La Yamaha Niken (à prononcer Naïken) est un OVNI dans le monde de la moto. Avec son look de scorpion tout droit sorti d’un manga futuriste et ses deux roues à l’avant on ne sait même pas très bien s’il faut considérer la Niken comme une moto... Une chose est certaine, qu’on aime ou qu’on déteste, il impossible de rester indifférent devant une telle audace !
Ce trois-roues d’un genre nouveau porte le nom de code LMW chez Yamaha pour « Leaning Multi Wheel » ou « multiples roues inclinables » (avouez que c’est moins sexy en français…). La Niken est le fruit d’un développement d’une dizaine d’année durant lesquelles Yamaha a testé différentes configurations sur des prototypes à quatre roues (la Tesseract en 2007) et à trois roues (les 01GEN en 2014 et WMT-9 en 2015).
Yamaha compare l’arrivée du LMW dans le monde de la moto à l’arrivée du carving (ou ski parabolique) dans le monde du ski. Le carving ayant rendu la pratique du ski plus fun et accessible à tout un chacun grâce à cette technologie qui permet de déclencher des virages facilement. Ce parallèle avec le ski carving est aussi une des inspirations de son nom car Niken signifie « deux épées » en japonais, une métaphore des deux roues qui permettent de tracer des trajectoires aussi affutées qu’une lame japonaise…
Selon Yamaha, ce train avant à deux roues permet à l’utilisateur de prendre facilement des angles en courbe très importants avec un sentiment de sécurité bien supérieur à une moto traditionnelle par le fait qu’on double la surface de contact au sol par rapport à un deux-roues classique. La stabilité de la moto est augmentée et on peut se permettre de freiner plus tard et d’accélérer plus tôt. Elle encaisse également mieux les imperfections de la chaussée lorsque celle-ci est dégradée.
Si la Niken a la même configuration à trois roues que le MP3 de Piaggio, la comparaison s’arrête ici car ces deux véhicules n’ont rien en commun. La Niken est considérée comme une moto à part entière et nécessite de ce fait un permis moto correspondant. Elle ne possède pas de système de blocage vertical des roues pour le parking et est avant tout destinée à un publique qui a déjà une expérience de la conduite en deux-roues.
Impossible de passer à côté de l’impressionnante et imposante double fourche inversée de la Niken. La géométrie de la partie avant est basée sur un parallélogramme qui permet de conserver les deux roues parfaitement alignées et d’atteindre un angle d’inclinaison de 45°. Pour arriver à leur fins, les ingénieurs nippons ont dû placer les doubles tubes de fourches sur l’extérieure, afin de laisser un maximum d’espace à l’intérieur pour permettre d’atteindre un tel angle d’inclinaison des roues.
Les suspensions de chacune des roues agissent de manière totalement indépendante l’une de l’autre et sont composées chacune d’une double fourche KYB. Le tube avant de 41mm sert de guide tandis que le tube arrière de 43mm, semblable à une moto traditionnelle, absorbe les chocs. Ce dernier est réglable en compression, pré-charge et amortissement, tout comme le mono-amortisseur arrière.
Au niveau des roues avants, le choix s’est porté sur du 15 pouces au lieu du traditionnel 17 pouces pour des raisons d’inertie, d’agilité mais également de place, encore une fois nécessaire pour atteindre cette inclinaison de 45°. Des pneus ont été spécialement développé par Bridgestone pour la Niken.
Un des chalenges techniques a été d’adapter le principe d’Ackermann, bien connu du monde automobile, sur un véhicule aux roues inclinables. En effet, dans un virage serré, la roue intérieure doit présenter un braquage supérieur à la roue extérieure sous peine de générer du glissement.
Le défit a été relevé en rendant indépendants les pivots de direction et d’inclinaison au moyen d’une articulation déporté spécifique. La maitrise de cette technologie est la clé de l’excellente aptitude en virage de la Niken.
Bien qu’elle paraisse énorme, les dimensions de la Niken sont très proches de celles de la Yamaha Tracer en terme d’encombrement. Toutefois, à cause du surpoids généré par le système à deux roues à l’avant, la position du pilote a reculée de 50mm (par rapport à la MT-09) afin de garder une distribution du poids de 50:50. Tout pleins faits elle est annoncée à 263kg, soit à titre de comparaison exactement le même poids qu’une GS Adventure.
Au niveau motorisation, on retrouve le populaire trois cylindres CP3 de 847cm3 qui équipe également les MT09, Tracer et XSR900. Il délivre les mêmes performances que sur le reste de la gamme, à savoir 115 Cv à 10'000 tr/min et un couple de 87.5 Nm à 8’500tr/min.
Par rapport à ses cousines à deux roues, la masse du vilebrequin a été augmentée de 18%, l’injection à été adaptée et sa transmission finale raccourcie pour la rendre plus vive.
La Niken est équipée d’un ABS, d’un Traction control à deux niveaux, de trois modes de conduite, d’un Cruise control et d’un shifter (uniquement pour monter les rapports). L’éclairage est du 100% Led.
Les infos techniques c’est sympa, mais ce qui nous intéresse avant tout, c’est de savoir comment la Niken se comporte en pratique non ?
Sur le coup des 8h30 notre groupe des journalistes Suisses quitte l’hôtel en premier. La météo qui s’annonçait catastrophique pour tout le weekend nous a fait un petit cadeau inespéré : ce matin on part avec un soleil radieux et un ciel bleu, quelle chance !
Vient enfin le moment d’enfourcher la bête. La selle est basse (820mm), c’est un atout pour ceux qui n’ont pas des longues jambes. Le poids se fait sentir à l’arrêt quand on la manœuvre, mais pas plus qu’avec un gros trail. Bien qu’elle soit pourvue de trois roues, la Niken ne tient pas debout toute seule sans la béquille car il n’a pas de moyen de bloquer l’inclinaison des roues. Une fois en mouvement, le poids se fait vite oublier et je me rends compte que la prise en main de la Niken est instantanée.
Certes, l’avant est visuellement large et imposant, mais le comportement est en tout point similaire à un deux-roues. La position de conduite est effectivement plus reculée que sur un roadster et plus « relaxe », notamment grâce à la large et confortable selle. La protection au vent est très bonne, et même à 130 km/h je n’ai pas de turbulences dans le casque.
En route vers le Grossglockner, le col le plus célèbre d’Autriche, on se familiarise avec la bête en testant ses réactions en prenant une bordure de trottoir par exemple. C’est vraiment surprenant comme le train avant encaisse tout sans broncher.
Au moment où l’on passe la gare de péage du Grossglockner, on peut enfin s’en donner à cœur joie. Il est si facile et naturel d’inscrire la Niken en courbe que le rythme augmente rapidement. Ce train avant est tellement stable qu’à son guidon on a vite fait de se prendre pour un super pilote. Avec elle, on peut se permettre de transgresser les tabous du motard comme freiner ou accélérer en plein courbe sans se faire satelliser.
J’ai d’ailleurs senti à plusieurs reprises le cul glisser en envoyant la patate trop vite dans le virage. Une fois la surprise passée, et quand on voit à quel point le train avant encaisse tout, j’en viens presque à faire exprès de remettre les gaz trop tôt tellement c’est grisant.
Tout aussi remarquable que ses performances dynamiques est le sentiment de sécurité dégagé par la Niken. Je le remarque bien car lors du lancement de la Yamaha Tracer en Espagne il y a un mois, j’étais avec les même journalistes et par moment je devais me faire violence pour suivre leur rythme. Au guidon de la Niken, je n’ai jamais eu l’impression de m’approcher de cette zone critique bien qu’on roulait probablement plus fort encore.
La partie cycle est d’ailleurs tellement bonne que je regrette presque que Yamaha ne lui ait pas greffé le moteur de la MT-10 avec ses 160 Cv. Je suis sûr qu’elle pourrait les encaisser sans problème. D’ailleurs, en parlant de motorisation, ce qui fait le plus défaut à la Niken à mon avis, c’est le bruit. Le trois pattes est vraiment trop discret pour un engin aussi hors normes. L’échappement Akrapovic disponible en option me semble obligatoire.
On s’arrête au sommet du Grossglockner pour profiter de la magnifique vue et échanger nos impressions. Tout le monde est unanime. Non seulement la Niken est impressionnante d’efficacité, mais surtout elle met en confiance et elle est vraiment fun à rouler.
Le freinage n’a pas le mordant de certains roadsters sportifs. Ceci s’explique peut-être du fait de la roue supplémentaire qui génère une masse en rotation supplémentaire à freiner. Le résultat est un freinage plutôt progressif, mais tout à fait à la hauteur de la tâche.
Nos montures hors du commun ne tardent pas d’attirer les motards curieux qui arrivent au sommet du col. J’échanges quelques mots avec deux allemands, la cinquantaine, qui me disent que c’est une bonne idée de faire des motos à trois roues pour les personnes âgées… J’ai défendu la Niken comme si c’était ma propre création, mais je me suis vite rendu compte qu’avec ce genre d’individus bornés, il n’y a rien à faire…
Lors de la descente du col, on s’arrête pour le premier photo shooting avant de troquer les beau virages et l’excellent tarmac pour une petite route sinueuse, étroite et en mauvaise condition. Pour couronner le tout, il commence à pleuvoir ! Rien ne semble perturber cet ovni à trois roues, je commence à avoir le sentiment qu’il est impossible de la mettre en défaut.
Après une bonne centaine de kilomètres sous un ciel très couvert, on arrive juste à faire le second photo shooting avant d’être rattrapé par la pluie et les derniers clinquantes kilomètres se feront sous un déluge biblique.
Là encore, on roule à un rythme que je n’aurais jamais osé assurer avec une deux roues sur des routes aussi inondées. Le contrôle de traction s’est même activé en plein ligne droite car la roue arrière était en aquaplaning… L’avant lui, ne bronche toujours pas.
Après 280 kilomètres au guidon de la Niken, on arrive à l’hôtel et je regrette déjà de la rendre. J’ai froid, je suis mouillé, mais je me rends compte que je ne suis pas du tout fatigué comme je l’aurais été après une telle virée sur un deux-roues. Les bénéfices de la technologie LMW (Leaning Multi Wheel) avancés par Yamaha sont bel et bien validés et approuvés en pratique !
Si je n’avais pas eu l’opportunité de participer au lancement de la Niken, je ne l’aurais très probablement jamais essayé et je serais passé à côté de quelque chose car c’est probablement une des motos les plus fun qu’il m’ait été donné de conduire de ma vie. Bien qu’elle ait trois roues, je la considère comme une moto parce que les sensations de conduite qu’elle procure sont bien celles d’une moto.
La stabilité engendrée par le train avant à deux roues qui semble impossible à mettre en défaut, peu importe l’état de la route ou de la météo, m’a permis de prendre des virages avec des angles que je n’aurais jamais atteints autrement, et avec un sentiment de sécurité bien supérieur à celui d’un deux-roues traditionnel, ce qui est un réel avantage. C’est un pari réussi de la part des ingénieurs de Yamaha et je pense que chacun qui aura la chance de rouler la Niken pourra le confirmer, peu importe son niveau.
La Niken est clairement un produit de niche. L’avenir nous dira si elle est la première d’un genre de véhicules nouveaux et si la concurrence suivra la tendance. Dans toutes les cas, ça fait plaisir de voir des constructeurs qui osent sortir des sentiers battus pour proposer quelque chose de radicalement nouveau et innovant.
La Niken est un véhicule réellement unique sur le marché puisqu’elle n’a pas de concurrence. Yamaha est bien conscient qu’il est nécessaire d’aller vers ses clients pour qu’ils puissent la tester et se forger leur propre opinion. Entre juin et octobre une tournée d’essais dans toute l’Europe (34 emplacement) sera réalisée. On vous communiquera les dates pour la Suisse quand celles-ci seront connues.
La Niken sera disponible à la vente à partir de septembre pour CHF 17'990.-. Il est d’ores et déjà possible de la précommander en ligne depuis le 16 mai.