En traversant le pont autoroutier « Vasco de Gama » à Lisbonne, à une vitesse pas forcément raisonnable, avec de fortes rafales de vent de travers à décorner une licorne, je loue la stabilité de la H2 SX SE et son moteur rempli. En même temps, j'essaie de me remémorer les explications des ingénieurs nippons lors de la présentation de la veille sur leur nouveau joujou vert compressé.
La première chose qui nous a été précisée, et répétée à plusieurs reprises par la suite, est que la Ninja H2 SX n’est pas une H2 avec une selle passager ! C’est une nouveauté à part entière dans la gamme des routières qui porte l’acronyme SX chez Kawasaki.
Son cahier des charges et ses racines ont germés chez nous en Europe, entre l’Allemagne et ses autoroutes à la vitesse illimitée, la France et la Suisse pour les routes qui tournicotent dans les Alpes. Il faut donc une excellente agilité et un poids moindre à emmener pour prendre un maximum de plaisir. Le but était donc d’avoir à la fois la machine la plus rapide sur autoroute et la plus facile à emmener dans les cols, genre de défi !
Pour ce faire, la SX n’a pas beaucoup de pièces en commun avec la H2, bien qu’elle soit le fruit d’un même cerveau. C’est l’ingénieur en charge du moteur de la H2 qui a été le project leader de la H2 SX. Par exemple, la plupart des pièces du moteur ont été revues pour une utilisation routière, à l’instar de la turbine du compresseur, des pistons, arbres à cames, du taux de compression et d’une foule de détails techniques qui mériteraient, à eux seuls, un article tant c’est intéressant. Au passage, Watanabe San nous avouera avoir utilisé pas moins de 300 turbines différentes pour la H2 avant de trouver la bonne.
Pour parler chiffre, car ceux-ci sont éloquents, la Kawa développe grâce à son compresseur, la bagatelle de 200cv, 210 avec le Ram-Air à haute vitesse, pour un couple de 137,3Nm, et ça, elle est la seule routière sportive à pouvoir se targuer de telles performances. Il faut bien garder à l’esprit que la H2 SX n’est pas une sportive et qu’elle cube 998cc là où ses concurrentes disparues des catalogues comme l’Hayabusa, cubaient 1340cc.
Pour maintenir cette puissance ainsi que les poids des pilotes, des passagers et des bagages, le châssis a été revu à la hausse. Ainsi le diamètre des tubes du treillis tubulaire passe de 22,2mm sur la H2 à 28,6mm sur la SX. Des renforts viennent prendre place autour de la colonne de direction et le bâti arrière est spécifique. Par contre, la version routère garde le monobras et la sublime jante en étoile de la H2.
Mais revenons à nos moutons. Une fois le trajet autoroutier avalé à la vitesse d’un TGV, il est temps d’attaquer les petites routes portugaises pour rejoindre le premier lieu de notre shooting photo, à cent kilomètres de là. Nous attaquons une première portion de nationale un peu défoncée qui met en avant la qualité des suspensions. Bien que fermes, elles restent assez confortables en regard de l’état de la route et des nids de poule (elles sont balèzes les poules au Portugal) rencontrés. Elles sont d’ailleurs entièrement réglables, l’arrière étant par exemple ajustable avec une molette située sur la bonbonne séparée qui est bien entendue… verte !
Elles permettent dans tous les cas de maintenir les deux roues bien en contact avec le sol, ce qui est rassurant quand il s’agit de passer 200 bourrins sur l’asphalte pendant que la roue avant n’a qu’une envie : jouer au fil de l’air sous le coup des accélérations puissantes.
Car oui, il dépote sévère le moulin. C’est bien simple, les ingénieurs ont fait un travail formidable sur le compresseur car il n’y a jamais d’effet « coup de pied au cul » mais au contraire une grande souplesse. Le moteur reprend, même en 6ème, à 2’000tr/mn sans hoqueter et ensuite il grimpe de plus en plus fort plus vous monter dans les tours. Sa force empêchant de lire le pourcentage de compression affiché au tableau de bord pour se concentrer sur la route et les virages qui arrivent de plus en plus vite.
Tiens, parlons du tableau de bord. Sur la SE à côté du grand compte-tours prend place un écran couleurs TFT qui regorge d’informations. Il est déjà possible de choisir plusieurs modes d’affichage entre touring et sport. Pour la route, le mode Touring amène une plus grande lisibilité. Le mode sport quant à lui permet de voir les accélérations, freinages et forces latérales subies par le gyroscope à 6 axes de l’IMU.
On y voit également les modes moteurs et la puissance sélectionnée, comme « F » pour full ou encore le niveau de traction control. Le tout est facilement sélectionnable via le commodo gauche qui gère aussi le cruise-control. La jauge de carburant est très précise, et fait rare, ne descend pas d’un coup comme sur beaucoup de modèles. Du coup la consommation est plus facile à gérer. Je suis d’ailleurs assez surpris par l’appétit d’oiseau de la belle verte car selon un rapide calcul, les 19 litres du réservoir offrent plus de 300km d’autonomie.
Cette fois on arrive dans le vif du sujet et on attaque les petites routes de la côte dans le parc naturel d'Arrabida. Les paysages sont à couper les souffle. On se croirait presque dans un petit col alpin avec les lacets qui montent vers les petits sommets et permettent d’admirer l’océan avant de replonger vers la côte. La Kawa y fait merveille, il faut dire qu’il n’y a que 260kg à emmener et que l’agilité est excellente. La H2 SX file là où le regard va. Elle est d’une précision redoutable. Le grip n’étant pas des meilleurs, j’ai apprécié le travail en douceur du traction control qui est très doux.
Cependant, c’est à ce moment que j’ai fait mon premier reproche à la moto. Autant le frein avant est super efficace, facilement dosable à deux doigts, un seul suffit à arrêter la moto et il possède un excellent mordant; autant le frein arrière manque de gniak. Il faut vraiment appuyer fort dessus pour faire rejoindre la corde à la H2 SX. J’ai d’abord pensé à des plaquettes neuves, du coup j’ai freiné 2-3 fois fort de l’arrière en ligne droite et même là, impossible d’obtenir un ralentissement efficace, voire même une action de l’ABS. Peut-être que cela pourrait être corrigé avec des plaquettes adaptables plus « mordantes ».
Le shifter permet de se passer de l’embrayage qui est pourtant souple et ne demande pas d’effort. Les rapports montent très facilement sans couper les gaz et le verrouillage de la boîte est excellent. Je n’ai jamais eu de faux point mort ou de passage de rapport hasardeux. Il est également possible de descendre les rapports mais il faut fermer les gaz avant d’appuyer sur le sélecteur.
Arrivé sur le site du premier shooting, j’ai profité d’un passage pour tester le duo. Et bien que je sois pour le maintien des Umbrella Girls, je suis également pour l’égalité des sexes :-) c’est donc la passagère désignée qui a pris le guidon et moi qui suis monté sur la place arrière. Celle-ci est accueillante, bien que placée un poil haut à mon goût. Les larges poignées de maintien sont très bien conçues et m’auront permis de m’agripper, ma pilote du jour étant dotée d’un très bon coup de gaz !
Durant la pause de midi, j'en profite pour détailler un peu plus la Kawasaki du regard. Pour une moto de ce segment je trouve que certains détails de finiton laissent un peu à désirer comme des câbles apparents au niveau de certaines cosses et le passage des nombreux câbles des commodos simplement maintenus par un élastique. Ca fait un peu « cheap ». J'aurais souhaité que le tout soit un peu mieux dissimulé. Pour pinailler, les vis de la bulle auraient aussi pu avoir une autre couleur que celle de l'alu brut.
Lors du retour sur une portion d’autoroute, je me suis également rappelé pourquoi la H2 SX n’était pas dotée d’une bulle réglable. C’est tout simplement parce qu’avec les vitesses atteintes, Watanabe San nous a avoué un 300km/h (fait rare dans notre époque bien pensante), il aurait fallu tout une armature et un système pour la tenir, bien trop lourd et trop complexe en regard de la pression de l’air. Mais la bulle enveloppante de la version SE (celle de la version standard est plus basse), rempli parfaitement son office pour mon 1m72. Je suis bien à l’abri et je ne souffre pas des turbulences en regard de la vitesse (inavouable) affichée par le compteur.
D’ailleurs lors de ce même retour, mon collègue Gonzo m’a refilé son gluon de la schkoumoune électronique et mon GPS m’aura joué des tours, rallongeant mon trajet. Hé bien, croyez-moi ça ne m’a dérangé du tout d’ajouter quelques kilomètres à ma journée. La selle de la H2 SX étant accueillante, elle aura épargné mon séant durant toute la journée. La position de conduite, pas trop en appui sur les poignets, n’est également pas fatigante du tout et c’est (presque) frais que j’ai rejoint notre hôtel à Cascais après 273 kilomètres qui auront superchargé ma journée.
Après toutes ces péripéties routières, les gens de chez Kawasaki ont eu la gentillesse de nous faire essayer la H2 SX le lendemain sur le circuit d’Estoril. Attention, non pas pour faire des ronds sur le tracé, mais plutôt pour aller essayer de cerner dans un cadre idéal l’étendue des performances du moteur et du châssis. Comme énoncé dans mon premier paragraphe, ce n’est pas une sportive, mais une routière-sportive :-)
Premier exercice, le départ arrêté au tout début de la longue ligne droite. Hé bien croyez moi ça pousse velu et, n’étant pas un grand fan du launch control, j’ai réussi mon meilleur départ sans son aide.
Je vais en profiter pour faire une parenthèse sur la bande-son émise par le quatre cylindres, chose que je n’ai pas abordée jusque là. La Kawa est dotée d’une musique bien à elle et qu’on ne retrouve sur aucun autre modèle. En plus, en montant haut dans les tours, on entend distinctement les changements de compression au passage des rapports. L’entendre passer à bloc dans la ligne droite est un réel plaisir auditif.
Après quoi nos hôtes nous ont concocté un petit parcours d’agility, après un départ avant le virage 3 et un droite/gauche, une série de cônes serrés m’attendait pour démontrer la facilité avec laquelle la H2 se balance à gauche et à droite. Ensuite une accélération et une nouvelle série de cônes, cette fois décalés et plus espacés pour le même travail mais à plus haute vitesse. Cela démontre cette fois la stabilité, une fois sur l’angle la Kawa ne bouge pas !
A la sortie de cet exercice j’accélère à fond de deux et passe la trois avant de littéralement planter les freins pour tester l’efficacité de l’ABS. On le sent travailler bien qu’il ne perturbe pas le feeling au levier de frein.
Le reste du tour du circuit est « libre » pour rejoindre le poste d’attente entre les virages 2 et 3. Du coup, je me fais plaisir, surtout dans la longue courbe à droite qui lance la ligne droite des stands. Au fur et à mesure des passages je soigne ma trajectoire et apprécie le contrôle de traction qui s’allume de temps à autres suivant la sollicitation de la poignée droite.
En soignant la trajectoire, je sors en fond de trois et en profite pour tester la vitesse maxi, mon dernier coup d’oeil sur le tableau de bord affichera un 285km/h, avant de freiner au repère de la passerelle qui est le « presque trop tard ». Nul doute qu’avec quelques mètres supplémentaires la H2 SX accroche les 300km/h !
Le freinage qui suit met à rude épreuve autant les freins que les pneus. Incroyable avec quelle facilité la moto passe de près de sa vitesse maxi à environ 60-80km/h pour prendre le virage à droite qui suit. Grisant et cela démontre les hautes performances de la Kawasaki qui n’est pourtant pas dans son espace naturel sur circuit.
A la croisée des chemins entre une routière et une sportive, la Kawasaki H2 SX remet au goût du jour les routières sportives qui ont quasiment disparues des catalogues. Elle est également une vitrine du savoir-faire made in Kawasaki, avec son compresseur unique, dont la production actuelle dépasse de loin le gadget marketing et trouve toute sa raison d’être sur ce genre de machine. La H2 SX est la seule routière sportive à offrir 200 chevaux et une telle facilité sur la route.
Au niveau des aspects pratiques, la Kawa, dans sa version SE, est dotée d’une béquille centrale, de poignées chauffantes, de roues polies, d’un shifter et de phares de virage qui ne sont pas un gadget, ceux-ci permettant d’éclairer votre trajectoire selon l’angle de la moto. En ce qui concerne l'intervalle entre les services, celui-ci s'établi à 12'000 kilomètres ou une année.
Pour emporter vos petites affaires, les valises (en option) sont les bienvenues, elles sont faciles d’utilisation et leur volume vous permettra de partir en week-end sans souci. Il est par exemple aisé d’y mettre un casque intégral dans chacune sans problème, pour vous donner une idée du volume. Par contre, ne comptez pas mettre quoi que ce soit sous la selle, vous pourrez à peine y loger une brosse à dent et son tube de dentifrice, la place étant occupée par deux (!) trousses à outils. En les enlevant, un fin pantalon de pluie pourra y trouver sa place.
Je vous ai présenté ici la version SE de la H2 SX car c’est celle que j’ai essayée. Bien qu’elle soit également disponible en version standard à CHF 21’500.-, soit CHF 3’400.- de moins que la SE, au vu de la différence d’équipement de cette dernière, cette différence vaut vraiment la peine. En plus, ce coloris vert métallisé emprunté au Jocker de Batman lui va à ravir !
Alors, raisonnable ou pas cette Kawasaki H2 SX SE ? Très franchement elle est parfaite pour ce dont elle a été conçue, à savoir : rouler à bloc sur les autoroutes (allemandes bien entendu) et prendre de l’angle dans les cols, le tout dans un confort qui permet de parcourir de nombreux kilomètres et ce, même si chevaucher une moto qui développe 200cv, que les lois de notre pays ne permettent pas d’exploiter, est plus flatteur pour l’ego. En plus, on ne risque pas d'en croiser à chaque coin de rue.
Ma réponse sera donc « oui » !