
Et c’est vrai que la nouvelle GS, en mode 850, c’est un peu comme dans un jeu vidéo. D’abord, il y a le tableau de bord TFT de 6,5’’ hyper coloré, avec cette barre de compte-tour façon jauge de boost. Ensuite, il y a cette impression que la chute est impossible et que quoi qu’il arrive, elle sera toujours là pour rattraper nos erreurs. On a presque l’impression d’être le spectateur d’une scène qui se joue devant nous tellement tout est facile à son guidon. Et il y a cette technologie, partout. ABS, ASC, DTC, ESA, RDC et j’en passe. Pour l’agrément au quotidien, c’est le top. Mais pour la réparer au fin fond de l’Afrique en revanche, pas sûr que ce soit l’idéal.
RDV chez Facchinetti Motos, à Genève, pour prendre possession de cette frêle 850. Bien droite sur sa béquille, dans ce coloris « Rallye », il faut dire qu’elle en impose. Une vraie gueule de baroudeuse. Moi qui roule rarement sur des motos de moins 1000cm3, j’admets que cette nouvelle version du trail mid-size par la Bayerische Motoren Werke m’intriguait. Autant je suis fan des gros trails polyvalents, permettant de partir en voyage à l’autre bout du monde comme d’aller chercher le pain, voir taquiner la sportive sur un col, autant on s’éloigne de plus en plus de l’esprit originel. Pour moi, un trail est une machine qui peut – qui doit ! – pouvoir s’aventurer sur les chemins, voire sur du terrain plus cassant, avec une certaine facilité. Et si les mastodontes actuels, R1200GS, Africa Twin ou encore Super Ténéré s’en sortent plutôt bien, c’est en général au prix de quelques séances de musculation et de beaucoup de transpiration… et je ne parle même pas de devoir les relever en cas de chute. Or, cette 850 affiche une fiche technique étonnement proche de ma 1ère R1150GS, une moto au caractère rugueux mais qui m’avait séduit pour sa facilité à la mettre dans tous les sens en toute sécurité. 95cv et 229 kg pour la nouvelle contre 85cv et 248kg pour l’ancienne. Et 18 ans d’écart. L’âge de la maturité. J’en salive d’avance.
Alors vite, on grimpe sur la selle pour prendre le large. Pour moi, cela convient, mais les moins d’un mètre quatre-vingts auront besoin d’un escabeau pour escalader la GS, qui culmine à 860mm de hauteur de selle. Haute, mais étroite, elle permet à mon mètre quatre-vingts deux d’avoir les pieds qui touchent le sol – pas complétement à plat tout de même. Il faut rajouter à cela une béquille latérale un peu longue, qui laisse la moto très droite. Si au quotidien cela ne pose pas de problème particulier, cela risque de générer quelques sueurs froides dans le terrain, celui-ci étant rarement d’une planéité exemplaire.
Premiers tours de roues, on prend la mesure du travail accompli par les ingénieurs de la marque bavaroise. L’équilibre est parfait, la moto est fine et la position droite est naturelle avec un grand guidon qui favorise la maniabilité. On est instantanément à l’aise. Seuls bémols, la selle paraît un peu dure et on pressent que la protection de la bulle sera aux abonnés absents. Le moteur est plaisant et prend des tours avec rage. Pourtant, au premier abord, je suis presque déçu, car je m’attendais à un peu plus de punch lors des phases d’accélération. La puissance est bien là, mais elle arrive de façon linéaire et ce moteur me semble manquer de folie. Il faut préciser que la route qui me ramène chez moi est loin d’être excitante et ne laisse pas à la moto la moindre chance de dévoiler son potentiel.
Du coup, je ne résiste pas à prendre le premier chemin en terre que je vois pour aller mettre d’emblée la GS dans son élément. Bon, je suis en pneus « route », donc la prudence reste de mise. Mais sur ce petit parcours caillouteux serpentant entre les vignes du coteau de Russin (GE), la 1ère impression est plutôt bonne. La moto semble à l’aise et le comportement est très sain. Les suspensions filtrent très bien les irrégularités du terrain et la moto est facile à placer. De très bon augure pour la suite, vivement un test un peu plus poussé !
Une fois garée en bas de l’immeuble, je prends le temps de l’observer plus en détail. La moto a un look très réussi, avec son feu avant à LED qui lui offre la désormais connue signature visuelle propre à la gamme GS. La finition est exemplaire, les plastiques sont bien assemblés et les stickers du réservoir sont recouverts d’une épaisse couche de vernis, ce qui plutôt bon signe pour la longévité et le vieillissement de la moto, surtout si on compte l’utiliser dans les dunes ou sur des pistes caillouteuses. L’écran TFT (en option) est identique à celui déjà testé sur le nouveau scooter C400X. Très lisible, il permet d’afficher une navigation simplifiée très intuitive, de type roadbook, via une connexion Bluetooth avec votre smartphone. Les roues à rayons anodisés or qui équipent cette version « Rallye » sont juste magnifiques et contribuent beaucoup au look de la moto. En choisissant ce coloris spécifique, vous aurez droit, en plus de ces jantes qui me rappellent les vieilles Transalp des années 80-90, à une selle bi-ton rouge et noire ainsi que des protèges-mains de série. Si je ne suis pas fan de ce genre de coloris, trop typé vintage à mon goût, nombreux sont ceux qui m’ont fait part de leur attrait pour cette version durant mon essai. Les goûts et les couleurs de chacun…
Le moteur, lui, n’a rien de rétro, bien au contraire. Il est entièrement nouveau et passe de 798 à 853cm3. La puissance grimpe quant à elle de 10 chevaux pour en atteindre 95, à 8250tr/min. Le silencieux, lui, fait très bien son travail. Trop même. A moins de monter haut dans les tours, on entend bien plus le moteur et ses bruits mécaniques que la mélodie de l’échappement. Dommage, je n’aurai pas été contre un feulement un peu plus sportif, en accord avec ce que l’on peut attendre d’une telle moto. Nul doute que le silencieux Akrapovic disponible en option remplira cette tâche avec davantage de conviction.
En parlant d’options, la liste est longue comme un hiver sans moto. De série, la GS est équipée de l’ABS, du contrôle de stabilité et de deux modes de conduite (Rain et Road). Ma moto d’essai étant naturellement bardée d’options, elle était donc équipée des packs « Confort », « Tourisme », « Dynamic », et « Light ». Ces packs comprennent les options suivantes : poignées chauffantes, béquille centrale, régulateur de vitesse, porte-bagage avec supports valises, phares full LED, clignotants LED, shifter pro, système de démarrage sans clé (Keyless Ride), contrôle de la pression des pneus (RDC), suspension à réglage électronique (ESA), et modes de pilotages PRO avec contrôle dynamique de la traction, ABS pro et feu stop dynamique (vous pouvez respirer !). Il faut encore rajouter le fameux tableau de bord Connectivity et l’Emergency Call, un ingénieux système permettant de détecter une chute et d’appeler les secours automatiquement si besoin. Ouf ! La moto est – enfin – complète et correctement équipée. Mais l’ensemble de ces options font malheureusement grimper le prix de la moto de 12'800.- à 17'250.- CHF, soit un surplus de près de 35%... et à peu près le prix d’une R1200GS en prix de base. Mais personne n’achète jamais une GS sans options.
Départ pour une jolie boucle de test de quelques 380km qui nous permettra de faire le tri et de séparer l’indispensable du gadget. Au programme, quelques virages, des passages de cols et surtout deux pistes offrant un panorama à couper le souffle et une trentaine de kilomètres alternant entre piste roulante ou plus cassante. L’idéal pour évaluer les capacités d’évasion de la GS (je vous indique comme y aller à la fin de l’article). Col de la Colombière, col des Aravis, col des Saisies, Cormet de Roselend, les virages se succèdent. Et plus on enroule, plus on se prend en pleine figure une moto fantastiquement plaisante à rouler. Quelque soit le rythme, elle tient le choc. A son guidon, on sent que tout est possible. Elle donne confiance et on se surprend à rentrer de plus en plus fort dans les courbes, à prendre les freins façon trappeur et à jeter la moto sur l’angle. Et là, je retrouve les sensations ressenties au guidon de ma R1150GS. Rien ne bouge, c’est un rail. Gaz en grand encore sur l’angle en sortie de courbe, et le paysage défile plus vite que jamais. Le moteur est vraiment agréable, avec juste ce qu’il faut comme douceur de fonctionnement et une réserve de puissance suffisante pour vous extraire des virages avec fougue sans crainte de perte de contrôle. Car l’électronique veille. Vous rentrez trois rapports à l’approche d’une épingle ? L’embrayage anti-dribble va gérer ça. Une fraction de secondes de flottement et la moto ralentit sans avoir à toucher aux freins. Une réaccélération gaz en grand en sortie de courbe alors que la moto est encore sur l’angle ? A l’antipatinage revient la gestion de l’adhérence pour que vous puissiez ouvrir en grand sans la moindre appréhension. Un freinage d’urgence sur une route gravillonnée ? Pas de soucis, l’ABS est là et veille – discrètement – sur votre intégrité. Les pneus d’origine, des Bridgestone Battlax Adventure A41, offrent sur route un excellent grip et un bon retour d’informations. L’ensemble est juste au top et on prend un plaisir fou à la maltraiter. Cette moto est comme un jeu vidéo : addictive et jouissive.
Arrivée sur les pistes. Mes préférées. Celle du Cormet d’Arêches, entre Aime et Beaufort, et celle reliant le Col de l’Arpettaz à celui des Aravis. Si la première est plutôt roulante, la deuxième est (un peu) plus technique et plus cassante. On y va ? On y va ! Debout sur les reposes pieds, on ouvre les gaz en grand : le tableau de bord clignote comme un sapin de Noël, preuve que l’ensemble des assistances est à l’œuvre, mais ça tracte, et c’est carrément jouissif. Bien sûr, je ne suis qu’un humble poireau, je n’ai jamais touché de moto de cross de ma vie et mon expérience se limite à quelques pistes de ce genre chaque année, ainsi qu’un stage tout-terrain auprès de Jean-Pierre Goy, en Isère. Mais la force de la F850GS est justement de rendre accessible ce genre de chemin à tout un chacun. Quel que soit le revêtement sur lequel vous vous trouvez, vous pourrez vous faire plaisir sans arrière-pensée, en sachant que quoi qu’il arrive, elle s’arrêtera toujours, même si vous pilez les freins. A son guidon, sur une piste que je connais pourtant pour l’avoir pratiquée à de nombreuses reprises, sur des motos allant de 660 à 1200cm3, j’ai pu atteindre des vitesses de l’ordre de 80km/h en ligne droite.
Jamais je n’avais été aussi à l’aise en virage. Les suspensions travaillent à merveille, la tenue de cap est précise et l’ensemble met vraiment en confiance. Je n’ose pas imaginer cette machine dans les mains d’un pilote rodé à l’enduro, qui plus est avec des pneus adaptés. Un extraordinaire jouet doublé d’une efficacité redoutable. Le seul piège est au final la hauteur de selle et cette fichue béquille latérale bien trop longue pour cet usage, obligeant à soigneusement choisir l’endroit où l’on s’arrêtera.
Le retour s’effectuera pratiquement par le même chemin qu’à l’aller. L’occasion de constater que la seule option superflue, à mes yeux, est le shifter. Autant je peux concevoir que ce soit un accessoire utile sur une sportive ou un roadster, autant il n’est d’aucun aide sur ce genre de moto, allant à l’encontre même de sa philosophie. Un shifter, c’est fait pour passer les rapports à la volée. Gaz en grand. Ce qui, sur un trail, est loin d’être le type de conduite adopté le plus fréquemment. Résultat, si on tente un passage de vitesse sans être sur le bon régime, la boite accroche dans un grand claquement désagréable, et on reprend aussi sec l’embrayage. Une option dispensable, donc. La suspension ESA doit en revanche faire partie des cases à cocher lors de la commande. Bien qu’elle n’agisse que sur l’amortisseur arrière, elle est très efficace et on sent de réelles différences à l’usage entre les différents modes. Le fait qu’elle permette de changer les réglages en roulant et donc d’adapter en temps réel les suspensions à l’état de la route est un vrai plus. Le régulateur sera également un précieux allié, dès que l’on empruntera une portion de route ou d’autoroute rectiligne sans trop de circulation. Son usage s’avère assez intuitif et permet au pilote de s’économiser. Enfin, au chapitre de la consommation, nous avons affaire à un véritable chameau. Avec 4,79l/100 de consommation vérifiée sur cette boucle, mêlant autoroute, ville, cols et piste, l’autonomie théorique dépasse les 300km, malgré un réservoir que je jugeais assez petit, sa contenance s’élevant à une quinzaine de litres. De toute façon, la selle vous aura fait stopper votre périple bien avant, tant elle s’avère – comme pressenti – dure et inconfortable. Changement indispensable si vous prévoyez des balades en duo, sous peine de divorce imminent. L’impression de départ se confirme également avec le saute-vent, qui porte bien mal son nom tant il n’offre aucune protection, même minime. On paie certainement ici le tribut à l’orientation « terrain » voulue par BMW pour sa nouvelle 850… et ce même si elle est chaussée d’origine de pneus au profil 100% routier. Les voie du positionnement marketing sont souvent impénétrables.
Le constat final est sans appel : cette version medium de la gamme GS est addictive à plus d’un titre et mérite clairement qu’on s’y attarde. Une fois qu’elle vous aura mis en confiance, vous aurez entre les mains un véritable couteau suisse permettant de rouler en tout sécurité sur n’importe quel type de terrain. Avec elle, je me vois clairement aller affronter les pistes défoncées de la Mongolie. Seule une panne d’électronique pourrait la stopper. Mais c’est une belle moto à la finition impeccable qui vous apportera une sacrée dose de fun. Le bicylindre de 853cm3, à qui l’on pourrait reprocher une certaine linéarité lors des montées en régime, offre une douceur de fonctionnement qui fait des merveilles sur les terrains accidentés. Reste qu’elle est à mon sens nettement plus pousse-au-crime qu’un roadster ou qu’une hypersport, car ces dernières vont vous prévenir de façon assez claire lorsque vous dépasserez vos propres limites. La F850GS vous permet de les repousser au-delà du raisonnable, avec une facilité déconcertante. Mais gare à vous si elle décroche. Car vous serez probablement déjà au-dessus de vos pompes depuis un moment.
Point de départ : Cluses. Si vous venez du Valais, passez par Abondance et les Gets, la route en vaut la peine. On suit ensuite l’itinéraire de la Route des Grandes Alpes, jusqu’à Bourg St-Maurice. Col de la Colombière, col des Aravis, col des Saisies, Cormet de Roselend. Arrivée à Bourg-St-Maurice, prenez la direction d’Albertville par la N90 jusqu’à Aime, un petit village situé sur votre droite. De là, grimpez et zigzaguez en direction d’Arêches et de Beaufort. Admirez ce panorama. De rien, c’est cadeau.
Une fois à Beaufort, on prend la direction d’Ugine via Queige et le col de la Forclaz. Une fois à Ugine, on traverse la D1212 et on remonte en direction du col de l’Arpettaz. A partir de là, une quinzaine de kilomètres de piste, caillouteuse à souhait, vous attendent. Longer la chaine des Aravis, seul au monde sur cette route déserte est un moment de bonheur à savourer intensément. Un tel parcours devrait faire partie du traitement antidépressif de base remboursé par les caisses d’assurance maladie.
J’espère que la balade vous plaira !