
Pour rien au monde la fille de Willie G. Davidson, le charismatique patron de l’entreprise parti à la retraite au printemps dernier, n’aurait raté une course ou un des impressionnants rassemblements qui attirent des milliers de bikers. "C’était génial, se souvient Karen. Avec mon père, on s’amusait énormément. Je rencontrais des personnages incroyables. Nous nous sommes engagés dans le monde de la moto et soutenons et respectons aussi bien les motards amateurs que nos pilotes professionnels, car ce sont eux qui ont fait de la Harley- Davidson Motor Company ce qu’elle est aujourd’hui".
Les Harley sont entrées dans la légende, et ont séduit, au fil des décennies, toutes les couches de la société. Et... tous les sexes. L’année dernière, rien qu’en France, les ventes au féminin ont fait un bond de 30% ! "Naître dans ce milieu d’hommes, se souvient l’arrière petite- fille d’Arthur Davidson, m’a rendue forte. Dès que j’ai pu tenir debout, je n’ai plus eu qu’une idée en tête : monter sur une moto et rivaliser avec mes frères. Au guidon, je n’avais peur de rien. Cette attitude m’a donné une grande confiance en moi et ôté toute timidité. J’ai toujours gardé la conviction que je devais être à la hauteur de mon héritage".
Adolescente, elle n’envisageait nullement d’intégrer la firme familiale et s’est d’abord inscrite dans une école d’art avant de bifurquer vers la mode. Elle est ensuite allée à New York auprès d’un ancien couturier pour apprendre à confectionner des vêtements de A à Z. "Alors que j’étais encore étudiante, lors d’une réunion avec des collaborateurs de l’entreprise familiale, quelqu’un a suggéré que l’on pourrait faire une ligne de vêtements pour les clients de Harley-Davidson. J’ai trouvé l’idée géniale, mais il n’y avait aucune infrastructure. Bref, je me suis dit que, si quelqu’un pouvait aider Harley à produire des vêtements, ce ne pouvait être que moi. J’ai donc décidé de relever ce défi".
En 1989, l’idée de transposer une marque de motos en griffe de vêtements était très novatrice, mais pas évidente à faire accepter par le public. "Nous avons pensé que l’Europe serait plus susceptible d’accepter le concept. C’est donc sur ce Vieux Continent que nous avons commencé à écumer les salons professionnels et à démarcher les boutiques. Petit à petit, les gens ont découvert qu’en plus de chevaucher nos motos ils pouvaient s’habiller dans l’esprit Harley. Mieux, beaucoup ont découvert notre gamme de motos à travers nos vêtements".
Les tee-shirts et blousons représentent désormais 8% du chiffre d’affaires global de l’empire familial (soit plus de 250 millions de dollars). Non seulement Karen a beaucoup fait pour le look des bikers, mais elle a permis aux femmes de trouver leur propre identité visuelle dans un univers jusque-là réservé aux hommes, tout en conservant leur féminité. "À présent, on fabrique 60% de vêtements pour les hommes et 40% pour les femmes et on note une forte croissance d’une clientèle féminine de plus en plus jeune. Ces dernières années, les femmes se sont émancipées et ont perdu leurs complexes vis-à-vis du monde de la moto. Il suffit de voir une copine conduire une machine pour se dire que, si elle le fait, je peux le faire aussi. Le virus de la moto est quelque chose de très contagieux chez les filles ! Phénomène nouveau, elles aiment de plus en plus partir en groupe : juste la route, les copines et la liberté".