
BMW et Triumph ont l’immense avantage d’avoir un réservoir historique inépuisable dans lequel l’ère du temps actuel, et les mesures de rétorsion (qui a dit répression à outrance au fond de la classe ?) qui déferlent sur nos routes nous font apprécier la balade au guidon de ces machines à l’allure rétro mais à l’accastillage des plus modernes.
Quand je vous dis que tout les rassemble et que tout les oppose, c’est à commencer par leurs architecture moteur, nous avons bien deux twins de 1’200cc qui développent tous deux plus de 110cv mais sur le continent on préfère le flat twin, soit deux cylindres qui « boxent » l’un contre l’autre quand de l’autre côté de la manche on préfère l’historique parallèle vertical twin.
Au niveau du look nous sommes bien en présence de deux "Café Racer" munis de guidons placés assez bas, surtout sur la BMW, et d’une selle monoplace. Ça se vit en égoïste.
Les deux motos sont dotées d’une finition hors paire avec un petit plus pour l’anglaise et ses suspensions Öhlins et sa grosse fourche Showa. Personnellement je trouve que l’Anglaise a une ligne à se damner, surtout dans ce coloris gris mat. La trait qui va du réservoir, dont le bouchon d’essence est une vraie pièce d’orfèvrerie, a la selle arrière est très réussie. Et quand on s’installe à bord, la sangle en alu brossé qui maintient ce dernier est sublime.
Après, quand on détaille d’arrière, on tombe sur les deux flutes d’échappement qui apportent encore un look vintage et agressif à la fois. La seule critique que l’on pourra faire est au niveau du passage des câbles où les britons auraient pu faire un petit effort supplémentaire pour les cacher afin d’être au niveau du reste de la machine.
En ce qui concerne l’Allemande, elle est juste un cran en-dessous, la peinture aux couleurs BMW Racing est très réussie mais pas aussi classe que le gris mat anglais. La petite bulle apporte un touche à la « Lévrier Noir » dans le Joe Bar Team, par contre l’échappement est un peu trop classique à mon goût et aurait mérité d’être un poil plus court, ou dédoublé afin de laisser plus de vue à la jante arrière et au monobras.
Par contre, le flat twin est sublimé dans cet écrin minimaliste, on ne voit que lui et il dégage un sentiment de puissance qui se confirme dès qu’on lui permet de s’ébrouer. Et le terme n’est pas choisi par hasard car il est encore doté du fameux couple de renversement à la BM, c’est mythique, c’est magique, bref ça vit !
Le freinage est visuellement plus flatteur sur l’Anglaise avec les pinces Brembo avant dernière-génération dont sont dotées la plupart des sportives actuelles. C’est plus classique, bien que de même provenance, chez BMW.
Une fois installé à bord, là aussi tout oppose les deux Café Racer avec tout d’abord une position très allongée sur le réservoir pour aller chercher les guidons à bord de l’Allemande. Les jambes ne sont pas trop repliées. Et du côté de la firme d’Hincley une assise assez droite bien plus naturelle grâce à une moto courte, mais je n’ai jamais trouvé la bonne place pour mes genoux, ceux-ci venant butter dans le bas du réservoir et non dans ses échancrures.
Les deux tableaux de bord, analogiques pour la vitesse et les tours minutes, look rétro oblige, comprennent l’essentiel des informations, hormis du côté de BM où une jauge à essence qui fait cruellement défaut. Mais autrement, vous avez accès à toutes les infos plus ou moins utiles comme trip, conso instantanée, conso moyenne, voltage de la batterie,…
Au niveau des commandes, rien à redire sur les deux modèles, les boutons et les commandes tombent bien sous les mains et les doigts. Les deux embrayages qui n’appellent aucune critique n’auront pas fait souffrir ma petite minime gauche lors des changements de vitesses.
Une fois les moteurs lancés ça pétarade sec et on sent bien qu’on est en présence de deux gros twin, les montées en régime sont franches et génèrent un couple important. Vive les grosses gamelles !
A l’usage, il est plaisant de rouler sur les rapports intermédiaires et de faire de bonnes relances juste en ouvrant les gaz, aucun besoin de rentrer un rapport et à ce petit jeu là, l’Allemande a un petit plus. Elle est plus réactive à l’ouverture des gaz et les reprises sont plus franches. Je n’ai pas essayé de les confronter au chrono sur une reprise de 80 à 100Km/h, la différence devant être mineure, mais les sensations sont plus fortes sur la BM, surtout avec ce gros « brooooap » qui accompagne chaque ouverture franche des gaz.
Ensuite, quand il s’agit de passer les rapports, c’est la Triumph qui prend le dessus. C’est vite vu, on la dirait dotée d’une boîte racing, les rapports se montant très vite et sans aucun effort. Par contre, l’Allemande demande à décomposer le mouvement pour que le rapport passe mieux et l’embrayage monodisque est moins rapide. Ce n’est pas gênant, mais il faut prendre son temps.
Quand il est temps d’attaquer les lacets, on aborde un nouveau domaine où les deux belles s’opposent. D’un côté on a une Triumph très courte qui se jette sur l’angle sans aucun problème, mais qui, revers de la médaille, est plus nerveuse et moins « stable » dans les longues courbes où elle cherche un peu sa trajectoire. Par contre, elle rentre comme une bombe dans les petites épingles.
La Nine T Racer, elle, est d’une stabilité impériale dans les longues courbes qu’elle trace tel un compas sur une feuille blanche. Par contre, elle peine un peu plus à rentrer dans les petites épingles où son empattement plus long la rend moins agile.
Bien que dotée de suspensions Öhlins à l’arrière et d’une solide fourche Showa à l’avant, les suspensions fonctionnent mieux et abordent mieux les chocs de la route sur la BMW, la Triumph est un poil trop « raide » et secoue un peu son pilote suivant l’état de la chaussée. Cela doit bien pouvoir s’améliorer en ouvrant un peu la compression, mais je ne me sentais pas l’âme à jouer au metteur au point sur ces machines.
Par contre, s’il est bien un domaine où les deux s’entendent, c’est l’autoroute ! Ce n’est pas leur terrain de jeux. D’un côté la prise au vent est forte sur la Thruxton et de l’autre, on se casse un peu les poignets sur les guidons bracelets de la Nine T Racer dont la bulle ne protège pas vraiment, elle est plutôt là pour la ligne générale.
Comme pour les suspensions, on pourrait s’attendre à ce que l’Anglaise freine mieux que l’Allemande vu le matériel embarqué mais c’est sans compter sur l’efficacité teutonne en la matière ! Le freinage des BM m’a toujours bluffé et sur la Racer, il continue à le faire. Il suffit d’une petite pression à deux doigts pour littéralement planter la roue avant dans le bitume avec un transfert des masses très léger, efficace je vous dit le freinage italo-germanique !
La Triumph n’est non plus pas une pive en la matière avec ce qu’elle embarque, mais elle manque un tout petit poil de mordant face à la BM et il faut mettre un peu plus de pression sur le levier pour arriver au même résultat.
Et attention, nos deux modèles, bien que rétros, sont dotés d’un bon package électronique avec un contrôle de traction très efficace sur les deux modèles. Suivant l’attaque que l’on a dans les cols, et l’état de la route, on le voit de temps à autres clignoter au tableau de bord.
La Thruxton est même dotée de 2 modes moteur, un Road et un Race. A savoir que si vous sélectionnez le mode Race, dès que vous couperez le contact, l’Anglaise reviendra automatiquement au mode Road. La différence n’est pas flagrante entre les deux modes, la puissance est la même, c’est juste à la réponse à la poignée des gaz qui est plus brutale en mode Race.
Ces deux motos sont une ode au plaisir solitaire (si si !!) tant il est plaisant de se balader dans nos vertes campagnes à leurs guidon. Après lorsqu’il est temps de rejoindre nos pénates le soir, ou une terrasse de bistrot pour aller au bout de la vocation de ces Café Racer, qui à l’époque étaient conçus pour aller le plus d’un pub à l’autre, vous pouvez être sûr qu’il y aura toujours au moins un badaud pour venir admirer votre belle et taper la causette. La moto, telles que celles-ci, sont un merveilleux moyen de communication.
Concernant les aspects pratiques, ben… faut les chercher ! Ah oui, le dosseret de selle de la BM fait office de petit coffre, mais celui-ci ne fermant pas, vous pourrez tout au mieux y mettre un linge pour sécher votre selle ou un bloc-disque. On notera aussi que la cardan est un plus pour l’entretien.
Laquelle choisir… choix cornélien ! Surtout qu'au niveau du tarif elles ne sont pas éloignées, cela ne sera donc pas un élément déterminant. Perso je prendrais la Triumph pour la beauté de l’objet, voire même pour la mettre dans mon salon si elle passait dans mon ascenseur, tant elle est belle sous toutes les coutures. Où que l’on pose son regard, elle flatte son propriétaire avec par exemple son moteur noir mat, ses sigles « T » pour Triumph qui sont omniprésents sur la machine, bref sa classe à l’anglaise.
Et pour la route je choisirais la BMW Nine T Racer pour sa rigueur germanique, son moteur boxer bourré de couple et tellement expressif qui donne envie de rouler jusqu’à plus soif, et de profiter de ses relances « broooooap broaaaaap » dans un confort presque parfait, hormis la position un poil trop allongée qui participe au look "Lévrier noir".
Bref, c’est un peu comme l’école des fans de Jacques Martin, impossible de choisir… chacune ayant ses qualités et ses défauts, à vous de voir lesquels vous conviennent ou vous irritent. Mais une chose est sûre, ce sont des motos à essayer car elles sont ludiques et apportent une telle satisfaction qu’il est dur de ne pas signer de chèque en en descendant !
Donc si vous hésitez entre les deux pour l’été prochain, n’oubliez pas nos AcidDays qui se dérouleront à Cossonay les 5 et 6 mai.