Immédiatement, Steve me demande si je serais dispo pour l’accompagner, histoire de lui tenir compagnie voire m’occuper de quelques babioles. Il m’annonce que je ne serai pas seul pour filer un coup de main au team AcidMoto. C’est sans hésitation que j’accepte, car je me souviens d’une sortie au circuit de Magny-Cours Club où il m’avait accompagné et aidé, sans avoir pu rouler.
Les semaines s’écoulent et je sens Steve monter en stress. Normal, car le circuit de Magny-Cours F1 et lui, ils ont quelques comptes à régler...
Lundi 21 juillet, je fais la rencontre de Marc, lors d’une soirée grillades chez Steve, afin de mettre au point les derniers détails de ce défi qui s’annonce palpitant. C’est là qu’on m’annonce que finalement, je serais le seul à les accompagner et pour leur prêter main-forte. Là je me dis : "Oh là là... Moi et mes cinq pouces par main, comment vais-je faire pour changer des pneus, des roues, faire de la mécanique...". Tant pis, mon engagement a été pris, une parole est une parole d’honneur, je viendrais et je ferais de mon mieux.
Jeudi 24 juillet, nous nous retrouvons chez Marc. Après avoir chargé à bloc le fourgon, nous prenons la route. D’un côté, Marc est détendu. De l’autre côté, Steve est stressé à mort ! Et moi dans mon coin qui me dit qu’il y a deux ans, je n’osais même pas enlever la moindre pièce de carénage de ma Kawette ! C’est ainsi que se déroule le trajet, de questionnement en questionnement.
Arrivé sur le paddock, nous faisons la connaissance du team des "Ducat’Boys" et partageons les 20m2 du box avec eux. Une ambiance festive règne dans notre box, des plaisanteries fusent de part et d’autre, bestial !
Après une courte nuit, nous voici le jour des essais, des qualifs de jour et de nuit. Bref, une grosse journée qui s’annonce. Alors pour la commencer en beauté, rien de tel que trois tours de cette piste mythique : 20min, 19min et 18min... pas mal pour 13.2km à jeun. Faites gaffe les pistards, Zed et ses Asics sont là !
Un peu plus tard dans la journée, les essais commencent. Steve est tendu comme un string, contrairement à Marc qui affiche un air serein. Dès les premiers tours de piste de Steve, je jongle entre le panneautage et des prises de photos. Pour Steve, tout à l’air de bien se passer, il s’acclimate à cette magnifique monture.
Lorsqu’il termine sa session et qu’il échange avec Marc, je vois que Steve est aux anges. Je suis content qu’il ait de bonnes sensations. En quelques secondes, je fais le plein avant que Marc ne parte à son tour pour les essais. Une fois encore, je jongle entre photos et panneautage, histoire d’avoir des souvenirs de cet évènement magique.
Durant le vendredi après-midi, plusieurs essais auront lieu pour les pilotes du team AcidMoto. Soudainement, alors que selon mon chronomètre, Steve devait passer à l’instant devant moi, je ne le vois pas. Une, deux, dix, trente secondes et toujours rien. L’inquiétude se fait sentir et je présage le pire. Je n’aurais pas trop longtemps à attendre pour voir le fourgon rouge de la sécurité du circuit, s’arrêter devant le box n°20, devant notre box. Steve en descend dépité, un peu comme la S1000RR. Et merde, what the f*** ! Il nous explique ce qu’il s’est passé. Nous constatons les dégâts et estimons les réparations qu’il y a à faire sur la BMW. Ça roule... je me sors les pouces et je m’y mets. Les carénages sont virés pour pouvoir enlever tous les graviers qui s’y sont logés dans les moindres recoins. Le demi-guidon est tordu, mais là nous n’avons pas le temps de le changer. Un nouveau cale-pied, un check rapide et gaaaazzzz, car c’est l’heure des qualifications de jour !
Bref, durant toute cette fin de journée, je n’arrête plus entre le panneautage, les pleins d’essence, les changements de roues et les remplacements de pneus. A la fin de la journée, après que nos deux pilotes aient réussi les qualifications de nuit, je me surprends à avoir réussi sans mal à tenir mon rôle de mécano du team. Et en plus, je me dis que c’est plaisant, car mon job leur est primordial !
Samedi matin, les pilotes ont des séances de warm-up. Tout se passe bien, on se remet en confiance. En début d’après-midi, on décide de changer le demi-guidon, pour que les sensations de roulage ne soient pas trop biaisées. En quelques minutes, le tour est joué, yeeesss c’est bon !
L’après-midi, on se repose un peu histoire de recharger les batteries pour la course qui approche à grands pas !
Derniers contrôles des affaires, des jerricanes, du plein de la moto, changement de roues avant et arrière, des plaquettes avant et arrière, le tour est joué et la BMW est prête pour affronter les 500 Miles !
Marc m’annonce que je serais celui qui tiendra la moto sur la ligne de départ. Je suis honoré et flatté de pouvoir le faire. Tout le monde est équipé, Steve et Caroline sont partis dans les gradins. Marc part pour le tour de chauffe et moi je saute le muret pour me retrouver sur la piste afin de réceptionner Marc et la S1000RR.
Cette sensation d’être là au milieu, à tenir la moto et de voir courir les pilotes vers leurs machines, c’est de la science-fiction. Le départ est donné. Les quelques encouragements de voix sont instantanément couverts par la centaine de moteur qui se mettent à vrombir en même temps. J’ai la gaule...
Je débande très vite en courant entre le box et le muret pour panneauter Marc. Après 20 tours, je me prépare à le réceptionner pour faire le plein de la brèle. Steve est au taquet, il ne tient plus en place et son visage est un doux mélange d’appréhension et de joie. Un bisou sur son front et advienne que pourra, Frangin ! Lorsque Marc arrive, "tout le monde s'écarte" !! Eh oui, règlement oblige, je fais le plein en combinaison ignifuge marquée "Chipie" (certain-s-es comprendront...) et casque sur la tête.
Lorsque je vois Steve s’éloigner sur la moto, je me dis qu’il doit vivre un instant vraiment unique, qui va le marquer à jamais. Pas le temps de me plonger dans mes pensées : je rempli le jerricane et je cours sur mon muret pour panneauter Steve. Autant pour lui que pour Marc, les temps de passage sont réguliers, c’est cool la course se passe nickel !
Entre un croque-monsieur et un verre de Perrier, je change une roue à la BMW à un relai entre nos pilotes. Ensuite, je change le pneu le plus vite que je peux, car pas le choix ils ont besoin de moi.
Alors que le crépuscule a fait son apparition, une nouvelle fois je suis pris d’inquiétude car Steve ne repasse pas dans la ligne droite des stands dans ses temps de passage réguliers. Dix secondes, une minute et toujours pas de Steve. Bordel... ne me dites pas qu’il s’est foutu au tas !
Quelques minutes après, je vois Steve rentrer dans la Pitlane sur l’Acidbike, mais sans casque. 1012 choses se passent dans ma tête. Steve nous explique qu’il s’est fait percuter par un T-D-C qui lui a avoué arriver beaucoup trop vite. Mais quel espèce d’empafé !! Il n’aurait pas pu se coucher seul, au lieu de percuter Steve de la sorte ! Bref, des antisportifs comme heureusement, nous n’en croisons pas souvent.
Le verdict ne se fait pas attendre très longtemps. Araignée brisée, cale-pied cassé, commodo HS et réservoir qui tire la gueule, la fin des 500 Miles a sonné. Steve, furieux, s’éclipse pour aller débriefer dans son coin. J’essaie de lui apporter mon réconfort à ma manière. Mais bon... on connait tous l’amer goût de la déception, surtout quant il ne s’agit pas de notre faute. Marc aussi est déçu, tout comme moi. Mais ainsi va la vie de la compétition sportive.
On terminera la soirée à boire quelques verres, fêter l’arrivée, tant des "Ducat’Boys" que celle des vainqueurs que nous connaissons très bien, les frères Labarthe. Après un bon gueuleton, nous allons tous nous coucher, pour une dernière nuit dans les paddocks.
Dimanche, dur retour à la réalité. Après avoir rangé tout le matériel, on prend la route du retour à la maison. Si pour Marc et Steve, la sensation d’un vide se faisait ressentir, je peux affirmer que je partageais également cette émotion.
Ce weekend des 500 Miles m’a permis de faire la connaissance de Marc, un type généreux, drôle, sympathique, souriant ! Un pilote hors pair et un homme au top ! Il m’a également permis de resserrer encore plus les liens avec Steve, mon collègue, frère d’arme et de cœur ! Quant à moi, il m’a permis de constater une chose : je n’ai plus dix pouces aux mains...