Car bien qu’elles cubent presque 1000cm3 (937 pour être précis), les 950 et 950 S sont bien les portes d’entrée dans la famille Multistrada, en petites sœurs de l’exubérante 1260 qu’elles sont. Loin de quelques 160 chevaux de sa grande sœur, la 950 se veut donc plus accessible, tant en hauteur de selle qu’en tarif d’ailleurs, la version de base se plaçant presque à 4000.- CHF de moins que le tarif demandé pour la 1260. Une version « S » plus sophistiquée et bardée d’électronique est également au catalogue. C’est précisément cette dernière que j’ai eu le privilège de tester, y compris avec le pack Touring comprenant notamment une paires de valises latérales.
Mise à jour du système d’exploitation
Née en 2017, la « neuf-cinquante » présente donc cette année sa première évolution. Une version 2.0, tant l’électronique, déjà présente chez sa devancière, monte encore d’un cran, voir de plusieurs avec cette version S. En effet, en plus des désormais classiques ABS (réglables sur 3 niveaux) et antipatinages (8 niveaux), elle se pare pour 2019 de suspensions semi-actives DSS (pour Ducati Skyhook System) et de feux de virages pour optimiser l’éclairage en fonction de l’angle d’inclinaison. Car tout ceci fonctionne grâce à une nouvelle Unité de Mesure Inertielle à 6 axes et à un ensemble de capteurs, accéléromètres en tête, qui permettent de corriger en temps réel (de l’ordre d’une poignée de millisecondes) l’ensemble des settings de la partie-cycle. Voilà qui devrait fortement limiter l’effet de bascule dont pouvait faire preuve le modèle 2018 lorsqu’on le brusquait, et offrir une tenue de route désormais impériale, axée sur le plaisir de conduite.
Equipement de série pléthorique
Le pilote dispose de 4 modes moteur, agissant chacun sur l’ensemble des paramètres (suspensions, réactivité et assistances) en fonction de l’utilisation de la moto. En mode Sport, la puissance sera à son maximum et les assistances laisseront une grande marge de manœuvre. Le mode Touring offrira également l’ensemble de la cavalerie, mais avec une sécurité plus accrue, quand les modes Urban et Enduro ne laisseront que 75 canassons s’exprimer, en haussant au maximum le niveau d’intervention, sauf au niveau de l’ABS sur ce dernier, qui sera déconnecté sur la roue arrière pour permettre de belles dérives. Bien sûr, tout reste entièrement paramétrable, soit directement sur la moto, soit via une application smartphone dédiée, et Ducati annonce pas moins de 400 réglages possibles. On notera également l’arrivée d’un système Keyless, d’un shifter Up&Down, d’un régulateur de vitesse, d’un écran TFT de 5 pouces et d’une aide au démarrage en côte, bien pratique pour lancer la machine avec armes et bagages.
Tout cela est de série sur la 950 S testée ici, avec en prime des comodos rétroéclairés et des clignotants à auto-extinction. Autant profiter des capteurs d’inclinaison jusqu’au bout, non ? Sur la 950 « simple », il faudra se contenter de l’ABS de virage, de l’antipatinages, des 4 modes de conduite et de l’aide au démarrage en côte, avec un tableau de bord LCD et le shifter en option.
Pour terminer, il sera possible d’opter pour un (ou plusieurs) packs, selon ses envies et ses inspirations : Touring (valises latérales, poignées chauffantes et béquille centrale), Sport (silencieux Ducati Performance Termignoni homologué, couvercle de pompe à eau en aluminium poli et clignotants LED), Urban (top case et sacoche de réservoir avec port USB pour recharger ses appareils électroniques) ou Enduro (feux à LED supplémentaires, barres de protection moteur, protège-radiateur et protège-carte en aluminium, ainsi que des repose-pieds en acier), pour les plus téméraires, soit ceux qui auront choisis la 950 S Spoked Wheels, la version avec roues à rayons compatibles tubeless.
On ne change pas (complétement) une équipe qui gagne
Si le moteur comme le cadre restent inchangés (le bicylindre Testastretta 11 ° de 937 cm3 délivre une puissance idéale de 113 ch à 9 000 tr/min pour un couple maximal de 96 Nm à 7 750 tr/min et le cadre est toujours le désormais classique treillis acier composé de tubes de gros diamètre et de faible épaisseur), il y a eu quelques ajustements, comme la commande d’embrayage hydraulique qui devrait amener une douceur de fonctionnement bienvenue ou le double bras oscillant en aluminium moulé, plus léger de 500 grammes. Le poids est contenu à 230 kg tous pleins faits (+5kg pour la version Spoked Wheels).
L’ensemble de ces modifications promettent d’améliorer radicalement le comportement de la moto, et d’apporter une réelle plus-value en usage intensif. Et si on allait vérifier tout ça ?
It’s time to ride
Arrivée chez Ducati Iberica, dans la zone industrielle de Valencia, où une vingtaine de motos nous attendent. Au programme, une boucle de quelques 320km sur des routes sinueuses à souhait, avec quelques traversées de villages et un peu d’autoroute. Je prends place sur la « baby » Multistrada, équipée de roues à rayons et de valises, et mets le contact. Enfin, la clé électronique dans la poche, plutôt. Une pression sur le bouton de mise en marche et le sublime tableau de bord TFT de 5 pouces s’anime. Le temps de comprendre comment passer d’un mode moteur à l’autre (il faut une longue pression sur un bouton, puis sélectionner le mode voulu et laisser appuyer 3 longues secondes, gaz coupés, avant que le changement ne s’opère), et j’appuie le démarreur. Une sonorité rauque envahit l’espace sonore, bientôt rejointe par celles de moto des autres journalistes présents. Croyez-moi, quand vingt Testastretta grondent en cœur, cela vous prend aux tripes ! Il est 9h, le soleil brille, la température frise les 15°, je pense qu’on peut dire sans trop s’avancer que la journée commence bien.
Une dose de confort avec une touche de sportivité
1ers tours de roues, et je suis vraiment à l’aise. La position du buste est droite, et les jambes sont un peu repliées, avec les pieds légèrement en retrait des genoux. Hey, on est quand même sur une Ducati ! De prime abord, la selle me semble un peu ferme. Large et plate, elle devrait permettre de se déplacer facilement sur les changements d’angle, avec en prime le séant bien calé par la selle passager, qui fait office de petit dosseret. Bien pratique lors des phases d’accélération. Sa hauteur de 840mm est aussi idéale pour mon mètre quatre-vingt-quatre mais je préconise fortement d’opter d’office pour la selle basse, qui ramène la hauteur d’assise à 820mm, pour celles et ceux qui seraient un peu moins grands. Une fois lancée, la moto est agile et se joue des aléas de la circulation. Il faut s’extirper de la ville et pour cela, pas d’autre choix que d’emprunter l’autoroute. L’occasion de se familiariser avec les commandes, et de valider la protection. Si les jambes et les mains sont parfaitement à l’abri, mes épaules doivent affronter quelques turbulences. La bulle, qui est fort pratiquement réglable d’une seule main, est assez échancrée vers le bas et protège efficacement le buste... en position haute. Une bulle plus protectrice sera indispensable pour les rouleurs au long cours ou pour ceux dont l’autoroute est une purge quotidienne.
Bien calé à 120km/h grâce au régulateur de vitesse et à son fonctionnement intuitif, je constate que quelques petites vibrations s’invitent à la fête. Le moteur tourne à 5000tr/min et si les mains sont épargnées, vos fessiers le seront moins. C’est léger, mais cela peut être fatiguant suivant la longueur de l’étape prévue. A partir de 7000tr/min d’ailleurs, les vibrations s’accentuent, devenant plus dérangeantes. Si cela ne perturbe pas la conduite sur route, et donne même de la vie au moteur, c’est cependant clairement désagréable à régime constant. Un bon moyen de ne pas dépasser les vitesses autorisées, assurément !
Tour de manège
Une fois dans l’arrière-pays, place au grand huit. Les routes semblent avoir été dessinées par un ingénieur atteint de la maladie de Parkinson et les lignes droites sont majoritairement aux abonnées absentes. Dans ce contexte jubilatoire pour tout motard qui se respecte, la Multistrada 950 S sort le grand jeu et dévoile ses cartes. Le moteur est expressif et rageur, avec une montée en régime progressive, mais assez vive et qui s’accélère encore à partir de 7000tr/min. La sonorité, caverneuse et métallique, accompagne ces envolées lyriques dans une symphonie jouissive.
Pour autant, lorsqu’on approche d’un village, le bloc italien sait faire preuve d’une certaine souplesse, permettant d’évoluer à partir de 2000tr/min sur les 1ers rapports. La connexion avec la poignée de gaz via le ride-by-wire est instantanée et si elle frôle la perfection en mode arsouille, elle s’avère plus délicate à gérer lorsqu’il s’agit de faire preuve de douceur et de progressivité. Un rapide passage en mode « Urban » permettra alors de gagner en douceur de fonctionnement, ainsi qu’en confort de suspension. La puissance se verra également réduite à 75cv, ce qui fera de ce mode un allié de choix en cas d’adhérence précaire. La 950 S saura donc se montrer calme, pour autant que vous résistiez à titiller les gaz. Polyvalente, oui, mais à l’italienne, avec son caractère qui vous rappelle que la cavalerie est disponible et prête à bondir. Une Ducati restera toujours une Ducati. Car dès que l’horizon s’ouvrira à nouveau, le moteur vous expliquera que son seul but dans la vie est de se faire rentrer dedans jusqu’à ce qu’un sourire béat se dessine alors sur notre visage.
Scotchée au bitume
La nouvelle partie-cycle, et précisément les suspensions adaptatives DSS « Evo », sont bluffantes d’efficacité. La liaison avec le sol est parfaite, et le train avant offre un retour d’information précis au pilote. Le mode Touring, le plus utilisé lors de cet essai, est sans aucun doute le meilleur compromis pour moi. Offrant l’entier de la cavalerie disponible, et un haut degré d’assistance de l’ABS et du DTC, il permet d’attaquer sans arrière-pensée et de se faire plaisir en toute sérénité. Le mode Sport, un peu plus réactif, durcira l’amortissement pour offrir aux plus sportifs d’entre nous un plus grand contrôle de la machine, en réduisant le degré d’intervention des assistances.
Pour autant, même en mode Sport, le confort reste de mise. On est bien sur une Multistrada, et non sur une Diavel ou une Panigale. En tous les cas, chacun pourra trouver ses réglages idéaux, que ce soit via le DMS (pour Ducati Media System, en option sur la 950, et de série sur cette version S, qui permet également d’exporter les données de la moto ou des trajets via une connexion bluetooth), ou directement via le smartphone. En tous les cas, ce système Skyhook offre un feeling incomparable, et permet de se concentrer sur l’expérience de conduite en toute sérénité. Jamais, que ce soit sur des routes plus dégradées, des portions humides voir sablonneuse, je n’ai réussi à les prendre en défaut. Une vraie réussite qui justifie presque à elle seule le surplus demandé pour cette version S.
A la terrasse du café
A mi-parcours, l’heure est venue de reposer le corps et de nourrir l’organisme… avec une bonne paëlla. Il n’y a pas que les routes dont on se délecte en Espagne ! L’occasion de béquiller la bête en terrasse pour l’observer plus en détails. Quelques modifications, mineures, touchent à l’esthétisme de la moto. La plus flagrante concerne les flancs de carénage, qui présentent un aspect plus lisse, pour se rapprocher du style de la nouvelle 1260, et ainsi rappeler leur filiation. Dans ce coloris gris, disponible uniquement pour la version S, la moto respire l’élégance, avec un côté BCBG assumé et juste la petite touche de sportivité nécessaire, apportée par le cadre rouge et rehaussé par les liserés sur les jantes.
Les aspects pratiques ne sont pas oubliés, avec un espace sous la selle pouvant accueillir une combinaison de pluie ou un antivol de type bloc-disque. On y trouvera également deux prises (12v et USB), pour permettre de recharger facilement ses appareils électroniques. Une deuxième prise 12v prendra également place sur le tableau de bord, pour brancher un GPS, ou la sacoche de réservoir du pack Urban. On notera encore la présence de discrets crochets au niveau du passage de roue, permettant de sangler un sac sur la selle passager.
Après cette pause méritée, place à la deuxième partie du parcours, Cette fois, c’est sur une 950 S « standard » que je m’installe. Sans les valises du pack Touring, et avec des roues en alliage en lieu et place des roues à rayons, c’est une dizaine de kilos de moins à balancer d’un angle à l’autre, ce qui devrait encore améliorer l’agilité de la Multi. Enfin, ça, c’était l’objectif si je n’avais pas pris trop de paëlla à midi.
La route qui se dessine devant moi est toujours aussi sinueuse, et toujours aussi déserte. Le terrain de jeu est idéal, et je décide d’ouvrir en grand. J’enclenche le mode Sport et, profitant de la confiance procurée par la tenue de route impériale de la moto, je prends un plaisir non dissimulé à la balancer d’un virage à l’autre. Débarrassée de son attirail de voyageuse et de ses roues à rayons, la 950 S se montre en effet un peu plus vive, pour une maniabilité encore accrue. Le nouveau Shifter Up&Down fait merveille, et me réconcilie définitivement avec ce type d’équipement. Alors que sur certaines concurrentes, la montée et descente des rapports peut s’avérer dure et générer des à-coups désagréables, les vitesses passent ici en douceur, et permettent une fois encore de se concentrer pleinement sur le pilotage.
Quelques défauts
Seul reproche au niveau de la sélection, quelques faux points morts, que d’autres ont également rencontrés. Questionné à ce sujet, Antonio Zandi, Project Manager, nous a affirmé que le problème venait certainement du faible kilométrage de nos motos d’essais, des modèles de présérie totalisant, il est vrai, quelques centaines de kilomètres seulement. Il convient de rester attentif, en espérant que le problème disparaitra après rodage. La journée se termine comme elle avait commencé : sur un long ruban asphalté. L’occasion de se rendre compte que mon derrière, malgré son rembourrage, est sérieusement ankylosé. Parfaite pour une virée entre potes, la selle mériterait donc d’être remplacée par une plus confortable si vous envisagez de longs voyages. Il y a bien pire dans la catégorie, mais bien mieux également. En cherchant la petite bête on pourra également relever des soucis d’ergonomie, liés à certains placements de boutons (la commande de feux de route qu’on accroche régulièrement ou celle des poignées chauffantes, impossible à atteindre sans lâcher la main droite) ou encore à la – trop- longue manipulation demandée pour passer d’un mode à l’autre.
Mais d’immenses qualités !
Il faut convenir que je n’ai pas trouvé de gros défauts à ce millésime 2019, qui est assurément un excellent cru. Il s’agit d’une moto très classieuse, au look soigné et à la finition haut de gamme, qui sait offrir un élan de sportivité dans un confort surprenant. Cela reste néanmoins une Ducati, avec une position de conduite légèrement plus sportive que la concurrence, mais surtout un moteur ensorcelant et bourré de caractère. Ses suspensions semi-actives DSS lui confèrent une tenue de route irréprochables en toutes circonstances, dans une sonorité rageuse qui ne laissera personne de marbre. Un excellent rapport qualité-prix qui ferait presque de l’ombre à la 1260, tant la 950 semble se rapprocher du compromis idéal. Seules les quelques vibrations peuvent quelque peu assombrir le tableau, mais n’est-ce pas là le prix à payer pour un moteur vivant et si attachant ?
Prix :
Multistrada 950 : 15'190.- CHF
Multistrada 950 S : 17'390.- CHF
Multistrada 950 S “Spoked Wheels” : 18’190.- CHF
Supplément coloris “Glossy Grey” (version S uniquement) : 300.- CHF
Pack Enduro: 1540.- CHF
Pare-moteur en tubes d'acier, grille de protection de radiateur, plaque de protection moteur, pédales repose-pieds en acier, feux additionnels à led.
Pack Sport: 1350.- CHF
Silencieux Termingoni homologué, cache de pompe eau en aluminium, paire de clignotants à LED.
Pack Touring: 1100.- CHF
Valises rigides latérales, béquille centrale, poignées chauffantes.
Pack Urban: 615.- CHF
Top case arrière, saccoche de réservoir, rallonge d'alimentation avec sortie USB, bride « Tanklock® ».