Quand il était question d'essayer une moto sur un circuit de Moto GP, il semblait logique d'envoyer un bon pilote sur place. Seulement voilà, comment s'identifier à quelqu'un qui tourne en 1 min. 30 au Lédenon quand on ne fait pas de circuit ? Ou que penserait un pilote moins rapide de cette même moto ? Dans la première partie, on a emmené une CBR 1000 RR-R sur les routes. Dans la seconde, on a mis un pilote moyen sur un circuit.
Lorsqu'on me remet cette première moto sans les supensions électroniques, on prend quand même le temps de m'expliquer tout ce qui est réglable au moyen de l'ordinateur de bord. C'est la version de base où le shifter bidirectionnel n'est pas activé, mais il y a déjà bon nombre de paramètres laissés accessibles au pilote. Elle a aussi des freins Nissin qui seraient moins efficaces que les Brembo de la SP (Ndlr. BMW vient d'équiper sa M 1000 RR des même pinces de frein).
A gauche de l'araignée, on allume la moto d'une pression d'un bouton avec la clé sans fil en poche. Avec une logique très simple de navigation, à base d'appui simple ou prolongé sur les flèches, on a d'abord le réglage de l'essentiel, répété sur 3 modes. Pas de nom prédéfini, ils s'appellent 1, 2 et 3. On pourrait les rendre identiques, faire le 1 le plus doux et le 3 le plus extrème ou inversement. Tout reste toujours enregistré : power, torque control, wheeling control et engine brake (puissance, contrôle de motricité, controle du wheeling, frein moteur).
Comme tout est réglable sur 3 niveaux, voire plus, difficile de savoir si 1 décrit le plus limité ou tout le potentiel disponible. Honda y a pensé, il y a un diagramme dans chaque paramètre qui exprime où est le minimum et où est le maximum, très malin ! Ceci reste réglable en roulant, le changement se valide à la coupure des gaz, rien à redire là dessus.
Plus profondément dans le menu, on peut ajuster l'amortisseur de direction, l'ABS sur une position route et une position piste ou encore le design du compteur de l'écran couleur. Assez joué avec les commodos, je veux rouler !
La position est logiquement sportive et plutôt portée sur l'avant, mais la longue selle semble bien conçue. A l'avant elle n'est pas très large, on enserre facilement le réservoir et on redresse le buste plus haut que la bulle. A l'inverse, quand on se recule l'assise est large, le bassin est bien posé et on s'allonge de tout son long. Par contre, je constate que le réglage des commodos s'oriente plus sur un usage allongé que redressé, les boutons pointent plus vers le bas.
Quand je tourne une première fois la poignée, je pars du ralenti et là c'est bien un 4 cylindres. La montée en régime prend du temps, les 113 Nm ne seront disponibles qu'à 12'500 tr/min. Et il y a le fameux clapet dans l'échappement, celui qui permet d'homologuer la moto tant au niveau du bruit que des émissions polluantes. Tant qu'il est fermé, la moto subit une forte inertie et elle semble lourde à emmener.
Ce n'est que vers 5'000 tr/min que le clapet s'ouvre en 2e, mais on roule déjà à 80 km/h, c'est assez frustrant. En 4e, j'ai l'impression que l'ouverture intervient plus tôt, mais on est vite arrêté par les limitations de vitesse. Arrivé là vous me direz, à quoi bon rouler sur route si l'ouverture du clapet rime avec dépôt du permis à l'office compétent ?
Car avec de la volonté, on peut profiter de cette CBR 1000 RR-R sur route. Déjà il faut apprendre à utiliser la première. En courbe on se sent bien plus à l'aise pour garder de l'élan et mettre un filet de gaz si nécessaire. J'ai fait de nombreux cols avec ce missile. Difficile dans les plus étriqués, parfaitement à l'aise dans des épingles pas trop serrées. Elle fait quand même preuve de polyvalence, cette Honda.
J'ai pris du plaisir à dompter autant de puissance, malgré l'oeil rivé sur le compteur et la poignée de droite qui démange. Ce n'est qu'après une journée complète que j'avais mal aux fesses. Je l'ai rendue, j'ai croisé sa soeur maléfique SP, pour la suite il faudra patienter deux semaines...
Pour tester convenablement cette SP et saisir toute la brutalité de la nouvelle Fireblade, on me l'a confiée pour la sortie AcidTrack au circuit de Lédenon début septembre. Pour justifier l'écart de prix des deux versions, celle-ci est équipée de suspensions Öhlins électroniques et de freins Brembo Stylema, ce qui se fait de mieux. A l'occasion de cet essai, j'ai un train de slick Bridgestone V02 monté sur une moto dépourvue de phares ou de plaques. Honda Suisse a même fait faire une pièce qui rempli proprement le trou laissé béant en retirant le support de plaque.
Une fois que je me suis remis le circuit en tête, je me décide à prendre la piste avec la Honda. Le shifter bidirectionnel est réglable indépendament dans chaque sens, doux, moyen ou direct. Je le mets en doux et par précaution, je réduis la puissance et mets l'anti-wheeling à un seuil plus bas. Cette moto et ce circuit m'intimident, je peux pas me permettre de tomber.
En quelques tours, je prends assez confiance pour remettre la puissance à son niveau original. Aidé de l'ABS en mode track, je n'hésite pas à freiner fort. Trop fort en fait : je dois chaque fois remettre un filet de gaz avant la corde. Il me faut plus d'élan, comme avec ma moto de piste habituelle.
Heureusement, cette Honda sait mettre à l'aise. Dès la deuxième session au guidon je me lâche peu à peu. Je le constate très vite en voyant mon meilleur temps descendre continuellement. Mes doutes quant à pouvoir dompter cette machine s'estompent tour après tour.
Au terme de la journée, j'ai un rythme suffisant pour aller jouer dans la catégorie supérieure à la mienne, me tirant la bourre avec des amis habituellement bien plus rapides. Quelques sensations sur des virages particuliers du Lédenon :
Le seul record battu ce jour là sera mon meilleur tour. Mais je suis fier de ma progression que je dois en partie à la facilité et la puissance de cette Honda. Mon petit niveau de pilotage m'a quand même permis de profiter d'une machine qui peut faire peur.
Avec un prix de vente qui va de CHF 25'290.- à 29'990.-, elle se place dans une fouchette haute des motos équipées de suspensions conventionnelles. Dotée des suspensions électroniques, le prix est compétitif face à une Yamaha R1M ou une Ducati Panigale V4S. Personnellement j'en suis encore tout retourné, l'évolution que suivent les sportives à l'heure actuelle n'est pas prête de répondre à la question "Mais où vont-ils s'arrêter ?".