Wow, ce moteur, quel régal ! Un vrai coup de cœur ! Souple, il reprend dès 1500 tours et ne demande qu’à s’envoler. La zone rouge, à quelques 5500 tr/min, évoque au premier abord une plage d’utilisation particulièrement courte et hypothétiquement trop restreinte. A l’usage pourtant, on se plait à évoluer entre 2000 et 3000 tours, en profitant du couple et du souffle sans fin du gros twin américain. Ce 114 est une franche réussite. Extrêmement plaisant dans sa version d’origine, je n’ose imaginer le plaisir qu’il doit procurer avec une cartographie et une paire d’échappements qui le laisseront respirer davantage.
Sur les petites routes et les enfilades serrées, la moto se révèle étonnement vive et maniable. Attention, on parle toujours d’une moto de plus de 300kg, hors poids de votre serviteur bien sûr. Mais avec un pneu aussi large, je dois avouer que j’en ai douté. J’ai le souvenir marquant d’une certaine BMW R1200C Montauk en 2005 qui avait elle aussi un boudin de 150mm à l’avant, et je dois dire qu’elle ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable, l’énorme pneu grevant alors littéralement la maniabilité de l’engin. Mais là, la magie opère et sans même y penser, on est à l’aise dès les premiers tours de roue. Alors bien sûr, il faut la faire tourner, cette Fat Bob. Bien sûr, son gros train avant possède tout de même une certaine inertie dans les lacets. Mais une fois la moto calée sur l’angle, elle tient le cap. On enchaîne les virages avec aisance et le châssis encaisse la hausse de rythme sans le moindre problème.
Le freinage, confié à un double disque à l’avant, est puissant et dosable. Le frein arrière, plus discret, se révèle un précieux allié pour placer la moto en courbe, d’autant que l’ABS se déclenche assez tard. Sa partie-cycle est en accord avec son moteur et tient le choc, que ce soit en termes d’accélération ou de tenue de route en courbe. Bon, soyons clairs, je ne vais pas vous vendre une hypersport. Premièrement je n’ai aucune prétention sportive, et deuxièmement, cette moto totalisait à peine 75km lors de sa réception.
Le moteur n’étant pas rodé, j’ai donc tenté de respecter la mécanique au maximum, en restant le plus possible sous les 3000tr/min. Et ça tombe bien, car ce moteur est une vraie force tranquille. La cathédrale mécanique du Wisconsin ronronne tranquillement jusqu’à 2000 tr/min, permettant d’enrouler paisiblement sur les petites routes qui longent le Jura. En revanche, tournez la poignée de gaz et VROAAAAM, c’est comme si vous étiez assis sur un énorme élastique qui se détendait instantanément pour vous propulser avec force le plus loin possible. La santé du Milwaukee Eight est carrément impressionnante ! Soyons clair, cette bécane est capable de vous coller les yeux au fond des orbites. Et une énorme banane en prime !
Rarement une moto m’aura autant impressionné par la vigueur de son moteur. Quel plaisir à piloter !
Au quotidien toutefois, cette moto se mérite. Le gros Bob n’aime pas la ville et il vous le fait savoir. En vous cuisant la jambe droite contre le moteur, par exemple. Ou en vous empêchant de remonter les files de voitures faute de démonter quelques rétroviseurs au passage. Il n’y a bien sur pas le moindre rangement et à son bord, c’est sac-à dos obligatoire si vous devez transporter quelque chose.
Les aspects pratiques se limitent à un ordinateur de bord assez complet commandé au guidon, qui décompte même les kilomètres restant avant la panne sèche, et à un système Keyless très bien pensé. Loin d’être un « ancien », moi qui aime bien le rituel de la mise en route en tournant la clé dans le contacteur ai été agréablement surpris par la facilité et l’agrément qu’un tel système procure. Plus besoin de clé, mis à part pour verrouiller la colonne de direction.
On s’approche de la moto, on place le coupe-circuit sur « ON » et le twin de 1868cm3 s’ébroue. On prend vite l’habitude d’avoir simplement la clé dans la poche de sa veste et c’est une vraie plus-value au quotidien. Le réservoir, qui a perdu presque 4 litres par rapport à la précédente version, se contente désormais de 13,6 litres. Avec une consommation vérifiée de 5,9l/100 durant l’essai (90% route/10% ville), on peut donc envisager des étapes de 200km sans crainte de la panne sèche. En tous les cas, si on souhaite partir à deux, les arrêts seront plus fréquents tant la place passager est minimaliste. Il n’y a aucune poignée de maintien, mis à part une sangle symbolique sur lequel la passagère est contrainte de s’asseoir tant la place est comptée. Le réservoir étant trop bas pour y prendre appui, il ne reste que les poignées d’amour du pilote pour ne pas perdre sa passagère à la moindre rotation de la poignée de gaz. On aime ou on déteste, mais sur la Fat Bob, pilote et passager font corps avec la machine.
Certains lui reprochent une japonisation flagrante, d’autre lui trouvent une audace courageuse. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne laisse personne indifférent et que chacun à un avis dessus, souvent tranché d’ailleurs. Pourtant, c’est bien une machine Made in Milwaulkee et je ne lui connais pas d’équivalent dans la production asiatique actuelle. La Yamaha MT-01 est peut-être celle qui s’en rapprochait le plus mais son moteur, pourtant fameux, est loin d’égaler le v-twin américain.
Personnellement, j’ai trouvé que le caractère de la moto correspond parfaitement à l’image qu’elle renvoie. J’ai découvert une moto attachante, certes pas parfaite, mais dont le moteur est jouissif et invite à prendre le large. C’est une vraie Harley-Davidson, avec un twin généreux, vivant et gorgé de couple, qui ne demande qu’à tracter à la moindre sollicitation de la poignée droite.
Essayez, et vous verrez. Elle vous flanquera la banane, c’est garanti sur facture !