Haaaa, Benelli ! Un nom plein d’histoire, des machines cultes comme la vénérable Sei ou les plus modernes TnT à la fiabilité critiquée. On tique un peu aujourd’hui quand on sait que le blason italien aux lauriers s’est redoré… sous pavillon chinois. C’est un trail mid-size, la TRK 502, qu’on nous a mis entre les pattes pour juger des arguments de ce qui reste une production marginale sous nos latitudes.
Car si les japonais ont su nous conquérir avec des modèles toujours plus efficaces et aux caractères de plus en plus européens, les constructeurs chinois restent souvent cantonés au rôle de fabricants de scooters ou vilains copieurs de tous les modèles possibles. Mais avec la tendance du downsizing, dictée par les normes anti-pollution toujours plus castratrices et la réalité économique européenne, les moyennes cylindrées ont le vent en poupe. L’arrivée du permis A2 a encore donné un coup de boost aux ventes de ce segment de plus en plus disputé.
C’est là que les chinois ont su flairer le bon filon. D’où l’arrivée de machines, par exemple chez Benelli, comme le Leoncino, un petit scrambler néo-rétro, qui vient concurrencer la Ducati du même nom, avec un look similaire et un prix plancher. Ou cette fameuse TRK 502, qui vient tenter les voyageurs avec un look oscillant entre Multistrada et 1250 GS.
En découvrant la TRK, le premier détail qui saute aux yeux, c’est ce véritable appendice nasal. Quasi-caricatural, singeant dans son aspect le museau de la Ducati Multistrada, dans sa longueur celui de la BMW R1250 GS, le museau de la Benelli en impose. Et pourtant, il s’insère dans une ligne plutôt sympa et très off-road qui valorise très bien le modèle.
Si le gabarit des plastiques de l’avant « gonfle » la TRK, le trait reste fluide et plutôt joli à regarder. Les phares avant s’intègrent bien et la bulle, bien que fixée sur une araignée plutôt rustique, ne fait pas pièce rajoutée. Plus en détail, on tique sur les protège-mains, qui auraient gagné une finition plus soignée et une teinte carrosserie. Le bloc compteur, lui, ne flatte pas l’œil. S’il dispose des informations essentielle et offre un bienvenu témoin de rapport engagé, il semble dater d’il y a 10 ans. Dommage. D’autant plus que la petite prise USB, sur le côté gauche, permet de charger son téléphone et d’utiliser son GPS en toute quiétude, gage de modernité.
Bien mis en valeur par de jolis carters au traitement alu, le moteur bicylindre s’insère dans un joli cadre treillis, au look très latin. Là encore, c’est la finition de certaines pièces (comme le levier de frein arrière ou le simple cache de l’échappement) qui viennent assombrir le joli tableau une fois plus près de la machine. Le très fin bras oscillant, également en tubes d’acier, fait son effet. Une teinte alu brossé ou plus claire l’auraient sans doute mis en valeur et ajouté un peu de cachet à la partie arrière.
Partie certes encombrée par les supports de valises et le porte-paquet, taillés dans le même métal que l’araignée avant et les protections latérales capables d’accueillir un flat-twin BMW. Dans l’ensemble, la TRK est plaisante à voir, avec une ligne légère mais pas dévalorisante. Un air robuste et aventurier plutôt plaisant se dégage de la machine.
En m’installant au guidon de la Benelli pour la première fois, je m’étonne. La première impression qui me vient, c’est que je suis assis dans la moto. Déroutant pour un trail, car on s’attend à plus nettement dominer le trafic. Les novices et petits gabarits seront toutefois rassurés. Le confort est pour le coup appréciable, la position étant vraiment relax avec un guidon qui tombe vers les mains. Petite subtilité, le cintre vers l’arrière, qui procure un feeling particulier. Mains bien calées sur le guidon, les poignets sont tournés vers l’extérieur, ce qui rentre les coudes et n’aide pas vraiment au ressenti de l’avant. D’un coup de sélecteur, la première est enclenchée et roule !
Tout neuf, le twin vertical demande de bien faire cirer l’embrayage, à la commande très douce. Je décolle très, très progressivement sur la route. Il va falloir s’y faire. Sur ces premières évolutions, dans le trafic urbain, la Benelli se comporte bien. Le guidon finalement assez étroit permet de se faufiler entre les files, passant juste au-dessus de certains rétroviseurs. Sous 4'000 tours, pas de salut, le moteur peine et les montées en régimes semblent interminables. La TRK retrouve du souffle aux environs de 5'000 tours et s’extrait tranquillement du trafic. On ressent bien ses 213 kilos, mais la machine reste réactive face aux imprévus.
Une fois sur le réseau secondaire, deux constats se présentent rapidement. D’abord, le confort est vraiment au rendez-vous. Bulle et carénages dévient bien le flux d’air et l’assise, avec les pieds un peu en avant, est neutre et reposante. Ensuite, le moteur, certes avec seulement 400 kilomètres dans les pattes, déçoit. Plus volontaire à mi et hauts régimes, il semble tout de même assez poussif. La sonorité assez quelconque ajoutant à l’effet. Il lui faudra sans doute quelques centaines de kilomètres en plus pour se libérer.
Toutefois, je constate avec joie que la Benelli ne lutte pas pour atteindre les vitesses légales et offre assez de puissance pour s’amuser un peu. Les très bon Pirelli Angel GT assurent un grip satisfaisant sur le sec. Il n’y a que le ressenti particulier du train avant qui limitera mes ardeurs. Les repose-pieds, un peu en avant et bas à mon goût, n’offrent pas une position très sportive. Les talons viennent également vite toucher les repose-pieds arrière, suivant le modèle de bottes équipé. La Benelli invite aux promenades à rythme sympa plutôt qu’à l’attaque à outrance.
Côté partie-cycle, si les suspensions offrent un bon amortissement sur les bosses, on subit un peu les petits reliefs et les revêtements irréguliers. Le retour en information incite à la prudence (tant mieux !) et à la mesure. On en profite pour balancer tranquillement la TRK d’un angle à l’autre, toujours dans un confort appréciable. Le freinage, confié à des étriers 4 pistons à l’avant, assure en toutes circonstances. L’arrière complète efficacement le système et l’ABS, bien que se déclenchant bien tôt à mon goût, veille aux écarts en conduite standard.
Mine de rien, ma petite promenade se transforme en petite séance d’exploration. Prenant systématiquement les petites routes à chaque bifurcation, sur les contreforts du Jura, je débouche sur des chemins de plus en plus étroits et poussiéreux. Quelques glissades à l’accélération plus tard, me voilà carrément sur un chemin de forêt… c’est finalement en croisant un promeneuse, tout en négoçiant une petite montée debout sur mes repose-pieds, que je songerai à faire demi-tour…
Non-équipée de pneus spécifiques, la TRK se sort avec les honneurs de passages dans les chemins. Pendant le shooting de l’essai, après plusieurs passages dans un chemin caillouteux, sous l’objectif de Mathias, la TRK me fera sentir que ce sont mes compétences très limitées en off-road (volontaire, je précise…) qui la freinent.
De retour à ma petite promenade pleine de quiétude dans la campagne, je songe au réel défaut de cette Benelli. Son prix relativement contenu et son bon équipement en font une bonne alternative pour les voyageurs. Facilement accessoirisable, accessible aux débutants et aux petits gabarits, elle marque de gros points. Le moteur reste un rien timide pour une machine au nom si prestigieux, mais elle ne se destine pas spécialement aux amateurs de moteurs caractériels.
C’est en profitant d’une petite pause près de quelques poneys et couvant la Benelli d’un œil attendri, que je réalise que son plus gros défaut, c’est moi. Moi, motard aguerri et plein de préjugés. Moi, qui ai pu enfourcher une quantité appréciable de machines, mais pas une seule chinoise. Moi, crachant et feulant sans réfléchir vers une production sur laquelle je n’ai jamais posé un doigt.
Car le problème est bien là : outre ses défauts sur lesquels j’ai pu tiqué et son inévitable perfectibilité (l’industrie chinoise vient tout juste de se mettre aux moyennes cylindrées), la TRK a su m’emmener sur des chemins encore inexplorés. Elle m’a poussé à prendre plus d’un détour et à pousser plus loin l’exploration d’un coin que je pensais connaître. Elle m’a permis de faire un seul plein pendant tout l’essai, avec une autonomie de plus de 350 kilomètres (DINGUE !). Elle a pleinement rempli la mission d'un trail : emmener son pilote... plus loin.
Non, la TRK 502 n’est pas parfaite. Mais elle n’est de loin pas si mauvaise non plus. Et comme toutes les machines, elle s’améliorera dans ses prochains millésimes. Elle souffrira peut-être face à la concurrence, mais est une vraie alternative dans sa catégorie. De quoi bouleverser quelques a priori.