En une fraction de secondes, la visière du casque se referme en un claquement sec, le séant se retrouve plaqué sur le dosseret de selle et le champ de vision devient de plus en plus rétréci. Une catapulte, en fait. Vraiment. A peine le temps de souffler, le temps d’un passage de rapport et c’est repartiiiiiiii… ! P…, c’est mieux que les meilleures montagnes russes du monde. Et c’est à volonté ! J’ai coupé les gaz et je me suis lâchement arrêté sur le bas-côté. Bon. Cette bestiole-là n’est franchement pas raisonnable, soyons clairs. Mais pour ma première fois avec une Italienne, je ne suis pas loin de l’orgasme.
Le v-twin délivre 152cv et surtout 12.8mKg de couple à seulement 5000 tr/min. Et ça dépote méchamment. Le moteur, très vivant, prend des tours avec générosité. Au feu rouge, le poignet droit démange et on se prend à rêver d’un 400m départ arrêté, dans le plus pur style Joe Bar Team. On en vient presque à guetter Lévrier noir sur la JBT Interceptor, prêt à taper l’arsouille du siècle avec les potes pour lui échapper. Même si on tire un poil court.
Tout débute chez Ducati Genève, à Carouge. Ils me mettent à disposition pour quelques jours une version S de la nouvelle Ducati X-Diavel. J’admets, je suis comme un gosse devant le sapin de Noël. Cette moto me plaît beaucoup et ça faisait un moment que je voulais l’essayer. Autant je n’ai jamais été fan de la Diavel classique, autant lorsque j’ai vu passer les premières images de cette version X, j’ai immédiatement été conquis. Si la Diavel se démarquait particulièrement par son aspect ramassé sur l’avant, il lui manquait à mon goût une certaine finesse.
Clairement, je trouvais l’avant de la moto trop massif. Et là, avec la X-Diavel, j’ai l’impression qu’on arrive à un équilibre et à une finesse qui confère à l’ensemble classe et élégance. Avec le guidon qui semble presque tordu vers l’arrière sous la force de l’accélération, la ligne est très dynamique et vraiment réussie. Ajoutez la finition à tomber de la version S avec sa sublime jante arrière polie et ses nombreuses pièces usinées, et vous n’êtes pas loin de la perfection. Définitivement, on a devant nous un très bel objet. A 26'190.- dans cette magnifique livrée blanche avec une bande noire sur le réservoir, elle fera des envieux. Mais on achète une moto, pas une œuvre d’art : reste à voir ce que cela donnera sur la route ! Enjoy !
Au moment de reculer la moto, on se rend compte que le silencieux, ultra court, souffle les gaz d’échappement pile sur le mollet droit. Avec la température du moteur en plein mois d’août, ça doit méchamment chauffer.
Reste qu’on enfourche la moto facilement et que les commandes tombent naturellement sous la main. Seul le bouton de commutation de feu de route m’a gêné, trop près du levier d’embrayage et donc facilement actionnable involontairement. Si vous recevez des appels de phares, ce ne sera donc pas (forcément) pour vous signaler un radar. Pour affiner encore l’ergonomie, Ducati annonce pas moins de 147 combinaisons possibles (ajustement des repose-pieds d’origine sur 3 positions, commandes avancées ou reculées, 7 selles et 3 guidons disponibles en option). Pour ma part, mis à part une pédale de frein arrière difficile à actionner jusqu’en fin de course, la moto a parfaitement convenu à mon mètre quatre-vingt-deux.
La position est relax, avec les jambes légèrement sur l’avant. On sent bien le réservoir entre les jambes et on se dit que cela ne sera pas de trop pour prendre appui quand il s’agira de balancer le gommard de 240mm dans les enchaînements. Car avec un pneu de cette taille, on peut s’attendre à avoir du mal à négocier les petites épingles.
Procédure de démarrage enclenchée. Ready? Start ! Un grondement rauque se fait entendre. Le bruit est caverneux, un peu sec, mais bien présent et met d’emblée dans l’ambiance. Ceux qui ne s’étaient pas encore arrêtés sur cette sculpture à deux-roues poseront immanquablement leur regard sur vous. Si vous cherchiez la discrétion, c’est raté.
La X-Diavel S joue les stars à tous les niveaux. 1ère, démarrage sur un filet de gaz et c’est parti pour un essai plein de promesses. On verra alors s’il y a tromperie sur la marchandise. Le moteur, assez souple paraît-il pour une Ducati, apprécie tout de même modérément les bas régimes et nous montre clairement qu’il ne demande qu’à s’envoler dans le haut du compte-tour. Par rapport à la Diavel, c’est surtout au niveau du couple que la différence est flagrante.
Le moteur DVT de 1262cm3 de la X développe en effet 12.8 mkg de couple comme son ainée, mais 3000 tr/min plus tôt, soit à 5000 tr/min. On dirait un boxeur à l’échauffement, qui attend de pouvoir placer son uppercut. Le généreux v-twin ne demande qu’à rugir pour distiller un max de sensations. Décidément, quel plaisir avec cette Italienne !
Depuis Carouge, je décide donc de monter au Salève pour prendre tranquillement la mesure de la moto et bénéficier d’un joli point de vue pour assurer les photos de l’article.
Mais quelle idée ! Qu’on pende haut et court celui qui s’est dit : « Tiens, j’ai une moto de 3m de long avec un pneu arrière large comme la moitié de la chaussée, si j’allais grimper la route la plus escarpée du coin ? ». Sans déconner. La Croisette, pour vous donner une idée, c’est comme une sorte de mini-Stelvio. Une succession de petits virage très serrés et surtout très relevés. Autant dire qu’avec un empattement de 1615mm et un pneu de 240, j’en suis presque à m’arrêter dans les épingles pour la faire pivoter à la main. J’exagère… à peine.
C’est vrai que ce n’est pas son terrain de jeu habituel mais moi, quand on me dit de tester, je teste ! Un peu plus loin, l’horizon se dégage et de belles courbes se dessinent, sur un revêtement pas toujours en très bon état. Je peux désormais prendre la mesure de la bête. Le côté cruiser est bien là et on peut enrouler tranquillement de virage en virage.
Attention aux nids-de-poule car le ride-by-wire est très sensible et le moindre mouvement involontaire de la poignée de gaz se traduit aussitôt par un à-coup sec qui peut déstabiliser. Les 40° annoncés comme prise d’angle maxi sont bel et bien là et on prend plaisir à jouer avec la garde au sol généreuse. Si la X-Diavel n’est pas un monstre d’agilité, le comportement est très sain et met en confiance le pilote. Mention spéciale pour le travail des suspensions qui filtrent étonnement bien les petites aspérités de la route tout en gardant la rigueur nécessaire pour une bonne tenue de cap.
Le double disque de 320mm à l’avant se montre puissant et dosable pour ralentir les 247kg en ordre de marche de la bête, contrairement au frein arrière qui m’a posé plus de problèmes : un peu mou et doté d’une course assez longue, il faut vraiment enfoncer la pédale pour qu’il soit efficace, ce qui contraint à mettre le pied dans une position peu naturelle. Peut-être est-ce ajustable en modifiant certains réglages, mais retenir la moto à un feu rouge en légère côte m’a été impossible avec le seul frein arrière.
Une fois en haut du Salève, je profite d’une pause pour observer l’engin. Et je suis époustouflé par la qualité de la moto et par son degré de finition. On dirait que chaque pièce a fait l’objet d’une attention particulière. En la parcourant des yeux, on tombe sur une multitude de petits détails, comme ce cache gravé Ducati au-dessus de l’ampoule du phare, les bocaux de liquides de frein et d’embrayage usinés, eux aussi frappé du logo Ducati, ou encore la sublissime jante arrière. Exclusive à cette version S, elle vaut à elle seule la peine de craquer pour cette finition supérieure. Complétement dégagée par le monobras oscillant, usinée, polie puis vernie, cette superbe pièce est pour beaucoup dans la ligne réussie de la moto.
J’ai conduit énormément de motos dans ma vie. Mais celle-ci fait figure d’exception. C’est simple : à chaque fois que je me suis arrêté quelque part, des gens sont venus à ma rencontre pour me parler. Si la firme de Bologne possède déjà une aura prestigieuse, la X-Diavel S en remet une couche. La moto plait, intrigue, passionne ou impressionne, mais ne laisse personne indifférent.
Attention, j’annonce un véritable avion de chasse. De série, nous avons un ABS Bosch avec capteurs d’inclinaison, un contrôle de traction (DTC), une assistance au départ arrêté (DPL), un ordinateur de bord hyper complet, le Ride by Wire ainsi qu’un régulateur de vitesse et même… le bluetooth ! Oui, si vous avez votre téléphone dans votre poche et un casque connecté, le numéro de l’appelant s’affichera sur le tableau de bord. Inutile, donc forcément indispensable.
On dispose de 3 modes de conduite (Rain, Touring et Sport), lesquels sont entièrement paramétrables tant au niveau de leur affichage que des valeurs attitrées pour l’antipatinage et l’ABS. Par défaut, le mode touring va bien, car il délivre la puissance totale avec un peu plus de douceur (tout est relatif) que le mode Sport, qui offre lui une connexion plus directe entre la main droite et la roue arrière. La tablette, pardon l’écran TFT de 3,5’’ qui sert de tableau de bord, magnifique au demeurant, est entièrement personnalisable selon les infos que l’on souhaite avoir.
Si la X-Diavel S se montre plus à son aise béquillée devant une terrasse de café que dans les petites ruelles étroites d’une grande ville, elle s’en sort tout de même relativement bien en milieu urbain. La selle basse ainsi que le grand guidon facilitent les manœuvres à basse vitesse et il faut simplement se méfier du rayon de braquage lors des demi-tours.
Sur ma moto d’essai, un petit dosseret était monté pour le passager. Autant vous dire que sans cet accessoire, ma tendre moitié n’aurait pas accepté de faire plus de 100m derrière moi, de peur de finir sur le pneu arrière. Pourtant, étonnamment, le confort n’est pas si en retrait. Pour citer ma passagère : « On a les jambes repliées, comme sur une sportive, mais on a le dos droit. Le dosseret est très rassurant et le fait de pouvoir l’utiliser comme poignée de maintien compense l’impossibilité de prendre appui sur le réservoir lors des gros freinages. » Ouf, pas si terrible que cela, finalement. Pas sûr qu’elle accepte de partir dans le sud avec, mais pour des balades le week-end, la Ducat’ fera le job.
Au niveau pratique, on relèvera en outre un éclairage puissant qui illumine la route d’un large faisceau ainsi que des commodos au guidon qui sont rétros-éclairés en rouge. De nuit, cela dessine un X autour des commandes. Clin d’œil sympa mais surtout très pratique.
Au moment de la rendre (oui oui, ils m’y ont obligé), une petite pluie fine tombe sur le Mandement. Parfait, c’est l’occasion de tester la moto dans des conditions d’adhérence plus précaires. Cartographie réglée sur le mode Rain, on va bien voir. Pas de dérobade de l’arrière, la motricité est bonne, on se sent en sécurité. Et on est surtout détrempé. Avec un arrière aussi court, les projections d’eau de la roue arrière s’occupent généreusement de changer la couleur de votre équipement, du sommet du casque au bas de votre pantalon. Sympa au niveau du style. Sans compter la selle creusée, ornée d’une petite plaque Ducati en son centre, qui offre un design très réussi mais fera aussi office de bassine si vous laissez votre moto dehors par temps pluvieux. On ne peut pas tout avoir.
Finalement, la Ducati X-Diavel S est exactement comme on la perçoit au premier regard. Aussi belle et raffinée à observer que puissante et bestiale à piloter. Voici donc la définition du Power-Cruiser à l’italienne. Un gros jouet d’adulte. Et c’est franchement jouissif. On est dans l’émotion pure, sans place pour la raison. Le prix demandé, s’il paraît excessif, est à la hauteur des prestations délivrées. La qualité de finition, les nombreuses pièces usinées, le moteur diabolique et l’électronique embarquée de pointe valent largement les quelques vingt-six billets violets demandés pour acquérir la belle. Reste à savoir si on les a, et ça, c’est un autre problème.
Je laisse le mot de la fin, qui résume parfaitement ma pensée, à ce cher Lafouine qui a bercé ma jeunesse : « Dès que je saurais me servir de ce truc, je vais tous les pourrir !! »
Merci à Ducati Genève pour l’accueil et le prêt de la moto.