
Sauf que ce n’est vraiment ce qui s’est passé. Enfin, c’est ce qui était prévu. Mais ça ne s’est pas déroulé exactement comme je m’y attendais. Oh, les Triumph étaient bien là. Et si je peux vous dire une chose, c’est qu’elles sont vraiment géniales. Par contre, la météo nous a joué des tours. Tout avait pourtant bien commencé. L’arrivée sous le soleil, l’accueil par le staff Triumph dans un cadre somptueux, le briefing de presse suivi d’un bon repas et d’une bonne nuit. La journée de roulage du lendemain s’annonçait sous les meilleurs augures.
Je vous ai demandé, dans une story sur le compte Instagram d’AcidMoto, quelle était votre préférée entre les deux. La Street Scrambler l’a emporté de peu (55%) et le 1er essai lui sera donc consacré. Rendez-vous dans quelques jours pour mon avis sur le Street Twin, sa petite sœur de cœur. En fait, ça tombe bien, car c’est justement celle que m’a attribué Triumph pour commencer ce test. Et pour tout vous dire, c’est un peu mon coup de cœur. Un peu beaucoup même. Autant l’avouer tout de suite, j’ai pris énormément de plaisir à piloter ce « petit » scrambler. Petit car le grand arrive bientôt, mais aussi car son gabarit est compact et sa hauteur de selle mesurée, avec seulement 790mm. Un vrai plus qui lui permet de viser autant des passionnés que des motards débutants, qui seront rassurés à son guidon. D’autant que la position de conduite est naturelle et que les commandes tombent bien sous les mains. La selle semble accueillante (elle a pris 1cm d’épaisseur pour gagner en confort), le guidon est large (5cm de plus que celui de sa petite sœur) et seuls les rétros pourront poser un problème à un grand gabarit tel que le mien (1m84), leur amplitude de réglage entre le haut et le bas étant trop faible.
Au rayon des principales nouveautés, il y a d’abord une augmentation de la puissance de 18%, pour un total de 65 canassons, à un régime légèrement plus élevé de 500tr/min. Pour y parvenir, un certain nombre de pièces moteur ont été changées, à l’image du couvre-culasse, désormais en magnésium, du nouveau vilebrequin ou de l’embrayage, tous les deux allégés. Refroidie par eau, elle conserve son accélérateur électronique ride-by-wire et profite désormais d’un antidémarrage avec transpondeur. Au niveau de l’électronique justement, on notera l’arrivée de deux modes de conduite (Road et Rain), lesquels n’influent que peu sur les performances moteur, mais agissent principalement sur le niveau d’interventions des assistances et sur la progressivité de la poignée de gaz. Car elle a beau être positionnée sur le segment « Vintage », Triumph la place dans la catégorie des « Modern Classics ». Et pour le moderne, il y a tout ce qu’il faut : ABS et antipatinage, qui sont à présent déconnectables, et embrayage assisté anti-dribble. On trouvera également une prise USB sous la selle. Niveau partie-cycle, le freinage devrait grandement s’améliorer avec un frein avant signé Brembo, et le confort de suspension également grâce à une nouvelle fourche KYB de 41 millimètres de diamètre avec soufflets. En option, on trouvera également système de contrôle de la pression des pneus dont les indications prendront place dans le compteur. Celui-ci, très lisible bien que vraiment petit, délivre une foule d’informations intéressantes, dont alternativement, entre autres, l’heure, le décompte avant réserve et… le régime moteur. Pas de compte-tour séparé, donc, mais c’est le prix à payer pour garder une ligne épurée.
Car la ligne de cette moto est vraiment superbe. La silhouette est reconnaissable entre mille et avec ses deux pots superposés, la signature visuelle est évidente. Le mélange entre tradition et modernité est un style parfaitement maitrisé par Triumph. En témoigne les ailettes du moteur fraisées, pour conserver un aspect vintage alors que la moto est désormais refroidie par eau. Le petit radiateur est d’ailleurs un modèle d’intégration et de discrétion. Le feu arrière à LED est aussi une franche réussite. De forme ovale, il ne laisse apparaitre qu’un cercle rouge lorsqu’il est en feu de route, mais s’illumine dans sa totalité lors des phases de freinage. Ou comment, une fois encore, allier le style classique avec la modernité sans dénaturer l’essence même de la moto.
Globalement, on en prend plein la vue. La finition est léchée, les détails qui flattent l’œil sont nombreux, à l’image de la plaque frappée « Bonneville » sur l’entourage de compteur, du cache de l’ampoule de phare avant reprenant le logo de la marque ou de la nouvelle selle bi-matière. Les belles pièces en alu brossé sont nombreuses, et je ne vous parle des pas (très) nombreuses possibilités de personnalisation (plus de 120 références disponibles, dont une sublime plaque de numéro latérale qui ne sert absolument à rien, et est donc parfaitement indispensable !). Un kit spécifique « Urban Tracker » est même disponible (photo en bas d’article) pour vous fournier une customisation « clé en main ». L’ambiance est très classieuse. A l’anglaise, me direz-vous. Et oui ! Franchement, en la regardant, on perçoit avec quelle passion elle a été assemblée, et il s’en dégage un flegme tout britannique. L’expérience Triumph se veut qualitative. C’est réussi. En statique en tout cas. Voyons ce que ça donne sur route.
Bien installé sur la nouvelle selle avec le buste assez droit, j’actionne le démarreur. Départ sous un ciel (encore) dégagé. Et la balade commence fort ! Nous sommes à Cascais, à l’ouest de Lisbonne, et en un petit kilomètre, nous arrivons sur l’océan. Woaw ! Attaquer d’entrée de jeu par la N247, une route côtière de 7km qui serpente le long des côtes de l’Atlantique, cela en dit long sur le programme concocté par notre ouvreur. La moto est assez menue et donne une sensation de légèreté. Cette impression est très nettement renforcée par la finesse du réservoir et la rends facilement accessible. J’imaginais pour ce Street Scrambler un son bien rauque, assez sourd, avec quelques retours à la décélération. Et c’est exactement ça. Les montées en régime produisent une sonorité ronde et caverneuse qui participe grandement aux sensations de conduite. Le grondement presque ronronnant du bicylindre vertical est jouissif. Assez rugueux, il s’avère très agréable à l’utilisation, procurant de belles accélérations avec un côté presque rageur si l’on s’aventure jusqu’en zone rouge. Mais pas la peine d’aller jusque-là pour se faire plaisir. D’un part car au-delà de 5500 tr/min, les vibrations se font très présentes, et d’autres part car si les 65cv annoncés sont disponible à 7500 tr/min, 55 de ceux-ci sont déjà disponibles à 5750tr/min. De fait, on se retrouve à naviguer entre 3000 et 5000tr/min et le twin est vraiment plaisant. Celui-ci distille son couple assez bas dans les tours, à 3200tr/min, et rends le moteur vraiment vivant. Il colle parfaitement à la philosophie de la moto et la propulse d’un virage à l’autre avec juste ce qu’il faut de caractère. Si pour vous, les chiffres sont importants, ne vous arrêtez pas à ce simple « 65cv » et allez l’essayer. Je vous garantis que vous serez surpris.
Durant cet essai, nous avons eu de tout. Ded sublissimes routes sinueuses traversant des pinèdes aux grands axes rapides en passant par des centres-villes historiques pavés. Au niveau météo aussi, c’était varié. Nous avons alterné entre routes sèches, grand soleil, orages et pluies diluviennes. Vive le climat océanique ! De quoi être copieusement aspergé, des jambes au dos, par les projections. Même lorsqu’il ne pleut plus, le simple fait de rouler sur la chaussée humide vous repeindra de la tête au pieds. Entre un look délicieusement vintage et une bonne protection, il faut choisir !
L’avantage, c’est que j’ai pu jauger au mieux de la tenue de route du Scrambler. Ma première impression a été qu’elle bougeait en courbe. Rien de grave, mais la sensation que la roue arrière a légèrement glissé dans le virage. Au fil de la journée, cette impression a fait place à une certitude. Le comportement de la moto est très sain, et ce sont en fait les pneus qui manquent un peu de grip sur sol humide. Il faut dire que les petites routes empruntées n’étaient pas toujours en parfait état. Alors bien sûr, ce n’est pas une sportive ni même un roadster, et la partie-cycle n’est pas un modèle de rigueur. Mais je ne me suis jamais senti en danger, et les différentes assistances ont parfaitement su contribuer à ce sentiment de sécurité. L’embrayage antidribble est parfait d’onctuosité et permets de tomber deux rapports si nécessaire sans la moindre appréhension. Les suspensions travaillent de manière efficace, dans un confort tout à fait convenable, et seules les grosses compressions peuvent vraiment les prendre en défaut. Le freinage, quant à lui, est en adéquation avec le style de la moto. Désormais signé Brembo, le simple disque de 310mm est pincé par un étrier 4 pistions et ralentit la moto avec progressivité et mordant. Seul un léger sifflement s’est fait entendre lors des phases de freinage, probablement à mettre sur le compte d’un manque de rodage (ma machine avait 750 kilomètres au compteur).
La nouveauté principale, ce sont les deux modes moteurs (Rain et Road), ainsi qu’un 3ème (non présent sur la Street Twin) dédié au off-road et qui désactive l’ABS et l’antipatnage. Très franchement, je n’ai pas senti de différences au niveau de la puissance (les courbes sont légèrement différentes) mais il semblerait que le niveau d’intervention sur les assistances soit logiquement plus élevé en mode pluie. Je n’ai pas tenté de pousser l’antipatinage à la faute mais aucune frayeur n’a été à déplorer malgré une bonne centaine de kilomètres sur des routes détrempées. Le Street Scramber est une moto très saine, qui prendra plaisir à vous emmener aux 4 coins du pays et ne rechignera pas à vous faire prendre quelques chemins de traverse non goudronnés. Pas de piste au programme de cet essai, je me suis donc aventuré au retour en contrebas de cette fameuse route côtière, afin de m’amuser un peu. Et là, je pèse mes mots, car la moto est vraiment fun sur ce type de terrain. L’avant se place facilement, le grip des pneus est tout à fait correct, et même si vous n’êtes pas un habitué du hors-piste et que vous laissez l’ABS et l’antipatinage travailler à votre place, vous vous en sortirez sans le moindre problème ! Seul bémol, en position debout, la double sortie d’échappement proéminente gêne la jambe droite, l’obligeant à trop s’écarter du réservoir. Seule solution, fléchir les genoux vers l’avant, mais la position devient alors bien plus fatigante. D’ailleurs, en parlant de l’échappement, je n’ai pas trouvé qu’il chauffait démesurément. Bien sûr, cela reste pondérer car les températures étaient de l’ordre de 15° en ce mois de novembre, mais en tous les cas, on lui pardonne d’avance les éventuels désagréments que cela pourrait représenter, tant ce double silencieux en position haute fait partie intégrante de son identité, signature visuelle par excellence des scramblers de la marque de Hinckley.
Au rayon des reproches, j’ai simplement été déçu de l’accueil réservé par la nouvelle selle. Bien que plus épaisse, elle m’a rapidement tanné le cuir de l’arrière-train, par ailleurs plutôt épais. Mais c’est vraiment histoire de lui trouver un défaut car le caractère joueur du scrambler amène bien du plaisir.
Au final, j’ai découvert une moto pétillante, hyper adaptée au quotidien, bien entendu parfaite pour les débutants, du fait de sa faible hauteur de selle et de ses assistances bienveillantes, mais aussi et surtout pour vous emmener du point A au point B avec une énorme dose de plaisir. Et si possible avec le maximum de détours. Le slogan “Triumph, for the ride” n’aura jamais aussi bien porté son nom. Quelque soit la destination, vous aurez le sourire aux lèvres en arrivant.
Prix 12'140.- CHF (+ 360.- CHF pour la peinture bicolore)
Disponibilité mi-janvier 2019
Le kit Urban Tracker :