Si vous êtes timide et que vous n’aimez pas engager la discussion, passez votre chemin. Avec ses lignes tracées à la règle et à l’équerre, ça fait de sacrées économies de matériel dans les bureaux de design, la Vitpilen interpelle. C’est soit on adore, soit on déteste, il n’y a pas de milieu mais dans tous les cas on ne manquera pas de venir vous le dire et parler avec vous de cet ORNI (objet roulant non identifié).
Quand on la détaille, au premier coup d’oeil la finition semble bonne, on retient en effet certains éléments de qualité comme le freinage signé Brembo, les magnifiques suspensions WP, l’échappement qui est digne de l’aftermarket ou encore la qualité de la peinture mat qui est sublime. Puis on tombe sur les commodos qui pourraient tout aussi bien équiper une machine d’entrée de gamme et le bloc compteur qui fait très « Lego ». Le passage des différents câbles n’est pas très soigné, certains auraient aisément pu être dissimulés.
Perso j’ai adoré la ligne très « Café Racer » avec cet arrière très court, tronqué, qui se finit à peine plus loin que l’axe de roue arrière. Le feu à LED y est parfaitement intégré et donne une touche moderne. Le phare avant est également réussi, surtout quand le cerclage LED est allumé. Les demi-guidons participent également à cette ligne en rendant la moto basse et sportive.
La marque aux origines suédoise, qui appartient à KTM depuis janvier 2013, s’est toujours démarquée du reste de la production, surtout dans le domaine des motos de cross ou d’enduro qui ont fait son renom dans les années 70. Avec la Vitpilen elle garde cette philosophie. Mais quand on parle de la cet ORNI (voir ci-dessus), il faut commencer par évoquer les chiffres : avec son mono de 692cc (d’origine KTM), l’Husky développe 75cv à 8’500tr/mn et 72Nm à 6’750tr/mn pour un poids plume de 157 kilos à sec. En bref, ça doit quand même causer !
Bon, la technique vous la connaissez, et en selle ça donne quoi ? Déjà il est facile de monter (ou de descendre tant elle est basse) à bord de la suédoise, mais ça on s’en doutait vu sa hauteur de selle au ras du plancher des vaches. Cette selle assez étroite est assez accueillante, je me dis qu’elle va bien prendre soin de mon popotin. Par contre, la selle passager est un vrai juge de paix pour votre couple si vous comptez emmener madame faire un tour… elle est très étroite et surtout très glissante !
La position de conduite est assez basculée sur l’avant, mais grâce à la faible hauteur de selle ce n’est pas exagéré. Par contre, j’ai été surpris par la largeur des guidons. Bien qu’ils soient en position « bracelets », leur largeur est presque digne d’un cintre-plat. Je verrai bien à l’usage. Le reste des commandes tombe bien sous les mains et les pieds et perso j’ai craqué pour les leviers courts. Moi qui freine toujours à deux doigts, ça me rendra service.
Je claque la première et rouler jeunesse. La Vitpilen me replonge directement dans mes souvenirs de jeunesse lorsque je roulais avec des monos ! Une fois le point de cirage de l’embrayage trouvé, la Husky décolle sans peine, il faut dire qu’avec environ 170 kilos avec les pleins et un couple confortable placé très bas c’est simple. Les premiers tours de roue en ville sont un vrai plaisir. La moto se balance sans aucun problème, une fois de plus grâce à son poids plume.
Par contre, le mono a la même souplesse que le colonel Klink dans la série Stalag 13… Sur les deux premiers rapports il est impératif de rester au-dessus de 2’500tr/mn sous peine de voir le moteur cogner ce qui est peu agréable. La cause ? La transmission qui est assez longue à la fois pour avoir une vitesse de pointe assez élevée et en même temps pour faire baisser la consommation ainsi que le bruit en vue des homologations. Le blipper est également pas très utile en ville, le fait de passer les vitesses à bas régimes avec cet accessoire donne des à-coups désagréables.
Un petit coup d’autobeurk pour fuir la jungle urbaine me fait apprécier ce qui était un handicap en ville : sa transmission longue. Là, le mono ronronne comme un gros chat au coin du feu, un peu en-dessous des 5’000tr/mn entre 120 et 130km/h. Il suffit d’une rotation du poignet droit pour avoir une réponse immédiate du gros piston qui propulse la Vitpilen en avant pour dépasser. Il faut dire qu’à ce régime on est juste à 1’000tr/mn de la crête du couple.
Par contre, la protection, comme on peut s’en douter, n’est pas son point fort, même si grâce à la position assez basculée sur l’avant il est possible d’entrevoir un trajet court sans trop de fatigue, ne comptez pas voyager loin avec la Husky, ou alors allez-y avec votre ostéopathe, vos cervicales en ayant besoin.
Ça tombe bien, je sors de l’autoroute et je sens ma Vit’ qui trépigne d’impatience entre mes jambes, apparement on arrive sur son terrain de prédilection : les routes de campagne. Là, tout son potentiel me saute au casque. Sa légèreté et son mono joueur s’expriment à merveille sur ce terrain de jeux.
Prenez un col ou une route tournicotante, il sera difficile d’y battre la Vitpilen tant elle y excelle ! Avec ses suspensions de qualité, la position basculée sur l’avant et la largeur du guidon évoqué plus haut, j’ai l’impression de faire corps avec la machine et elle obéit au doigts et l’oeil à mes demandes. Il est aisé de la placer au millimètre en entrée de courbe et quel pied d’avoir un réponse immédiate du mono en sortie avec la sonorité si typique ! Ce brooooooaaaap est tout simplement… jouissif.
Et dire que je n’ai « que » 75cv à disposition ! Comme quoi que comme le dirait un manufacturier pneumatique : sans maîtrise la puissance n’est rien. Et c’est là que l’Husky fait tout juste, elle est aisément maitrisable et permet de prendre un pied d’enfer sans se sentir débordé.
Le blipper fonctionne très bien dans ces conditions, en fait, il suffit d’être assez haut dans les tours pour qu’il soit agréable. Le freinage est également à la hauteur, facilement dosable, le simple disque ralentit facilement les 170 kilos de la Vitpilen, même si perso j’aurais apprécié un deuxième disque pour plus de mordant. Le disque arrière, lui tient parfaitement son rôle de ralentisseur et permet soit d’assoir la moto lors des gros freinages, soit de rejoindre la corde, euh pardon l’intérieur du virage si on est rentré avec un peu trop d’optimisme.
En ralentissant un peu le rythme en mode « promenade pépère », je profite du paysage. En roulant à des vitesses légales, il ne faut pas laisser le moteur descendre sous les 3’000tr/mn sur les rapports intermédiaires, faute de quoi comme en ville, le piston vous démontrera son mécontentement en cognant allègrement. Par contre, l’autonomie est excellente et grâce à cette transmission longue, le mono fait preuve d’un appétit d’oiseau.
Au niveau de la viabilité, le gros compteur centrale permet de bien lire la vitesse, par contre, le barregraphe du compte-tours n’est pas des plus lisibles. Vaut mieux le faire à l’ancienne et à l’oreille. Le nombre d’infos affichées n’est non plus pas folichonne avec les trips, la conso et… voilà. Mais bon, pourquoi ronchonner, la Vitpilen est faite pour rouler vite sur les petites routes, pas pour rouler longtemps et loin.
Avec les restrictions en vigueur dans notre beau pays (et même autour…), à quoi bon se balader avec une moto qui développe plus de chevaux qu’il n’y a de poids à trimballer ? Le secret du plaisir ne serait-il pas dans la Vitpilen ? Jamais débordé par la puissance, un sentiment de maîtrise complet et des vitesses de passage en courbe hallucinantes, elle en remontrera à bien des sportives sur un parcours sinueux.
J'ai rapidement pardonné ces petits défauts à la Vitpilen pour me concentrer uniquement sur le plaisir de conduite de ce mono unique dans la production actuelle et ce plaisir sera solitaire... des fois c’est bien !