Pour 2018, l’anglaise s’offre un sérieux lifting, tout en gardant ses atouts majeurs afin de revenir comme étant la Speed la plus puissante et la plus efficace jamais produite. Présentation des deux versions de la Speed Triple, S et RS.
Vous le savez certainement déjà, pour ce nouveau millésime, le fer de lance de Triumph sera décliné en deux versions, à savoir les Speed Triple S et Speed Triple RS. Les différences entre les deux versions se situent dans la partie cycle, avec la présence du manufacturier suédois Öhlins sur la version RS contre du Showa pour la version S. D’autres attributs confèrent à la version RS un caractère encore plus abouti et plus exclusif pour arriver à un niveau de finition exemplaire, proche de la perfection.
L’électronique est également plus perfectionnée sur la version ultime. Mais patientez un peu, je développerais plus tard ces différences. Le moteur en revanche reste identique sur les deux variantes de la Reine d’Hinckley.
La volonté actuelle se veut gourmande en chiffres. Du coup, la majorité des « gros » roadsters récents affichent des chiffres qui s’approchent presque dangereusement (inutilement) des sportives. De son côté, la nouvelle mouture de la Speed évolue également en terme de performances, mais de manière raisonnable, et voit sa puissance augmenter de 10 canassons pour passer à 150 chevaux. De la même manière, le couple évolue également pour grimper à 117 Nm.
Mais à Hinckley, l’idée n’était pas de présenter une Speed Triple identique au modèle précédent avec quelques watts de plus. Bref, plus de watts de manière générale, tout en restant accessible. La grande force de la reine de Hinckley ne réside donc pas que dans son moteur.
Le trois cylindres de 1050 cm3 a donc été revu de manière importante et on n’annonce pas moins de 105 nouveaux composants moteur. Du coup, la zone rouge se voit repoussée à un peu plus de 11'000 tr/min, soit 1'000 tr/min de plus, le tout pour une montée en puissance plus affirmée mais surtout plus durable. Et pour rendre tout ça encore plus grisant, l’échappement a été revu et se voit plus direct pour des vocalises à en faire pâlir bien des chanteurs. Et encore, on ne parle pas de l’élément Arrow monté de série sur la version RS…
Mais qu’est ce qui a changé exactement pour pouvoir augmenter la puissance de 7% et le couple de 4% ? On ne va pas rentrer dans le détail, mais plusieurs mises à jour du moteur rendent ces améliorations possibles, comme par exemple un nouveau pignon de vilebrequin, des chemises de cylindre allégées ou encore de nouveaux pistons et une nouvelle culasse afin d’améliorer « l’écoulement » des gaz qui permettent d’augmenter le taux de compression.
En 2018, il est inimaginable de concevoir une moto qui se veut performante sans passer par la case « électronique ». La nouvelle Speed Triple ne déroge pas à la règle.
On s’en rend immédiatement compte en voyant le tableau de bord qui n’est autre qu’un écran couleur TFT de 5 pouces. Et attendez de l’allumer, vous verrez rapidement l’animation du logo Triumph associée au démarrage vous plonger dans un univers digne d’un jeu vidéo. Dans un souci d’ergonomie améliorée, il est possible de régler l’angle de vue et l’intensité de l’éclairage pour une visibilité optimale.
Cet écran, découvert sur la « petite » Street Triple, ne fait qu’annoncer la couleur (c’est le cas de le dire) puisqu’à partir de lui, on va pouvoir, au moyen des commodos rétro-éclairés et du joystick, choisir le mode de conduite souhaité.
Pour la version S, 4 modes sont au menu à savoir les traditionnels Rain, Road, Sport et (celui que je préfère) le Rider qui est entièrement personnalisable, au point de pouvoir supprimer les assistances… Wheelings et travers de porc deviennent donc envisageables ! La version RS permet d’accéder à un mode supplémentaire qui n’est autre que le Track, qui offre des réglages avancés quand à l’ABS et à l’antipatinage.
Si le mode Rain bride la moto à 100 chevaux, les autres modes interviennent sur la réponse à la poignée de gaz « ride-by-wire » et sur les différentes assistances, mais en aucun cas sur la puissance délivrée par le trois pattes.
Tiens, les assistances, parlons-en. La Speed Triple S est donc équipée de l’ABS et de l’antipatinage, réglables en intensité d’intervention et déconnectables. Toujours de série, un régulateur de vitesse est maintenant de la partie afin d’agrémenter le catalogue des offres électroniques de la « S », en plus des feux de jour et de la prise d’alimentation USB. Au niveau du tableau de bord, il est possible de choisir différentes versions de l’affichage des infos, qui changent d’elles même en fonction du mode de conduite choisie.
C’est au niveau de la « RS » que le niveau électronique fait réellement une évolution majeure. Cette fois-ci, les systèmes ABS et antipatinage sont optimisés pour les virages et assure une répartition optimale des forces de freinage, du taux de glissement et du couple pour de meilleures performances. Pour faire simple, on peut envoyer du lourd, que ce soit en terme d’accélération ou de freinage, lorsqu’on est sur l’angle. Evidemment, pour gérer tout ça, il fallait bien une centrale inertielle avancée.
Pour la Speed Triple RS, l’IMU a donc été développée en partenariat avec Continental et collecte en tout temps toutes les mesures nécessaires (mesures de roulis, de tangage, de lacet, d'angle d'inclinaison et d'accélération) au bon fonctionnement des assistances. Comme la version S, la RS dispose de plusieurs affichages au tableau de bord. La version upgradée permettant de choisir entre 6 affichages différents.
Dernière évolution technologique, la Speed Triple RS est dotée d’un système keyless, avec un nouveau système de verrou de direction et de démarrage sans clé, lui aussi désactivable.
Dans cette présentation de la Speed Triple, on parlé moteur, on a parlé électronique, mais on n’a pas encore abordé la partie cycle. Et pour la Speed Triple, la partie cycle, c’est une grande partie de la réussite de cette moto. Sur le précédent modèle que j’avais eu l’opportunité d’essayer, j’avais trouvé l’ensemble suspensions/cadre parfait, tant au niveau du ressenti au guidon qu’au niveau de l’efficacité. L’idée de base a été de conserver cette alchimie sur le nouveau millésime. On retrouve donc un cadre en alu à double berceau, sublimement terminé par ce mono-bras oscillant qui met en avant cette nouvelle jante brillante à 5 bâtons. Exquis! Si votre choix se porte sur la Speed Triple S, la continuité de ce cadre se fera par l’intermédiaire des éléments de suspensions Showa. Si en revanche, vous avez craqué sur la version RS, c’est comme d’habitude du Öhlins qui fera la jointure entre le cadre et les Pirelli Diablo Supercorsa. Pour être clair, voici l’équipement des deux versions :
Ajoutez à cet ensemble un freinage signé Brembo M4.34, et vous obtenez une combinaison idéale pour que la nouvelle Triumph soit dotée d’une des meilleures parties cycle du marché des roadsters. D’autant plus que le poids de la Speed Triple S égale celui de l’ancien Speed Triple R (192 kg) alors que le RS est plus léger de 3 kg. Merci au carbone ajouté ça et là ainsi qu’aux différences avec le modèle « standard » !
Au niveau look, la Speed n’a pas énormément changé. Outre les détails quant aux coloris, ce sont surtout les roues qui apportent une nouvelle dynamique visuelle. Et quelles jantes. Le mono-bras oscillant met sublimement en valeur cette nouvelle jante brillante à 5 bâtons. Un pur chef-d’œuvre ! Le soin du détail apporté à la moto est bluffant. On se dit que cette moto a été dessinée et conçue avec une passion inégalable. Tout est beau, les rappels de la marque ça et là sont fins et apposé un peu partout apportant un sentiment de produit fini.
Pour notre test, c’est la version RS que nous avons eu la chance de rouler. Cette version est donc upgradée par rapport à la S. J’ai déjà évoqué quelques différences plus haut, mais ce n’est pas tout. La Speed Triple RS est par exemple équipée de série d’un levier de frein Brembo réglable et d’un levier d’embrayage assorti.
On trouve également sur cette mouture une selle confort et du carbone un peu partout. Et moi, j’aime le carbone ! On retrouve également ce matériau noble sur les flutes Arrow, qui sont elles aussi de série sur ce modèle. Il en va de même pour le sabot moteur et le capot de selle passager assorti. C’est une différence notable par rapport à la précédente version de la Speed Triple R. Maintenant, tous ces équipements ne sont pas des options au catalogue. Ils viennent directement avec la moto.
C’est là que je pointerais le premier point négatif de l’anglaise (profitez, il n’y en a pas des masses…). Le modèle RS, à vocation forcément plus sportive, n’est pas équipé de shifter. J’ai un peu du mal à comprendre ce qui a pu pousser la firme de Hinckley à équiper ce modèle de suspattes de compèt’, de durites avia, d’un mode Track, d’un « corner ABS », etc… et de laisser le shifter en option ?
Il est super aisé de naviguer dans l’ordinateur de bord. Même moi j’ai réussi du premier coup, et sans explications au préalable, c’est pour dire ! Grâce au joystick et aux quelques commodos (rétro-éclairés dans le noir) tout est intuitif et ma fille de 7 ans pourrait me paramétrer un mode de conduite assez fun !
Une pression sur le bouton de démarrage et le trois pattes s’anime… Mes poils s’hérissent et j’ai immédiatement la banane. Le son qui sort des échappements Arrow est grisant. Et encore, ma brèle du jour est froide et je ne joue pas (encore) avec la poignée des gaz.
Pour notre essai, Triumph a équipé nos motos du fameux shifter en option. Bonne surprise, ce n’est pas qu’un shifter traditionnel, mais un blipper, qui me permettra non seulement de monter mes rapports sans débrayer, mais également de les descendre. Pour le confort, nos motos ont également les poignées chauffantes. Ça ne modifiera en rien le comportement de la moto, mais vu la météo, c’est un détail qui pourrait se révéler agréable ! Car Triumph n’a pas apporté que des Speed Triple du Royaume Uni, ils ont également apporté la météo britannique.
Ca y est, on part. Il pleut. Fuck. Ben ouais, faut bien s’adapter à l’anglaise ! Je vois le bon côté des choses et je me dis qu’au moins, je testerais rapidement le mode pluie. La réponse à ma sollicitation de la poignée de gaz est (trop) douce et la montée en régime également. Très vite, j’aurais une première intervention du contrôle de traction. Non seulement je ne suis pas super doux sur la poignée de droite, mais en plus, en étant chaussé de Pirelli Diablo Supercorsa, on n’a pas vraiment à faire au mélange idéal pour rouler avec les grenouilles. Quoi qu’il en soit, la moto est saine. Pas de bizzareries et pourtant le rythme est déjà … plaisant au vu des conditions ! En revanche, je suis étonné en bien : après quelques virages seulement, j’ai l’impression de connaître ma brèle. Ce genre d’adaptation ultra-rapide est d’habitude plus l’apanage de la marque ailée.
Après quelques kilomètres, la route est séchante. Ni une, ni deux, je passe sur le mode Road. J’ai l’impression que le moteur répond mieux à mes demandes sans toutefois être très expressif. En même temps, je viens de libérer 50 chevaux supplémentaires… Si je veux de la réponse, je dois taper un peu plus haut dans les tours. Le couple est bien présent, mais la manière dont il arrive paraît filtré et j’en viens à me dire que dans des conditions mixtes, ce mode pourrait être idéal. Surtout qu’en taquinant un peu les leviers de ma Speed, les assistances électroniques sont rapidement là, un peu comme cette vilaine prof de maths qui te surveille quand elle sait que l’heure de la récré arrive…
Alors bon, c’est pas que j’aime pas les maths, mais j’ai un souvenir de la Speed Triple beaucoup plus marrant, alors hop, un coup de joystick plus tard, je passe en mode Sport tout en roulant. En coupant les gaz, on peut sans autres changer de mode en roulant à condition de choisir entre le Rain, Road ou Sport. Les deux autres modes permettant de supprimer l’ABS ou le contrôle de traction, il faut s’arrêter. On peut garder le moteur allumé, mais il faut impérativement stopper la machine. Pour ma part, il m’a fallu quelques changements avant d’être totalement familiarisé avec le processus de changement de mode en roulant. Mon seul réel problème étant qu’à l’aveugle, j’avais tendance à appuyer sur le bouton des clignos au lieu du joystick. A ma décharge, ces deux boutons sont placés proches l’un de l’autre et ont un peu la même forme.
La route est parfaitement sèche et on lâche la cavalerie. Là, la reine se dévoile. On est comme connecté à la machine tant ses réactions sont proches de ce qui est demandé. On commence à pouvoir jouer avec la moto, notamment dans les phases de ré-accélération à la suite d’un virage. A ce moment là, le contrôle de traction effectue un travail sensationnel sans pour autant être trop intrusif. Je veux dire par là que son intervention est relativement transparente et qu’il est très certainement arrivé qu’il intervienne sans même que je m’en rende compte.
Du coup, en augmentant le rythme, on profite pleinement de la partie-cycle. Comme par le passé, elle est tout simplement impériale. Le travail des éléments Öhlins se fait ressentir et se traduit par un comportement tellement sain, que la sainitude (cherchez pas, c’est un mot à moi !) elle-même est jalouse de la Speed Triple RS. Plus on « tape dedans », plus on se rend compte qu’on peut en ajouter, alors forcément, je me suis pas fait prier…
Et là… Paf ! Deuxième critique, si toutefois on peut appeler ça une critique. Avec un tel moteur, et une partie cycle aussi bonne, on regrette que la Speed Triple RS ne possède pas un contrôle de wheelings à part entière. Je m’explique : on rentre fort dans son virage, la confiance gonflée à bloc grâce aux suspensions, très tôt on accélère relativement fort sachant que le contrôle traction servira de garde fou. Et c’est là que le bât blesse. En redressant la moto, on n’a qu’une envie, à savoir faire monter la roue avant, d’autant plus qu’on sent qu’elle ne demande que ça… Mais sur la Speed, c’est le contrôle de traction qui fait office « d’anti-wheeling », et du coup, ben ça lève pas, ou trop peu. Je sais, je pinaille et en général, ce sont les sportives qui sont dotées d’une électronique aussi permissive. Mais la Triumph donne tellement qu’on a envie de lui en demander plus.
Vous me direz qu’il existe toujours la possibilité de rouler sur le mode Rider, et, de cette manière, créer son propre mode de conduite. J’ai donc anticipé et, avant de partir, j’ai programmé le mien de la sorte en demandant une réponse des gaz la plus sportive, et aucune assistance électronique. Il y a également la question du mode Track. Si ce dernier est évidemment prévu pour des journées piste (comme les AcidTracks par exemple), il est tentant de l’essayer sur route, surtout sachant que ce mode garde les assistances, mais repousse au maximum leurs interventions. Mais bon, on roule en direction du circuit d’Almeria et je devrais avoir tout loisir de tester ce mode en bonne et due forme.
Après m’être arrêté pour sélectionner le mode de conduite personnalisé, j’ai eu droit à un grand moment de jeu. Comme je les aime. Pour moi, une moto doit être un plaisir, et il est impératif pour moi de pouvoir « jouer » avec ma brêle quand j’en ai envie. Sur ce mode de conduite, la Speed a répondu à toutes mes attentes, surtout avec le blipper Triumph qui est particulièrement bon. Mettre la moto en glisse est un jeu d’enfant et chaque sortie de virage est sujette au petit wheeling du bonheur.
Rouler sur ces derniers modes m’a permis de mettre certaines choses en avant. Je vous ai déjà parlé du côté ultra-sain apporté par la partie cycle. Mais cela mérite d’être développé un peu plus. Bien sûr, les éléments Öhlins travaillent à merveille, on n’en attend pas moins, mais ce qui est également impressionnant, c’est le retour d’information apporté par le train avant. On ressent tout ce qui se passe sous la roue avant et si cela peut paraître un peu déstabilisant, on s’y fait très vite et ça ne fait que grandir la confiance du pilote en sa partie cycle.
Cette partie cycle justement qui se termine par un ensemble dédié au frein siglé Brembo et qui s’est montré tout bonnement irréprochable. Puissance, mordant, feeling, tout était présent pour que chaque prise de levier droit se fasse à nouveau en toute sérénité. Et pour peu que vous fassiez totalement confiance aux technologies telles que le corner ABS, cette sérénité se transformera tout simplement en confiance aveugle.
Un autre point qu’il a été possible de tester correctement, c’est le moteur. Il faut dire que les routes de montagnes empruntées lors de notre essai se prêtaient assez bien à une petite arsouille… La réponse du moteur est fantastique. Comme par le passé, le couple est présent partout, à tel point qu’on pourrait se permettre de ne rouler que sur ce dernier. Ou alors on pousse un peu plus les rapports et on entre dans une autre sphère. Le trois cylindre pousse tout le temps avec une allonge qui n’a rien à envier aux quatre cylindres. Tout ça dans une symphonie, aussi rageuse que moteur, que l’on pourrait nommer « vocalises du trois pattes, interprétées par les sœurs Arrow ». Impossible de confondre une Speed Triple RS avec une autre moto tant ce bruit lui est propre.
Dès le début de notre présentation, la réponse à la poignée de gaz était un sujet qui revenait assez régulièrement sur le tapis. Il faut dire que j’ai compris pourquoi dès lors que j’ai roulé sur ces derniers modes. La précision et la finesse du ride-by-wire est exemplaire. A un tel point que cela pourrait en devenir piégeur en cas de mouvement parasite du poignet droit. Quoi qu’il en soit, on sent bel et bien la différence de réponse de la poignée de gaz entre les différents modes de conduite.
Malheureusement pour nous, l’essai prévu sur le circuit d’Almeria a été interrompu après que j’ai pu effectuer 5 tours. La météo a décidé d’interrompre ce qui devait être un après-midi riche en apprentissage, mais sur piste, avec des Supercorsa sous la flotte, il y aurait eu plus de casse qu’autre chose…
Si au final la météo aura eu raison de l’organisation de l’essai, il m’est tout de même possible de confirmer le fait que Triumph met sur le marché la meilleure Speed Triple jamais produite. Un tel niveau de finition et d’aboutissement pour un roadster est tout bonnement bluffant. De mon point de vue, cette moto a été conçue pour 2 choses : donner du fun et des performances grisantes. Reste que pour l’acquérir, il faudra débourser la somme de CHF 17'150.-. Ce n’est certes pas donné, mais quand on fait le compte de toutes les options qu’il y a dessus, on se rend compte que l’on arrive au prix d’autres roadsters… A réfléchir donc…mais moi, je la veux !