisir derrière un volant, même étant un amateur de la chose automobile. Les sensations offertes par le circuit et la Honda sont incroyables. J’ai même tiré tout droit sans tomber ! La classe !
Si les gouttes de pluie se mêlent de nouveau à la matinée, pendant qu’on tourne en rond, le staff Honda s’affaire en bord de piste. Elle est là ! La CBR 1000 RR que j’attends depuis que j’ai mis un pied dans l’avion, patiente sous ses couvertures. La piste tarde à sécher et n’arrange pas l’affaire, je m’équipe en trépignant et avec beaucoup d’optimisme. 30 minutes plus tard, la pluie a cessé et la piste va vers le mieux : on va pouvoir y aller.
Le programme au guidon est simple : quelques tours du Driving Center pour prendre la mesure du grip et des trajectoires, puis passage au stand pour repartir devant une Civic Type R pour les photos. Découvrir un tracé, une machine et préserver l’honneur d’AcidMoto en proposant un style et des temps relativement corrects… avec le regard lourd d’appréhension du staff, qui a besoin de la moto pour ce weekend. Qu’est-ce qu’on attend ?! Gaaaaaz !
Après un tour en mode 1, réglé pour la pluie, je switche sur le 2, tant le grip du circuit est correct malgré quelques traces d’humidité. La réponse du 4 cylindres s’en voit enfin digne de ce nom, même si le contrôle reste total. Bluffé par la douceur du moteur, j’en rate presque mon repère de freinage avant un gauche à 90°… heureusement, la CBR a des freins. Et quels freins ! La fourche se comprime légèrement, le pneu avant reste rivé au sol pendant que je tombe 2 rapports et plonge à la corde comme si de rien n’était. Magique ! Le casque au-dessus des gravillons dans le droite qui suit, coude au ras du sol, je jubile. Comme à l’accoutumée, la CBR 1000 donne l’impression qu’on la roule depuis 13 ans. Son caractère conciliant et neutre me donne l’impression que la machine s’adapte à tous mes désirs, virage par virage. Heureusement, car le petit Driving Center tournicote sévère et emmener un 1000 est loin d’être évident.
La petite chicane signalée par des cônes pour le roulage des voitures, au bout de la « ligne droite » des stands, permet un changement d’angle en plein sur une bosse, gaz à fond. Les sensations sont bien loin de celles ressenties dans la Civic, qui gomme évidemment mieux les irrégularités de la piste. Pourtant, la CBR permet d’attaquer sereinement et incite à jouer sur ce petit tourniquet ! Agile et très stable, elle partage ces qualités avec sa cousine à quatre roues. Après cinq tours allant crescendo, je me décide à complaire aux exigences du planning et entre, penaud, dans la voie des stands.
La séance de tracking qui s’ensuit, devant puis derrière la Civic, conduite par l’un des coachs du circuit, ajoutera deux tours à mon expérience sur la CBR. Si le rythme est évidemment réduit, le plaisir de rouler côte à côte avec une voiture est grisant. En enfants très sages et le timing étant trop court, nous resterons derrière le photographe et éviterons l’arsouille.
Après deux jours passés derrière le volant de la Type R, impossible de bouder mon plaisir. N’étant presque jamais de mauvaise foi (si, si…), je n’ai pas tenté de chercher la petite bête et à « pourrir » une auto juste parce que deux roues valent mieux que quatre.
Parce que, certes affichée à environ CHF 40'000.-, la Civic Type R n’a rien à envier à une CBR 1000 RR niveau capacité sportives et sensations. Un engin taillé pour la vitesse, qui fait plaisir à son pilote… et qui emmène plus de passagers ! Si les atouts de la Civic m’ont clairement impressionné, c’est surtout la « patte » Honda, très perceptible, qui m’a bluffé. La Civic Type R est une Honda, comme la CBR 1000 RR. Et ça se sent. On le perçoit.
Cette façon de se montrer aussi facile que si on la connaissant depuis 10 ans, cette « douceur » dans la façon de délivrer la puissance moteur, cet art de donner ce dont il a besoin au pilote, selon ses désirs. Qu’un constructeur parvienne à faire ressentir sa philosophie à travers deux types de véhicule m’inspire un grand respect et surtout une certitude : qu’importe le nombre de roues, si on veut s’amuser, il suffit d’un moteur.
Mais j’avoue, quand-même, que je n’ai pas été aussi joyeux durant ces deux journées que pendant la poignée de tours passés au guidon de la CBR, sur un petit circuit, sous quelques gouttes de pluie. Chacun son truc !