Le doute n’a pas persisté longtemps : un coup d’œil sur nos bécanes, le temps de se dire qu’une Triumph Street Twin de 2016 et une BMW R100 CS de 1981 (préparée par Motomillésime pour l’occasion) devraient bien être capables de faire la route. Bon, on ne se voilera pas la face, les motos probablement, les pilotes un peu moins… Nous verrons bien !
C’est donc parti pour un Genève – Paris, Paris – Biarritz et Biarritz – Genève et c’est avec les Gentlemen GVA que l’on va vous emmener sur ces deux festivals !
Alors déjà, c’est où ? Et bien c’est au sud de Paris que cela se passe. Plus exactement à Linas-Montlhéry, sur l’autodrome du même nom – qui est maintenant classé patrimoine du XXe siècle – construit en 1924 avec des tonnes de bétons et d’acier et monté par 2000 ouvriers afin d’offrir un tracé particulier capable de faire prendre aux véhicules de très grandes vitesses. A l’époque, c’est vite une réussite, les records s’enchaînent...
C’est sur ce circuit que le magazine français "Café Racer Magazine" organise un festival offrant ainsi aux pilotes inscrits la possibilité de rouler sur six sessions pendant vingt minutes. Inutile de vous dire qu’il était hors de question de ne pas venir rouler et tenter d’accrocher le béton au plus haut des rampes, ce qui a été fait mais nous y reviendrons plus tard...
L’accès au week-end de roulage comprenait le camping, situé en plein milieu du circuit avec vue imprenable sur les courses. Pour ne rien vous cacher, quand on arrive face à ce... mur - qui est censé être un circuit - nous sommes dubitatifs, voir un peu inquiets mais nous ne sommes pas venu pour compter les cônes des chicanes alors on va tourner ces poignées de gaz et faire un sorte de prendre un grand pied !
Pour rouler sur l’anneau de Montlhéry, rien de bien compliqué, les vêtements de protections en cuir habituels, quelques vérifications techniques sur les motos et le briefing est déjà loin derrière nous. Nous roulons chacun dans une catégorie différente : moto de caractère pour moi (ou comment m’indiquer que ma prépa est, comment dire... indéfinissable ?) et Kiss’n Vroom pour Adriana. D’ailleurs, nous les interviewerons plus tard car elles sont à l’origine des sessions pour ladies, partagées cette année avec leurs homologues masculins, les Tricoteurs.
La première session démarre ; quelques jolies chicanes pour modérer l’allure de certains et faire en sorte que la piste soit amusante aussi pour les petites cylindrées. Et c’est la rampe qui progressivement vous donne deux choix : serrer les fesses, pisser de l’huile, rester en bas et rater son week-end ou respirer un grand coup, tirer tout droit à fond de troisième et viser les rambardes de sécurité tout en haut. Sachant que je n’ai pas envie de rater mon week-end le choix est vite fait !
Chicanes, grosses accélérations pour remonter, puis circuit plat et plus classique pour se détendre avant la fin du premier tour et c‘est comme cela pendant vingt minutes. Entre vous et moi, si vous n’avez pas fait cet anneau, vous n’avez rien fait. C’est comme poser votre moto sur un rail de grand huit et tirer les gaz un grand coup !
Durant les deux derniers tours, on s’amuse à se taquiner en virage et en ligne droite avec une petite Suzuki T500, je me dis que je vais retrouver son propriétaire et lui poser quelques questions. Frère d’arme sur un circuit plein de bosses qui date de 1924, cela se partage. C’est chose faite une fois revenu au camping et c’est dans l’interview ci-dessous.
Didier Leblond a 62 ans, et à 18 ans, il rêvait d’imiter les pilotes de son époque, notamment les Bol d’Or 68 et 69, sur ce même circuit. Sur le tard, il se met à la moto ancienne après un passage dans le cross et le trial. Sa retraite lui permet de venir en découdre sur ces circuits. Il dit lui même réaliser ses rêves avec 45 ans de retard. Sa moto vient des États-Unis et n’a jamais été importée en France. C’est un achat récent qui remplace sa T250 qu’il a eu une paire d’années. Il la regrette un peu, cette 250, mais elle manquait de puissance. Pour lui, c’est un retour aux sources car il possédait une GT 250 quand il avait 20 ans. C’est la première fois qu’il vient rouler sur ce festival - c’est un habitué du "Dijon-Prenois" et des festivals motos plus classiques. C'est assez difficile de trouver des circuits acceptant ce type de machine et même si les cylindrées sont disparates, cet anneau permet de prendre beaucoup de plaisir avec ce type de vieille machine.
Vient le moment de défendre les couleurs nationales, le Café Racer Festival se trouve être cette année une étape de la course de départs arrêtés des Sultans of Sprint, organisée par Sébastien Lorentz de Lucky Cats Garage. Nous les avions déjà suivi lors de notre précèdent article sur l’Iron Bikers et en sommes sensibles car nos compatriotes des Speed Guns Shop, de Rapperswil, ont engagé une moto et y courent cette saison avec l’appui très important d’Indian Motorcycle. Nous les visiterons et interviewerons bientôt et reviendrons sur leur palmarès, qui ne cesse de grandir dans le monde de la prépa.
Adriana, qui a elle aussi vaillamment poussé sa Triumph Street Twin au sommet de l’anneau, nous revient - appareil photo sous le bras - fière comme un paon (et elle a bien raison) pour que nous rencontrions les deux fondatrices des Kiss’n Vroom, Clara et Camille.
Les Kiss’n Vroom sont deux sacrées nanas, qui se sont rencontrées il y a trois ans à la Distinguished Gentleman’s Ride, et dont les centres d’intérêts croisés leur ont donnée envie d’écrire sur le monde de la moto. Ce n’est pas spécialement à destination des filles mais c’est le point de vue de filles qui roulent (elles insistent sur le fait qu’elles ne sont pas des "poseuses" mais bien des rideuses). A l’époque, peu de supports leur donnaient la parole, la mode du néo-retro commençait à prendre ses marques. Qu’à cela ne tiennent, Clara et Camille mettent en place un blog où, profitant de leurs capacités réciproques (photographie et écriture), elles donnent leurs points de vue, leurs coups de cœurs et leurs coups de gueule sur notre monde. A lire et à relire, et surtout une belle porte d’entrée pour les filles qui ont envie de pénétrer dans ce monde parfois opaque qu’est celui de la moto.
Décidément que du beau monde sur ce festival et comme j’aime le préciser, ici cela ne pose pas, cela roule ; et le look, croyez-moi, n’est pas inversement proportionnel à la qualité de pilotage. On finit à peine avec cette interview que l’ont me présente Sandrine, membre des Tricoteurs, qui revient de 7'000 kilomètres de traversée de l’Inde au guidon de sa Royal Enfield (je sais, c’est un peu téléphoné, mais c’est une bécane que tout indien sait réparer juste après avoir appris à marcher et les pièces neuves se trouvent même dans les poubelles). Sacrée bout de nana au caractère bien trempé !
Sandrine, l’Inde, elle l’a déjà fait trois fois, pour un kilométrage total de 17'000 bornes. Son premier voyage était au départ de Goa, pour rejoindre l’Himalaya. Jeune motarde à l’époque, elle se sépare de son compagnon de route - un peu trop envahissant pour elle - et part cette fois-ci à l’aventure. Son voyage a vraiment commencé à partir de ce moment-là, direction le Madhya Pradesh jusqu’à Dharamsala - qui sont les contreforts de l’Himalaya - avec une fin de ride vers la Chine. Un premier périple qu’elle juge de "costaud" et on l’a croit ! Par la suite elle y retourne deux fois pour faire le Cachemire et le Ladakh. Des boucles de 3'500 kilomètres avec trois cols à plus de 5'000 mètres. Pour elle, c’est plus histoire de mental et de challenge que des capacités techniques, bien qu’elle ne recommande pas les montagnes en solo, la traversée des vallées restant plutôt quelque chose à la portée du grand nombre selon son expérience. Elle ne s’arrêtera bien sûr pas là, l’Amérique du sud et plus précisément, la route qu’Ernesto "Che" Guevara à suivit en moto - et brillamment illustré dans le film "Carnets de voyage" de Walter Sellers - étant son prochain challenge. On lui souhaite le meilleur dans ses magnifiques aventures. -
Le week-end se passent sous un temps magnifique, les sessions s’enchaînent et c’est un pur bonheur. Pas beaucoup de casse, une organisation très sérieuse, ce circuit est suivit de près par les organismes officiels et le moindre petit écart est "gentiment" sanctionné. Du côté des stands, cette année, se trouve être particulièrement rempli. L’offre est importante, les préparateurs présents - on retrouvera notamment l’Atelier Chathokine que nous avons suivi durant le Wheels & Waves et qui y gagnera la course El Rollo.
Mon coup de cœur (sans aucune promo car à ce moment-là, je n’arborais aucun vêtement me liant à la presse mais j’engloutissais plutôt un excellent hot-dog tel le visiteur lambda) revient à Helston, le fabricant français de cuir, qui m’interpelle sur l’état moribond du mien et me propose un service après vente. Un service après vente ?! Que vont-ils faire à mon cuir : en découper les bouts, le brûler car il a trop roulé ? Et bien non, sur le stand, c'est le fondateur et patron de la marque, Kamil Kabi, qui vous débarrasse de votre cuir ce qui, vu la chaleur, m’arrangeait bien et lui redonne un coup de jeunesse gratuitement, quel que soit l’état ou l’âge de celui-ci. Là, chapeau…
Pour conclure, je dirai que de nouveau, le monde que l’ont pourrait penser assez fermé de la custom culture et de la prépa à la Wrenchmonkey se mélange bien au monde plus classique de la moto. Les préparations faites à la meuleuse dans des garages délabrés sont remplacées par des artisans et des mécanos sérieux qui proposent des produits magnifiques et surtout maintenant taillés pour la route (ne venez tout de même pas vous plaindre que vous avez mal partout si vous avez choisit un guidon ultra bracelet et une selle en planche de skate. Il y a des alternatives…).
Cet évènement a grandi. Nous trouvons, après ce week-end, qu’il est arrivé à une belle maturité et qu’il en vaut largement le détour. C’est à Linas Montlhéry que cela se passe, allez-y faire un tour !